II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 26 novembre 2008 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Marie Vanlerenberghe sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Ville et logement » et l'article 60 rattaché).

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que la mission « Ville et logement » réunit cette année non seulement les crédits dédiés à la politique de la ville et du logement, mais encore les fonds destinés à la politique de l'hébergement, jusqu'à présent placés dans la mission « Solidarité ». L'ensemble du parcours d'insertion, de l'hébergement d'urgence à l'accès au logement, sera désormais porté par une seule et même mission, ce qui devrait favoriser la cohérence des actions mises en oeuvre.

La politique de l'hébergement fait l'objet d'un effort financier soutenu depuis cinq ans : depuis 2004, le nombre de places disponibles, hormis celles normalement réservées aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, a augmenté de 36 %, passant de 51 000 à près de 70 000 unités. Le budget pour 2009 prolonge ce mouvement en prévoyant le financement de plus de 72 000 places. Dans ce contexte, d'après une majorité de professionnels du secteur de l'hébergement, l'amélioration de la prise en charge des personnes les plus vulnérables passe désormais moins par un accroissement supplémentaire des capacités d'accueil que par l'optimisation des moyens existants, selon cinq orientations complémentaires.

Premièrement, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, pourraient améliorer leur taux d'accueil du public-cible en étant plus exigeants vis-à-vis des personnes, dont le nombre est estimé environ à 15 % du total, qui séjournent dans ces structures alors qu'elles ont les moyens financiers d'en sortir.

Deuxièmement, la sortie des CHRS vers le logement devrait être mieux assurée grâce à un recours rapide et systématique au droit opposable au logement.

Troisièmement, le problème de la sous-utilisation des places d'hébergement d'urgence en Ile-de-France pourrait être résolu grâce à la coordination des associations gérantes, ce que le Sénat a organisé, à l'initiative de la commission, dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion en cours d'examen par le Parlement.

Quatrièmement, il semble nécessaire de donner une définition législative à l'hébergement d'urgence afin de préserver sa spécificité : les centres d'hébergement d'urgence n'ont pas pour mission d'accueillir longuement les personnes pour les accompagner dans un parcours d'insertion, mais de traiter les situations de détresse grâce à un diagnostic médical et social qui permet d'apporter les premiers soins et qui débouche sur une orientation rapide vers un autre type de structure.

Cinquièmement, l'hébergement des personnes sans-papiers est un problème difficile, traité avec une grande hypocrisie. Comme ces personnes n'ont pas vocation à séjourner sur le territoire national, elles ne sont pas orientées vers les centres d'hébergement traditionnels. En même temps, les pouvoirs publics refusent de les laisser dormir dehors et les installent donc dans des hôtels : 8 700 places d'hôtel sur les 10 400 réservées annuellement par l'Etat leur sont ainsi consacrées.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis , a ensuite présenté les crédits consacrés à la politique de la ville. Trois préconisations de la commission figurent parmi ses priorités : l'amélioration du pilotage local de la politique de la ville grâce à la nomination, par un redéploiement des effectifs, de 350 délégués du préfet expressément en charge de la coordination des acteurs ; le financement triennal garanti des associations, ce qui leur donnera la stabilité budgétaire nécessaire pour bâtir des projets de moyen terme plus ambitieux ; enfin, la révision de la géographie des zones prioritaires qui sera effectuée l'année prochaine.

Pour autant, la situation budgétaire de la politique de la ville n'est pas rassurante. Le financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU) sera quasi intégralement débudgétisé et mis à la charge du 1 % logement dans les trois années à venir, ce qui représente un désengagement de l'Etat de 320 millions d'euros par an. Si l'exécution des projets pourra être assurée pendant cette période triennale grâce à ce 1 % logement et aux excédents de trésorerie de l'agence nationale de rénovation urbaine, (Anru), une grande incertitude règne sur le financement des opérations à partir de 2012  : ce n'est pas moins de 800 millions par an pendant cinq ans que l'Etat devra alors mobiliser pour honorer les conventions déjà signées.

Il serait bon, dans ces conditions que, dès l'année prochaine et au plus tard en 2010, des réserves de crédits soient constituées, faute de quoi les opérations s'arrêteront en cours de route ou la charge financière retombera sur les collectivités territoriales, ce qui est inacceptable dans un cas comme dans l'autre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis , a ensuite présenté le plan « Dynamique espoir banlieues », censé relancer et rénover l'aide aux personnes des quartiers sensibles et qui repose en fait bien plus sur la mobilisation des crédits de droit commun que sur l'appel à des crédits supplémentaires. Il s'agit certes d'une démarche intéressante, tant la politique de la ville nécessite l'implication efficace de tous les ministères. Mais on peut malgré tout s'interroger sur la baisse programmée des crédits spécifiquement dédiés à la politique de la ville sur les trois prochaines années. Le recentrage de la politique de la ville sur les quartiers les plus en difficulté ne justifie pas en soi que le montant global des crédits diminue.

Cette évolution à la baisse sera d'autant plus difficile à gérer que la prise en charge des majorations de pension pour enfants par la Cnaf, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, conduira la branche famille à réduire les crédits du fonds national d'action sociale qui finance les centres sociaux.

En ce qui concerne les crédits de la politique du logement, et conformément au projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, on constate que l'Etat se désengage à hauteur de 480 millions d'euros qui seront, là aussi, prélevés sur le 1 % logement au profit de l'agence nationale de l'amélioration de l'habitat (Anah). L'abondement des budgets de l'Anru et de l'Anah représentera 850 millions d'euros pour le 1 % logement en 2009 ; ils viendront en déduction d'autres investissements dans le secteur du logement.

La baisse globale des fonds publics destinés au logement est particulièrement inopportune, notamment au vu de la conjoncture économique : un contexte de récession appelle au contraire, et tous les économistes en sont d'accord, un effort financier supplémentaire de l'Etat, surtout dans le secteur du logement qui ne comporte aucun risque d'éviction et maintient des emplois qui ne sont pas délocalisables par définition.

Même si le Président de la République annonce dans les prochains jours un plan de relance concernant le bâtiment, ce choix initial du Gouvernement est d'autant plus surprenant qu'il maintient par ailleurs un effort budgétaire sans précédent en faveur du logement social : 108 000 logements HLM ont été construits cette année et 110 000 seront financés en 2009, alors qu'on en bâtissait à peine plus de 50 000 par an au début de la décennie.

Enfin, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis, a regretté l'arrêt du financement des primes à l'amélioration des logements à usage locatif, les Palulos, qui représentaient un montant de 60 millions d'euros en 2008.

Pour conclure, il a présenté trois amendements au vote de la commission :

- le premier supprime l'article 82 du projet de loi de finances, qui prévoit une baisse des exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU) et les zones de redynamisation urbaine (ZRU), car le contexte de crise économique actuel incite à ne pas mettre en péril les zones qui sont déjà les plus fragiles ;

- le deuxième rend universelle la garantie des risques locatifs qui permet à un propriétaire de s'assurer volontairement contre l'ensemble des impayés des locataires. Selon les responsables du 1 % logement, cette mesure permettrait de remettre sur le marché 50 000 logements actuellement vacants ;

- le troisième consiste à indexer le montant de la compensation que la Cnaf reçoit pour la gestion de l'allocation de logement social et de l'aide personnalisée au logement sur le nombre de dossiers traités, plutôt que sur le volume des prestations servies, comme tel est le cas actuellement.

Mme Isabelle Debré a mis en avant la nécessité d'un accompagnement social des personnes sans abri, car il n'est pas toujours possible de les convaincre de rejoindre un hébergement d'urgence, même si des places sont disponibles.

M. Alain Vasselle a souhaité connaître le coût des places d'hôtel pour les personnes sans papiers. Il a ensuite jugé la politique du logement du Gouvernement pleine de contradictions, puisqu'elle procède à une diminution des crédits tout en maintenant l'effort de construction de logements en faisant appel à des financements en provenance du 1 %. Or, le 1 % logement est indispensable pour boucler de nombreux projets au niveau local et la diminution de ses crédits pèsera naturellement et à nouveau sur les collectivités territoriales. Il a ensuite dénoncé la volonté de supprimer les Palulos, en s'interrogeant sur ce qui pouvait justifier de ne plus financer la rénovation des logements locatifs. Il a enfin posé la question des impayés de loyers pour les organismes HLM, en regrettant que ces organismes ne puissent pas avoir d'informations sur le niveau des ressources des demandeurs et de leur endettement.

Mme Christiane Demontès a relevé que la présentation de la mission pose encore un problème, car elle n'intègre pas le très important travail des associations en matière d'accompagnement social des personnes sans domicile. Elle a aussi considéré que l'hébergement d'urgence est un problème social, avant même d'être un problème de places. Elle a ensuite mis en avant la situation financière difficile de certaines associations et la nécessité d'évaluer le travail réalisé. Elle a soutenu la proposition du rapporteur de conserver à l'identique l'exonération de charges dans les ZRU et ZFU, car on ne peut changer les règles, en cours de période, pour les entreprises et parce qu'une baisse des exonérations serait contradictoire avec la relance économique nécessaire de ces quartiers. Enfin, elle a relevé qu'en période de crise économique, il est contreproductif de réduire les investissements, surtout dans le secteur de la construction, qui n'est pas délocalisable.

Mme Françoise Henneron a, à son tour, fait valoir l'importance de l'accompagnement social des personnes sans domicile.

Mme Annie David a dénoncé le désengagement de l'Etat, au détriment du 1 % logement et au détriment de politiques importantes, comme celle liée aux Palulos. Elle a également mis en avant la situation de travailleurs pauvres qui, même en travaillant, ne peuvent pas trouver d'autre logement que dans les CHRS.

Mme Sylvie Desmarescaux a estimé contradictoire avec la politique du Gouvernement le recours aux ressources du 1 % au bénéfice de l'Anru et de l'Anah. Elle a également soutenu la proposition du rapporteur tendant à supprimer l'article 82 du projet de loi de finances, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui ont intégré dans leur plan de financement le dispositif d'exonération de charges dans les zones ZFU et ZRU.

En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis, a indiqué que le problème de places concerne surtout l'Ile-de-France et Paris et qu'il s'agit principalement d'un problème de coordination : en effet, le Samu social gère 36 % des places et dix-sept autres organismes gèrent le reste, sans véritable coordination. Il s'est dit également favorable à l'accompagnement social des personnes sans domicile qui sont souvent en situation psychologique fragile. Par ailleurs, les 8 700 places d'hôtel à destination des personnes sans papiers coûtent 50 millions d'euros à l'Etat annuellement. Il a enfin confirmé qu'il interrogera le Gouvernement sur la suppression des crédits Palulos.

La commission a ensuite adopté les crédits de la mission « Ville et logement », ainsi que les trois amendements présentés par le rapporteur .

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