E. LE RÉGIME DES BIOCARBURANTS
1. La « perte d'audience » des carburants d'origine agricole
Alors qu'ils faisaient l'objet, il y a peu, d'un véritable engouement et d'un soutien affirmé de la part de l'Etat, les biocarburants ont été récemment relégués en marge des débats énergétiques et environnementaux, voire critiqués pour certains de leurs aspects. Plusieurs raisons expliquent ce retournement d'approche.
Tout d'abord, la multiplication, au printemps 2008, des pénuries alimentaires à travers le monde, et l'idée subséquente que les terres agricoles ne seraient pas assez vastes pour y réaliser des productions non alimentaires tout en devant nourrir neuf milliards d'être humains au milieu de ce siècle, ont contribué remettre la priorité sur les seuls usages alimentaires.
Ensuite, l'utilité même des biocarburants a été remise en cause. Leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique a été discutée, des études ayant montré que leur « bilan environnemental et énergétique » global était négatif , ou très faiblement positif, du moins pour les biocarburants de première génération.
Enfin, la baisse récente des cours des carburants fossiles a creusé à nouveau l'écart de compétitivité entre les carburants classiques et les « carburants verts », et relégué la recherche d'énergies de substitution à plus tard.
2. Un secteur délaissé par le « Grenelle »
Dans ce contexte, le « Grenelle de l'environnement », après avoir débattu de l'opportunité même de faire porter ses travaux sur les biocarburants, ne leur a consenti qu'une place mineure dans ses discussions.
Le projet de loi-cadre « Grenelle » rend bien compte de ce « déclassement » puisque seul l' article 18 , comptant trois alinéas, leur est consacré. Il y est souligné :
- que la production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier ses effets sur les sols ;
- que la France soutiendra aux niveaux européen et international la mise en place d'un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental ;
- qu'une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième génération .
3. Une défiscalisation remise en cause
Traditionnellement précisé dans le projet de loi de finances, le taux de défiscalisation des biocarburants est la principale mesure de soutien à la filière . En effet, les biocarburants bénéficient depuis 1992 d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation (TIC) afin de compenser le surcoût de production des biocarburants par rapport aux carburants d'origine fossile qu'ils remplacent. Or, l' article 5 du projet de loi de finances pour 2009 , dans sa version originale, prévoyait d' ajuster le taux de défiscalisation , c'est-à-dire de le diminuer progressivement sur les années 2009 à 2011, et de le supprimer purement et simplement en 2012.
Le Gouvernement avançait deux raisons pour justifier cette mesure : d'une part, l'évolution des cours des carburants, de l'énergie et des matières premières agricoles ; d'autre part, l'application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) serait à elle seule une incitation efficace à la production de biocarburants.
Lors de l' examen du texte à l'Assemblée nationale , l'adoption de plusieurs amendements a cependant permis de revenir sur le texte initial sur trois points :
- la dégressivité du taux de défiscalisation a été revue à la baisse pour les années 2009 à 2011 ;
- il a été précisé que son opportunité pourrait être réexaminée au regard de la conjoncture économique et énergétique ;
- la date butoir de 2012 a été supprimée.
Ainsi que le souligne le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, M. Antoine Herth, ce compromis est « salutaire » et « doit maintenant être confirmé par le Sénat ».
La réduction a minima , voire la suppression du dispositif de défiscalisation, remettrait en effet en cause l'équilibre général d'une filière qui, sur la foi d'engagements gouvernementaux, a investi massivement dans des sites industriels et programmes de développement qu'elle doit aujourd'hui amortir. En outre, la baisse de la production de biocarburants sur notre territoire contraindrait, pour respecter nos objectifs d'incorporation, à faire appel à des produits d'importation dont la durabilité n'est pas acquise.
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Lors d'une réunion tenue le 26 novembre 2008, la commission des affaires économiques, suivant la proposition de MM. Gérard César et Daniel Soulage, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAPAFAR) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009, MM. Jean-Marc Pastor et François Fortassin s'en étant remis à la sagesse du Sénat. Elle a adopté un amendement proposé par M. Gérard César, rapporteur pour avis, et visant à abonder de 500 000 euros les crédits du programme 154. Puis, sur la proposition de ses rapporteurs pour avis, elle a également donné un avis favorable à l'adoption de l'article 59 du projet de loi de finances rattaché à la MAPAFAR, ainsi qu'à celle des articles 59 A, 59 B, 59 C, 59 D, 59 bis , 59 ter et 59 quater insérés par l'Assemblée nationale. |