B. L'ATTENTISME FACE AU « BILAN DE SANTÉ » DE LA PAC ET À SES SUITES
1. Les prémices du « bilan de santé »
Depuis son instauration il y a une cinquantaine d'années, la PAC a fait considérablement évoluer l'agriculture européenne en préservant la souveraineté alimentaire de l'Union, en développant une agriculture productive et de plus en plus respectueuse de l'écosystème, en modelant les paysages et en maintenant dans les zones rurales une activité économique et un lien social.
Au-delà de ces succès, la PAC a fait l'objet de critiques récurrentes , souvent injustifiées -sur son coût, son efficacité, sa compatibilité avec les règles du commerce mondial, son rapport aux écosystèmes ou sa responsabilité vis-à-vis de la faim dans le monde-, et se trouve confrontée à de nouveaux défis d'ordre alimentaire, économique, environnemental, énergétique et territorial.
Les réformes successives de la PAC ont cherché à la réorienter en fonction de ces éléments. Datant d'il y a cinq ans dans sa version actuelle, la PAC ne sera véritablement réformée qu'en 2013 , au moment de la révision de son budget. Cependant, et comme cela a été prévu dans les accords de Luxembourg de 2003 , elle doit faire l'objet dès cette année d'un « bilan de santé » à mi-parcours afin d'ajuster certains de ses éléments constitutifs sans attendre la prochaine réforme d'ampleur.
C'est dans cet esprit que la Commission européenne a formulé une communication , le 20 novembre 2007 , suivie de propositions législatives le 20 mai 2008 . D'inspiration très libérale , elles comprenaient des mesures qui, excepté celles visant opportunément à simplifier et à rationaliser l'administration de la PAC, ont été très diversement accueillies.
Si une partie des Etats membres, pour l'essentiel située au Nord de l'Union, les a jugées favorablement, une majorité , emmenée par la France , s'y est opposée au nom du maintien d'un modèle agricole équilibré compensant la volatilité des marchés par des mécanismes d'encadrement et de régulation. Notre pays, dont le rôle s'est trouvé accru par la présidence de l'Union depuis le 1 er juillet, a ainsi fait du « bilan de santé » l'une de ses quatre priorités.
Votre commission s'est elle-même investie de façon appuyée sur ce « bilan de santé ». Elle a ainsi constitué un groupe de travail dont le président, notre collègue Jean Bizet, a déposé et fait adopter une proposition de résolution sur le « bilan de santé » 5 ( * ) afin de soutenir le Gouvernement dans les négociations européennes, et s'est rendu à Bruxelles pour en exposer le contenu au directeur général « agriculture » de la Commission.
Par ailleurs, votre commission a co-organisé à Bruxelles, en coopération avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et le Parlement européen, une conférence interparlementaire rassemblant sur ce thème, les 3 et 4 novembre dernier, des membres des commissions des parlements nationaux et du Parlement européen en charge de l'agriculture.
2. Les conclusions du Conseil « agri » des 19 et 20 novembre 2008
Après que le Parlement européen qui, bien que ne bénéficiant pas encore de la procédure de codécision en matière agricole, s'était très largement investi dans le « bilan de santé » 6 ( * ) , a présenté son ultime rapport sur le « bilan de santé » le 19 novembre dernier, ont été engagées des négociations au sein du Conseil « agriculture » qui ont débouché le lendemain, au terme de dix-huit heures de discussion, sur un compromis.
LES PRINCIPALES MESURES DU « BILAN DE SANTÉ » DE LA PAC -> L'instauration d'outils de couverture de risques Les Etats membres qui le souhaitent pourront mobiliser les fonds du premier pilier pour cofinancer les primes d'assurance climatique payées par les agriculteurs et mettre en place des fonds de mutualisation pour faire face à des crises sanitaires ou environnementales. -> Un accompagnement de la sortie des quotas laitiers Après la suppression des quotas laitiers décidée en juin 2003, leur augmentation de 5 % d'ici 2015, à raison de 1 % par an, est accompagnée de clauses de rendez-vous. Deux rapports en 2010 et 2012 feront le point sur l'état des marchés, procéderont à l'ajustement des quotas et examineront l'impact de leur évolution sur les productions sous appellation d'origine. L'intervention sur les marchés de la poudre de lait et du beurre est maintenue, ainsi que le stockage privé sur le beurre. Des aides spécifiques à la production laitière en montagne peuvent être instaurées. -> La préservation des outils de stabilisation des marchés Dans les secteurs du lait et des céréales, les mécanismes d'intervention sont préservés et adaptés. Par ailleurs, les aides aux cultures spécifiques -les fourrages séchés, le lin, le chanvre, les protéagineux, la fécule de pomme de terre, le riz, les fruits à coque, les aides animales (prime à l'abattage et prime aux bovins mâles)- restent couplées, pour les pays qui le souhaitent, jusqu'en 2012. -> Une réorientation des aides Les Etats-membres pourront décider de réorienter les aides au sein du « premier pilier ». Ils pourront faire évoluer les paiements découplés pour mettre en place une aide identique sur un territoire ou pour faire converger leurs montants. Ils pourront également mettre en place des aides ciblées sur des systèmes de production favorables à l'environnement ou participant à des démarches de qualité, ainsi que sur des productions et des territoires fragiles. -> La réponse au défi d'une agriculture durable Le taux de modulation est porté de 5 actuellement à 10 % -voire 14 % pour les plus grandes exploitations- d'ici 2013. Est prévue une augmentation du taux de cofinancement communautaire -de 25 à 50 %- et un élargissement des mesures finançables à l'adaptation du secteur laitier, à la fin des quotas et à l'innovation. Par ailleurs, la politique de l'installation est renforcée grâce à l'augmentation de 50.000 à 70.000 euros du plafond des investissements finançables. |
3. La mise en oeuvre du « bilan de santé » et ses suites
Dans l'immédiat, la présidence française de l'Union a prévu que les chefs d'Etat et de Gouvernement « fassent le point » , lors de leur sommet des 11 et 12 décembre à Bruxelles, sur les travaux accomplis sur le « bilan de santé » ainsi que sur les orientations de la PAC pour l'avenir.
L'accord global sur le « bilan de santé » obtenu le 20 novembre devrait recevoir une application en 2010 , après que les textes nationaux d'application auront été élaborés, notifiés -au plus tard au 1 er août 2009- à la Commission et acceptés par celle-ci. L'année 2009 verra par ailleurs le début des négociations sur la révision des perspectives budgétaires de l'Union pour la période postérieure à 2013. Enfin, 2013 inaugurera la nouvelle PAC réformée ainsi que le nouveau budget européen pour la période allant jusqu'à 2020.
* 5 Résolution (n° 5, 2008-2009) de M. Jean Bizet, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, sur le bilan de santé de la politique agricole commune.
* 6 En adoptant deux rapports, l'un sur la communication de la Commission, présenté le 26 février 2008 par l'eurodéputé allemand Lutz Goepel, l'autre sur ses propositions législatives, instruit par l'eurodéputé portugais Luis Manuel Capoulas Santos et adopté le 7 octobre 2008.