D. LA RÉFORME DE L'ÉVALUATION

Rappelons que l'AÉRES est une autorité administrative indépendante, créée dans le cadre de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Le nouveau dispositif a pu se mettre en place à compter du 21 avril 2007, date de l'installation du conseil de l'agence et de son président par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le caractère récent de cette réforme justifie que son président, M. Jean-François Dhainaut, ait demandé récemment « quatre ans pour réussir ». En effet, pour la première évaluation - celles des universités de la vague B 3 ( * ) - l'AERES n'a pas évalué les unités de recherche et elle a évalué les formations après les établissements. La deuxième évaluation sera donc essentielle et ce n'est qu'au bout de quatre ans qu'un bilan complet pourra être réalisé.

Selon son président, la qualité du travail de l'agence a très fortement progressé avec la vague C et progressera encore avec la vague D, dont l'évaluation a commencé le 15 octobre dernier. Son souhait est d'arriver à produire des évaluations « irréprochables ».

Votre commission se réjouit qu'en peu de temps, l'agence ait déjà réalisé un travail important , avec l'évaluation de 65 universités, de leurs 72 écoles doctorales ainsi que de 700 unités de recherche (de la vague C).

Il ressort de l'évaluation des universités de la vague B que, dans l'ensemble, elles ont un certain nombre de problèmes à résoudre. Si leur excellente insertion territoriale constitue leur force, le manque de clarté de leur stratégie scientifique est leur faiblesse principale.

La principale recommandation de l'agence concerne la politique de collaboration avec les écoles.

Quant aux organismes de recherche, ils se sont servis de ses rapports pour prendre leurs décisions stratégiques.

Dans un contexte marqué par la mise en place de la loi LRU et par la réforme du CNRS, l'évaluation « intégrée » remet les universités au centre du processus d'évaluation de la recherche. Rappelons que, par le passé, les équipes des universités étaient uniquement évaluées sur dossier. Pour les unités mixtes, les organismes de recherche prenaient en charge l'évaluation que « subissait » l'université.

Cette mission est donc désormais confiée à l'AERES. La mutation n'apparaît cependant pas toujours aisée dans les organismes de recherche et certains doublons existent toujours. Certains regrettent que l'AERES n'ait pas souhaité déléguer aux organismes une partie de l'évaluation, en particulier celle des unités mixtes du CNRS et de l'INSERM.

Cependant, M. Marc Lalande, délégué scientifique chargé des sciences du vivant à l'AERES et directeur de recherche à l'INRA, relativise les tensions avec les organismes : selon lui, à l'occasion d'un premier bilan, l'INSERM, le CNRS et l'INRA n'ont pas émis de critiques majeures. En outre, les rapports permettent désormais des comparaisons homogènes entre unités et des notations plus transparentes. Enfin, des représentants des instances d'évaluation des personnels participent aux comités d'experts.

Avec son agence d'évaluation, notre pays a accompli un pas majeur pour se rapprocher de ses partenaires européens. En effet, quasiment tous les pays européens ont désormais une, voire plusieurs agences d'évaluation. Les modes de fonctionnement diffèrent mais tendent à se rapprocher.

Elle doit désormais relever plusieurs défis , qui concernent :

- la formation de ses experts (3 200 experts, dont 20 % d'étrangers) et la mise en place d'une politique de qualité au moyen d'une autoévaluation de l'agence, afin de se préparer à l'évaluation externe qui sera menée par ses pairs européens fin 2009 ;

- la mise en oeuvre d'une autoévaluation des établissements eux-mêmes.

Cette démarche, rendue nécessaire par le processus européen de Bologne, désigne la capacité des établissements à mesurer eux-mêmes leur efficacité ou leurs performances. Mais, pour l'instant, de nombreuses universités françaises sont encore loin du compte et cette évolution impliquera une « révolution culturelle ». Une méthodologie pour l'autoévaluation des formations devra également impérativement être mise en oeuvre.

Les universités ne sont pas toutes équipées des outils appropriés pour satisfaire à ces objectifs. Votre rapporteur pour l'enseignement supérieur avait déjà insisté, à l'occasion de l'examen du projet de loi LRU, sur l'urgence de combler leurs faiblesses en matière de systèmes d'information, d'outils de gestion et de personnels qualifiés.

Pour ce qui concerne les unités de recherche , la culture de l'évaluation externe est très présente. Tel n'est pas le cas en revanche pour leur évaluation interne. Celle-ci devra notamment intégrer davantage de critères qualitatifs.

Votre commission a déjà insisté sur le fait que, pour être utiles, il faut que les évaluations aient des conséquences sur les projets des universités et sur leur financement.

Relevons que les établissements ont eux-mêmes un rôle essentiel à jouer dans ce domaine , dans la mesure où l'évaluation permet aux équipes de direction de projeter une action et de disposer d'une base de discussion avec les équipes. Ainsi, par exemple, à l'université d'Aix-Marseille 2, un système de bonus-malus accompagne les évaluations des unités de recherche. Il tient compte des notations : une unité peut au maximum doubler son budget ou, à l'inverse, perdre jusqu'à 30 % de celui-ci.

La démarche d'autoévaluation des universités sera désormais mesurée à travers les contrats, notamment par le biais de l'indicateur prévu à cet effet dans le projet annuel de performance (PAP).

Le ministère de tutelle doit aussi, bien entendu, tirer les conséquences des évaluations. A cet égard, certains présidents d'universités dénoncent le manque de clarté dans l'exploitation des résultats de l'évaluation par la direction générale de l'enseignement supérieur (DGES) du ministère.

La réforme en cours du mode d'allocation des moyens budgétaires aux universités devrait nécessairement faire évoluer cette situation ainsi que la réorganisation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, évoquée précédemment.

* 3 Pour la négociation de leur contrat quadriennal avec la Direction générale de l'enseignement supérieur (DGES), les établissements sont répartis en 4 vagues contractuelles : C (2008-2011), D (2009-2012), A (2010-2014), B (2011-2015).

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