B. RESPECTER L'ESSENCE DE L'INTERNET, NEUTRE ET OUVERT, POUR PRÉSERVER CE GISEMENT DE CROISSANCE POUR LA FRANCE
Le réseau internet représente une rupture par rapport à tous les autres réseaux puisque son protocole a permis, dès l'origine, de produire et distribuer des contenus, et même de créer de nouveaux services, sans demander d'autorisation préalable. C'est ce qui a fait son succès et l'a conduit à devenir un outil d'échange entre tous (et demain entre les objets et non seulement entre les personnes) et un levier de croissance pour l'ensemble des économies. Grâce à cette architecture spécifique, les contenus générés par les utilisateurs sont en passe de devenir l'une des richesses essentielles du réseau.
Internet s'est donc construit autour de l'échange libre et gratuit, du fait de la séparation entre les infrastructures et les contenus mis à disposition des utilisateurs. Cette séparation est souvent désignée comme le principe de neutralité, et ce principe doit être sauvegardé pour éviter la prise de contrôle d'internet par un Etat, ou par des entités privées.
Or cette neutralité d'internet, véhicule de transport sans autorité sur les contenus, pourrait se trouver menacée par une généralisation prématurée du filtrage des réseaux. Le texte du projet de loi ne le prévoit pas mais la mention, à l'article 5, du mot « filtrage », jusque là absent de notre droit, pourrait être lourde de conséquences en raison de son caractère intrusif, de la difficulté et du coût de sa mise en oeuvre, et enfin de son efficacité très discutable. C'est pourquoi votre commission pour avis propose de supprimer ce terme et de revenir aux pouvoirs du juges tels que définis dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique et qui reposent sur une cascade de responsabilités : de l'éditeur d'abord, de l'hébergeur ensuite, et enfin, à défaut, du fournisseur d'accès à internet.
Découlant également du principe de neutralité de l'internet, deux amendements sont proposés par votre commission pour avis qui sont destinés à bien marquer que les fournisseurs d'accès internet (FAI) ne doivent pas, dans le mécanisme mis en place par le projet de loi, endosser des responsabilités qui ne sont pas les leurs : l'un prévoit d'expliciter que c'est bien auprès de l'HADOPI que les internautes pourront exercer leur droit d'accès aux données personnelles les concernant, l'autre prévoit de compenser financièrement le concours apporté par les FAI à l'HADOPI, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Dans le même souci de préserver le caractère ouvert et collaboratif du réseau, votre commission pour avis propose un amendement confiant à l'HADOPI le soin de veiller à garantir le bénéfice des exceptions au droit d'auteur (dont la copie privée) : cette garantie peut permettre d'accompagner le développement des contenus générés par les utilisateurs en facilitant la diffusion légale des oeuvres.
En protégeant la neutralité et l'ouverture d'internet, votre commission pour avis marque son souci de ne pas tarir le gisement de croissance dont internet est porteur et, surtout, de ne pas le tarir en France, ce qui disqualifierait notre pays par rapport au reste du monde.