4. Le soutien au patrimoine privé : une diversification nécessaire des leviers de financement
Le patrimoine privé occupe une place importante dans notre patrimoine national, puisque près de la moitié (49,5 %) des monuments protégés appartiennent à des propriétaires privés. C'est le cas de 35 % environ des seuls monuments classés.
Par les efforts qu'ils mobilisent en vue de maintenir ce patrimoine en état et de le valoriser, ces propriétaires contribuent à l'animation, au dynamisme et à l'attractivité de nos territoires. L'Etat a ainsi tout intérêt à leur apporter un soutien.
Or, les variations budgétaires, conjuguées à la charge de plus en plus lourde que représentent les travaux d'entretien et de restauration, confrontent ces propriétaires privés à « une crise dans la crise », faisant peser une menace sur la conservation et la transmission de ce patrimoine.
C'est pourquoi la mission d'information du Sénat avait proposé des mesures spécifiques en faveur des monuments privés :
• L'une d'elles, visant à
étendre les dispositions fiscales relatives au
mécénat à la conservation et à l'entretien des
monuments privés
, dès lors qu'ils sont ouverts à
la visite ou à l'accueil du public, a déjà trouvé
une traduction dans l'
article 10 de la loi de finances pour
2007
, adopté à l'initiative du Rapporteur
général Philippe Marini.
Cet article étend le bénéfice des dispositions prévues aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts (CGI) 9 ( * ) aux dons versés à la Fondation du patrimoine ou à toute fondation ou association reconnue d'utilité publique et agréée, en vue de subventionner la réalisation de travaux sur un monument historique privé. En contrepartie, le propriétaire doit s'engager à ouvrir au public, pendant au moins dix ans, les parties ayant fait l'objet des travaux.
Si votre rapporteur salue l'adoption de ces dispositions, il souhaite, toutefois, qu'elles puissent entrer rapidement en vigueur car elles répondent à des attentes fortes des propriétaires privés. Or, à ce jour, les décrets d'application ne sont toujours pas parus , laissant subsister certaines incertitudes sur leurs modalités de mise en oeuvre effective.
Cependant, lors de son audition devant la commission, Mme Christine Albanel a apporté des assurances à ce propos :
- ce décret devrait être publié avant la fin de l'année ;
- pour la condition d'ouverture au public, il devrait prendre en compte le caractère saisonnier de la fréquentation touristique et les efforts d'ouverture aux publics scolaires ;
- le projet d'instruction fiscale devrait prévoir, conformément aux engagements pris par le précédent ministre en charge du budget en séance publique, que les monuments faisant l'objet d'une exploitation commerciale pourront réaliser jusqu'à 60 000 euros de recettes sans perdre le bénéfice de cet avantage fiscal ;
- enfin, s'il s'agit de travaux d'accessibilité pour les personnes handicapées , le bénéfice du mécénat devrait s'appliquer sans condition.
Votre rapporteur rappelle, en outre, que la mission d'information avait souhaité que la Fondation du patrimoine se donne, à cette occasion, les moyens d'assurer une péréquation géographique de son aide. Il souhaite donc que l'évaluation de la mise en oeuvre de ces dispositions attache une attention particulière à cette exigence.
Il note avec satisfaction, par ailleurs, que le Rapporteur général propose de compléter ce dispositif à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008 : un amendement adopté par la commission des finances du Sénat tend en effet à rendre éligibles au dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) les dons réalisés au profit d'organismes à but non lucratif intervenant en faveur de la réhabilitation des monuments historiques.
• Votre rapporteur souhaite également attirer
l'attention du Gouvernement sur les
autres préconisations
formulées par la mission
en faveur du patrimoine
privé :
- garantir chaque année une enveloppe minimale pour l'entretien et la restauration des monuments privés, correspondant à 10 % des crédits du patrimoine monumental et archéologique ; votre rapporteur se félicite que, selon les informations qui lui ont été transmises, instruction ait été donnée en ce sens aux DRAC ; il souhaiterait toutefois avoir connaissance, au moment de l'examen du projet de loi de règlement notamment, de la ventilation effective, par région, des crédits destinés aux monuments historiques privés ; en effet, l'engagement financier de l'Etat exerce un effet de levier sur les crédits mobilisés par les autres partenaires, que mesure un indicateur 10 ( * ) du projet annuel de performance ; or, cet effet multiplicateur joue également en sens inverse, dès lors que l'Etat se désengage ou se trouve dans l'incapacité d'honorer sa participation ;
- préserver le dispositif fiscal lié à la « loi Malraux » en faveur des secteurs protégés et mieux évaluer la dépense fiscale afférente ; des efforts ont été réalisés dans le projet annuel de performance pour 2008, mais les informations fournies gagneraient encore à être précisées ; la dépense fiscale liée au « dispositif Malraux » est ainsi évaluée à 50 millions d'euros pour 2007 et 2008, et représente près de la moitié de l'ensemble des 12 dépenses fiscales afférentes au programme « Patrimoines » (la dépense totale étant évaluée à 106 millions d'euros pour 2008, soit 10 % de plus qu'en 2007) ; votre rapporteur note également la publication, en mars 2007, du décret 11 ( * ) pris en application de l'ordonnance n° 2005-864 du 28 juillet 2005, simplifiant les procédures de création des secteurs sauvegardés ;
- examiner les difficultés qui résultent, pour les propriétaires privés de monuments ouverts à la visite, de l' évaluation de la valeur vénale de leur bien , en particulier de l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune de la partie du monument ouverte à la visite ; votre rapporteur interrogera Madame la ministre sur les suites données à cette proposition ;
- étendre le bénéfice du chèque emploi-service au recrutement des guides saisonniers ; cette mesure est attendue par les propriétaires privés puisqu'elle fait partie des dix propositions formulées, à l'occasion des Journées du Patrimoine, par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH) et l'association La Demeure Historique ; son objectif est de fluidifier l'accès à l'emploi saisonnier dans les monuments historiques ; votre rapporteur souhaite donc que des négociations soient engagées avec le ministre en charge du travail afin d'aboutir à des avancées sur ce point.
• En outre, l'application du
taux
réduit de TVA
à 5,5 % aux travaux de
rénovation des locaux à usage d'habitation est soumise à
des conditions restrictives et extrêmement complexes. De toute
évidence, une clarification s'avère nécessaire. Il s'agit
en effet d'un moyen d'alléger la charge financière des
opérations engagées par les propriétaires privés de
monuments protégés.
• Notons, enfin, qu'une autre disposition, introduite
à l'initiative de notre collègue Yann Gaillard, contribue
à élargir les sources de financement des travaux de restauration
sur les monuments protégés : l'article 103 de la loi de
finances pour 2007
autorise que des
bâches
recouvrant les échafaudages
puisse comporter un espace
dédié à la
publicité
; en
contrepartie, un effort de qualité du bâchage doit être
exigé afin d'améliorer la perception du monument pendant les
travaux. Votre commission s'était en effet montrée sensible
à cette exigence « esthétique ».
Le décret d'application étant déjà paru 12 ( * ) , cette disposition est entrée en vigueur le 1 er octobre 2007 . Ce décret précise notamment que les recettes publicitaires bénéficient à l'ensemble des financeurs de l'opération et pas seulement au propriétaire du monument.
* 9 - L'article 200 permet aux personnes physiques de soustraire de leur impôt sur le revenu 66 % des sommes versées au titre du mécénat, dans la limite de 20 % de leurs revenus imposables.
- L'article 238 bis autorise les entreprises à déduire de leur impôt 60 % de leurs versements au titre du mécénat, dans la limite de 5 pour mille de leur chiffre d'affaires.
* 10 Cet indicateur, rattaché à l'objectif 3 « Elargir les sources d'enrichissement des patrimoines publics » du programme 175, mesure le rapport entre le montant des crédits engagés par les partenaires et le montant des subventions versées par l'Etat ; il est de 1,2 en 2006 et devrait, selon les estimations fournies, être porté à plus de 1,5 en 2007 et 2008.
* 11 Décret n° 2007-452 du 25 mars 2007 (JO du 20 mars 2007).
* 12 Décret 2007-645 du 30 avril 2007 pris pour l'application de l'article L. 621-29-8 du code du patrimoine (JO du 2 mai 2007).