2. Les priorités budgétaires et stratégiques pour 2008
a) Le spectacle vivant
Le spectacle vivant a constitué une priorité du ministère ces dernières années, avec une progression des crédits consacrés au spectacle vivant, dont la part dans le budget du ministère est passée de 24 % en 1999, à 35,90 % en 2006, pour revenir cependant à 32,32 % en 2007.
Pour 2008, cette part reviendra à 30,87 % , l'intervention globale du ministère de la culture et de la communication en faveur du spectacle vivant s'élevant à 648,25 millions d'euros en crédits de paiement, contre 650,73 millions en loi de finances initiale pour 2007, soit une baisse de -0,38 %.
Ces crédits se répartiront ainsi :
- 46 % destinés aux établissements publics et autres institutions nationales,
- et 54 % aux autres institutions, qui sont situées à 85% en région.
Toutefois, sachant que le taux moyen de financement par l'Etat du réseau du spectacle vivant en région est de 35 %, l'effort global consacré au spectacle vivant, si l'on tient compte de la participation financière croissante des collectivités locales, soit près de 400 millions d'euros, peut être évalué, a minima, à 1,1 milliard d'euros.
Ces crédits doivent permettre :
- de soutenir un réseau de près de 1 000 lieux de création, de production ou de diffusion situés sur l'ensemble du territoire, destinés au théâtre, aux arts du cirque, de la rue, à la musique, à la danse ainsi qu'aux programmations pluridisciplinaires ;
- d'intervenir auprès des équipes artistiques (compagnies dramatiques, chorégraphiques et ensembles musicaux professionnels), sous la forme d'aides aux projets ou de conventions.
(1) Un budget contraint pour les opérateurs nationaux
(a) L'évolution des crédits
Les établissements publics nationaux du spectacle vivant, opérateurs de l'Etat auxquels sont consacrés 46 % des crédits dans ce domaine, voient leurs moyens globaux en fonctionnement et en investissement augmenter de 2 millions d'euros en autorisations d'engagement mais stagner en crédits de paiement à hauteur de 285,7 millions.
Les crédits globaux (de fonctionnement et d'investissement) de ces opérateurs devraient progresser de +0,7% en autorisations d'engagement et être reconduits 285,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Les moyens nouveaux devraient permettre à l'Opéra Comique de mettre en place son nouveau projet artistique, et à l'Opéra national de Paris et à la Comédie française d'actualiser les crédits de leurs caisses de retraite pour faire face à leurs obligations de pensions.
S'agissant des crédits d'investissement , ils passeront de 8,9 millions d'euros en autorisations d'engagement à 12,4 millions d'euros et seront stabilisés en crédits de paiement à 7,5 millions d'euros.
Ils devraient permettre d'achever la première tranche de travaux et de réaliser les études nécessaires pour poursuivre la rénovation engagée de l'Opéra Comique, de construire un nouvel atelier de décors du Théâtre National de Strasbourg, de poursuivre les travaux d'extension engagés au Théâtre National de la Colline et de régler des contentieux afférents à la construction du Centre National de la Danse à Pantin.
(b) La nécessité de développer d'autres ressources, dont le mécénat
Dans ces conditions, il sera demandé aux opérateurs de l'Etat de poursuivre leurs efforts de rationalisation et de développer de nouvelles ressources afin d'accroître leurs marges de manoeuvre. A cette fin, les indicateurs visent au maintien de leur taux d'autofinancement (à 37,5 %), à une hausse de la recette moyenne par place offerte et à une baisse de la part des charges fixes dans leurs budgets.
Précisons, à cet égard, que le ministère étudie un dispositif visant à faciliter l'accès au mécénat pour certaines des entreprises de spectacles dont la gestion est désintéressée mais qui ne peuvent bénéficier des dispositions de la loi de 2003 en raison de leur statut juridique. Sont notamment concernés les centres dramatiques nationaux.
Votre commission exprime le voeu que les festivals dédiés au spectacle vivant puissent, eux aussi, accueillir les dons privés dans les mêmes conditions.
Votre rapporteur s'est interrogé sur l'ampleur du mécénat culturel à l'heure actuelle. D'après une enquête conduite avec l'institut de sondage CSA, en mars 2006, Admical évalue à 33 % la part du mécénat des entreprises en 2005.
Une évolution positive de ce taux n'est cependant pas à exclure. En effet, selon l'enquête plus récente réalisée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, la culture représente 83 % des actions choisies par les entreprises mécènes (contre 73 % pour le social et la solidarité), et 32 % des actions qui intéresseraient les entreprises françaises (contre 39 % pour l'environnement et le développement durable, et 34% pour le social et la solidarité).
Sur la répartition par discipline des actions de mécénat culturel des entreprises en 2005, l'enquête d'Admical/CSA apporte les indications suivantes (en % du nombre total d'actions) : 33,3 % pour la musique, 13,1 % pour les arts plastiques, 8,1 % pour le patrimoine, 8 % pour les musées, 7,6 % pour l'édition et la littérature, 7,5 % pour l'audiovisuel et le cinéma, 5,9 % pour la photographie, 3,2 % pour la danse, 3,2 % pour les actions culturelles à l'international, 3 % pour le théâtre, 2,9 % pour les actions pluridisciplinaires, 2,4 % pour l'architecture-design, 1,1 % pour le cirque et 0,7 % pour les autres.
(2) Les interventions culturelles
(a) Leur évolution
Les moyens d'intervention du ministère en faveur du spectacle vivant s'élèvent à près de 346,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit 53,4 % des moyens, contre 336 millions l'année précédente, soit une hausse de +3 %.
Les mesures nouvelles s'établissent à environ 3,5 millions d'euros , contre 8,8 en 2007.
Pour ce qui concerne les crédits de fonctionnement, signalons notamment que 5,89 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 2 millions d'euros de crédits de paiement seront consacrés au lancement de la première phase d'études nécessaires à la construction du Grand Auditorium (Philharmonie de Paris), en partenariat avec la Ville de Paris (pour 45 % du projet) et la région Ile-de-France (pour 10 %). Il devrait permettre la mise à disposition de 2 300 à 3 500 places, pour un coût total de 203 millions d'euros, dont plus de 91 à la charge de l'Etat. Précisons que ce projet sera examiné dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Par ailleurs, le produit de la taxe sur les spectacles, évalué à 3,8 millions d'euros devrait revenir à l'Association pour le soutien du théâtre privé.
Priorité sera donnée aux institutions en région, avec une hausse des crédits d'intervention de 0,7 %, devant permettre notamment :
- de poursuivre le développement du réseau des salles de musiques actuelles (Evreux, Rouen, Grenoble, Vannes) ;
- de participer à l'essor du réseau national d'auditoriums (Poitiers et Bordeaux) ;
- d'engager des opérations importantes de restructuration ou de rénovation d'équipements culturels structurants : le TNP de Villeurbanne et le théâtre d'Evreux ;
- de mettre en place de nouveaux équipements, dans une logique d'aménagement du territoire : théâtre de l'Archipel à Perpignan, centre culturel de rencontre de la Borie, centre international de musique ancienne de Tours, salle culturelle de Nouméa, etc.
(b) L'audit de modernisation sur les modalités d'attribution et de suivi des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant
Un rapport d'audit sur les modalités d'attribution et de suivi des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant a été publié en février 2007.
Il y est constaté que le dispositif d'aide, s'il est en forte croissance, est cependant très dispersé entre des réseaux, des labels et des disciplines artistiques, mais aussi entre collectivités publiques. La faiblesse des marges de manoeuvre du ministère et l'encadrement inégal des dispositifs d'aides y sont également soulignés.
Pour optimiser les différents dispositifs d'aides dans le secteur du spectacle vivant et améliorer le pilotage et le suivi de ces dispositifs, plusieurs recommandations ont été formulées :
- simplifier et recentrer le dispositif , notamment en supprimant les doublons, afin de redonner des marges de manoeuvre ;
- encourager la mise en oeuvre de la fongibilité des crédits et développer les outils d'aides à la décision (hiérarchiser les objectifs, fournir des références pour un juste coût, mettre en place des indicateurs pour évaluer les aides, offrir une meilleure lisibilité) ;
- adapter les modalités d'attribution des aides en lien avec les collectivités (améliorer la transparence dans l'attribution des subventions aux projets, étudier la possibilité du recours à la délégation de service public ou à la procédure de marché public pour l'attribution des aides aux structures).
Partageant en grande partie ce diagnostic, le ministère est en train d'élaborer un plan d'action.
Il proposera un cadre de réflexion pour :
- une remise à plat des dispositifs d'aides (élimination des doublons, des petites subventions au niveau central, réflexion sur les labels, leur utilité et leur évolution). En effet, en 2008, le ministère souhaite lancer, en partenariat avec les collectivités territoriales, une double réflexion sur les équipements et sur les labels, en évaluant leur adaptation à leur mission de diffusion et d'élargissement des publics ;
- le développement des outils d'aide à la décision (établissement de référentiels, coordination de l'observation, construction d'indicateurs, etc.).
Quant à la préconisation d'adaptation des modalités d'attribution des aides en passant par des procédures de marché public ou de délégation de service public (DSP), le ministère a attendu l'arrêt rendu récemment par le Conseil d'Etat relatif à la gestion du festival d'Aix pour se prononcer sur ce point. Les exceptions au principe de passation de marché public ou de DSP pour la gestion de service public, indiquées par le Conseil d'Etat, semblent laisser toute leur place aux procédures actuelles que le ministère applique pour subventionner les structures artistiques ayant pris en charge les missions de service public du spectacle vivant. Mais la formalisation accrue des cahiers des charges et la procédure de mise en concurrence pour le recrutement des directeurs des lieux correspondent à la logique du rapport précité.
(3) Une nécessaire priorité : amplifier la diffusion des spectacles
(a) L'enjeu récurrent de la « démocratisation culturelle »
Votre commission a déjà insisté sur ce point ces dernières années, à la suite notamment du rapport 32 ( * ) de M. Bernard Latarjet, qui a jeté la lumière sur les insuffisances en la matière.
Certains progrès ont été réalisés depuis lors , mais l'évolution s'avère lente. Lors de l'élaboration des contrats d'objectifs ou dans l'accompagnement des projets artistiques, les représentants de l'Etat veillent à ce que les structures privilégient le développement de séries d'un même spectacle plutôt que l'augmentation du nombre de spectacles. En effet, plus de représentations d'un même spectacle permettent d'élargir le public et de développer les actions de sensibilisation.
C'est dans le domaine du théâtre et du cirque que les efforts sont les plus conséquents, puisque chaque spectacle fait l'objet, en moyenne, de 3,7 représentations, contre 2,6 toutes disciplines confondues. Votre rapporteur prône un renforcement des efforts en ce sens, ces chiffres restant très faibles.
Certes, l'augmentation quantitative d'un public ne traduit pas forcément un élargissement de la base sociologique de celui-ci, mais souvent une fréquentation multiple des mêmes catégories privilégiées de public. A cet égard, en l'absence actuelle d'outils de mesure nationaux du poids des différentes catégories d'âge ou des différentes catégories socioprofessionnelles, une lecture plus fine reste sans doute encore à construire.
Un acteur du secteur a récemment lancé, en quelque sorte, un « pavé dans la mare », en proposant une analyse critique des politiques conduites en la matière. En effet, M. Jean-Claude Wallach 33 ( * ) considère que les politiques publiques de la culture conduites en France depuis plus de quarante ans sont obsolètes et qu'elles devraient être totalement réévaluées et reconstruites.
Il estime qu'« il ne suffit pas de mettre en présence l'oeuvre et le spectateur pour que le miracle s'accomplisse. Une chose est de « donner accès » selon la formule utilisée à la création du ministère des affaires culturelles. Un autre est d'ouvrir la porte.
Les politiques conduites par l'Etat depuis le début des années 1960 ont bien plus été des politiques de l'art que des politiques de la culture. Ses services se sont bien plus attachés à soutenir la production et les professionnels concernés (les artistes et tous ceux qui participent à la production matérielle des oeuvres et à leur diffusion) qu'à se préoccuper véritablement de la question des publics. Pour autant, ce choix n'a jamais été assumé en toute clarté. »
Toujours selon lui, « Il ne faut pas se borner à concevoir une « offre » artistique ou culturelle. Il est indispensable de se pencher aussi sur la question de modalités de l'offre, ce qui impose de maîtriser deux dimensions complémentaires. D'abord le point de vue du bénéficiaire de l'offre : comment la perçoit-il et la reçoit-il ? Quelles ressources doit-il mobiliser pour y répondre ? Comment doit-il faire évoluer ses comportements et ses habitudes pour user de l'offre qui lui est faite ? Ensuite, du point de vue de ceux qui offrent (les artistes, les institutions et équipements culturels, etc...) : comment tenir compte de ces représentations et de ces usages pour élaborer une offre n'abandonnant en rien les exigences artistiques et culturelles qui fondent l'engagement professionnel des artistes et des responsables des institutions et des équipements ? Comment adapter les horaires ? Quels services complémentaires offrir (de la possibilité de se restaurer jusqu'à la garde des enfants qui permet de ne pas ajouter le coût du baby-sitting à celui des places) ? Comment faire varier l'architecture des lieux ou limiter autant que faire se peut son impact ? »
Au titre des explications, l'auteur interroge les acteurs du secteur eux-mêmes : « Pourquoi est-il si difficile de généraliser certaines de ces initiatives ? Pour des raisons budgétaires bien sûr, mais pas seulement. L'expérience montre que, bien plus souvent qu'on ne le pense, les obstacles majeurs ne sont pas d'ordre financier. Ils découlent des habitudes acquises (osons les mots qui fâchent : des corporatismes ou de certaines cultures de métiers traditionnelles) et, surtout, des difficultés considérables que les professionnels de la culture rencontrent pour adapter les représentations qu'ils se font d'eux-mêmes d'abord, de leurs publics ensuite. »
Cette analyse, certes sévère, a pour mérite de susciter les réflexions et d'alimenter le débat sur la diffusion des spectacles et sur la démocratisation culturelle.
(b) Encourager la circulation des spectacles entre les différents réseaux de théâtres
Le nécessaire développement de la circulation des spectacles entre les théâtres, vaut au premier chef, pour le réseau des théâtres publics. A cet égard, votre rapporteur souhaite que soient aussi pris en compte les théâtres municipaux.
Or, force est de constater que la visibilité nationale de ces derniers est faible. En avril 2006, deux inspecteurs généraux de l'action culturelle, MM. Norbert Engel et Jean-René Marchand, se sont vu confier par le ministre une mission d'étude sur les « théâtres de ville ». Ils devront s'efforcer d'établir une cartographie aussi exacte que possible de cet ensemble, d'en caractériser les composantes et d'en définir les identités et les singularités, d'évaluer les fonctions de ces théâtres, vis-à-vis des grands enjeux de la création, la contribution à la diffusion, le rapport au public et la question de l'emploi culturel.
Cette étude, qui devrait être remise en décembre 2007, comportera des recommandations opérationnelles en vue d'assurer une meilleure prise en compte de ces théâtres par le ministère.
Par ailleurs, votre rapporteur insiste pour qu'une meilleure circulation des oeuvres soit également encouragée entre théâtres publics et théâtres privés. D'après les informations qui lui ont été fournies, les aides à la reprise de spectacles seront développées dans cette perspective.
Précisons que le nombre de représentations dans les salles privées parisiennes - qui représentent l'essentiel de ce réseau - s'est élevé à 17 286 en 2006, en hausse de 10,8 % par rapport à 2005. Parallèlement, le nombre de spectateurs a progressé d'environ 10 %. Le prix du billet, quant à lui, a diminué de 18,5 % entre 2003 et 2006.
(c) Vers un Observatoire du spectacle vivant ?
Les informations dans le domaine du spectacle vivant sont parcellaires, voire contradictoires, mais elles ne permettent pas d'avoir une connaissance suffisamment complète et fine de la réalité du secteur, de son économie générale, de sa fréquentation ou de sa programmation, du fait de l'absence de centralisation des données existantes.
Ceci handicape bien entendu la capacité des acteurs, dont les pouvoirs publics, à mettre en adéquation la politique du spectacle vivant avec les orientations politiques souhaitées et avec les besoins des professionnels.
C'est pourquoi est née l'idée de créer un Observatoire du spectacle vivant, qui centraliserait l'ensemble des données statistiques et pourrait ainsi produire des données fiables et incontestables. Il serait ainsi possible notamment de connaître avec certitude et précision la place de la création contemporaine et des auteurs vivants dans les théâtres.
Votre rapporteur soutient ce projet. Il suggère que cette mission soit confiée au Centre national du théâtre (CNT) et propose d'interroger la ministre sur ce point.
* 32 Voir le rapport intitulé « Pour l'avenir national du spectacle vivant » de M. Bernard Latarjet - avril 2004.
* 33 Voir l'essai de M. Jean-Claude Wallach sur les limites de la démocratisation culturelle : « La culture, pour qui ? » - Éditions de l'attribut - 2007.