II. UNE MÉTHODE ADAPTÉE À L'OBJECTIF POURSUIVI
L'habilitation demandée par le Gouvernement pour légiférer par ordonnance répond à l'objectif poursuivi.
En premier lieu, une réforme effective et rapide de la loi du 27 janvier 1990, selon les voeux des représentants du corps médical et des associations de malades ou de leur famille, ne peut procéder, compte tenu du calendrier parlementaire, que d'une législation déléguée.
Ensuite, le champ de l'habilitation couvre les différentes dispositions législatives concernant les soins psychiatriques sans consentement permettant ainsi la réforme d'ensemble attendue.
Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnance et leur domaine d'intervention 3 ( * ) .
Le texte proposé par l'article 12 répond à ces exigences constitutionnelles en habilitant le Gouvernement à :
- moderniser et clarifier les procédures administratives concernant l'hospitalisation sous contrainte (c'est à dire l'hospitalisation d'office et l'hospitalisation sur demande d'un tiers) ;
- faciliter l'accès aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux ;
- préciser le rôle des professions de santé et des autorités locales en particulier en ce qui concerne les procédures de levée de soins ;
- améliorer le suivi des mesures d'hospitalisation d'office ;
- enfin, modifier les dispositions relatives à l'hospitalisation psychiatrique des détenus afin de permettre leur admission au sein d'unités pour malades difficiles (UMD) ou s'agissant des mineurs, au sein de services psychiatriques adaptés. En effet, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a posé le principe de l'hospitalisation -avec ou sans consentement- des détenus atteints de troubles mentaux au sein d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). 4 ( * ) . Il apparaît cependant souhaitable de maintenir la possibilité d'affecter (comme tel est le cas aujourd'hui) les détenus atteints de troubles graves et particulièrement dangereux au sein des unités pour malades difficiles. Les UMD disposent en effet d'un encadrement médical adapté pour la prise en charge des personnes dangereuses. Quant aux mineurs, il convient de privilégier leur affectation au sein d'hôpitaux dotés de pédopsychiatres même si ces établissements ne disposent pas d'une UHSA.
Le Gouvernement a fixé à deux mois suivant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, le délai dans lequel devra être prise l'ordonnance issue de l'habilitation prévue par l'article 12. Ce délai apparaît relativement bref au regard des délais moyens fixés par les lois d'habilitation (compris entre neuf et dix-huit mois, par exemple, pour la loi du 2 juillet 2003 habilitant à simplifier le droit). Il permettra ainsi, en principe, au Parlement de connaître l'ensemble de la réforme proposée avant la fin de la session parlementaire.
En outre l'article 12 prévoit que le projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance. Le projet de loi devrait donc être déposé pendant la période de suspension des travaux parlementaires et, compte tenu des règles parlementaires, il serait souhaitable que ce soit devant le Sénat, ce qui éviterait sa caducité à la fin de la législature.
Dans la période qui vient, la concertation engagée depuis novembre dernier avec la communauté psychiatrique et les associations de famille et d'usagers se poursuivra. Les décisions porteront notamment sur différents éléments relevés par le ministre de la santé et des solidarités lors des débats devant l'Assemblée nationale : la clarification de la notion de tiers, l'articulation entre l'obligation de soins et ses modalités d'exécution (sous forme d'hospitalisation complète ou de prise en charge en ambulatoire), l'amélioration de l'évaluation clinique prévue dans les soixante-douze heures suivant l'admission, la modification de la composition et du fonctionnement des commissions départementales de l'hospitalisation psychiatrique.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du cabinet du ministre de la santé, l'ordonnance tiendra également compte des recommandations présentées par les différentes missions précitées d'évaluation de la loi de 1990.
La teneur des mesures concernant l'hospitalisation d'office ne devrait pas différer des dispositions adoptées par le Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Cet engagement devra être réaffirmé par M. Xavier Bertrand lors de l'examen du présent projet de loi en séance publique.
A cet égard, le débat sur les articles 18 à 24 donne au Parlement la possibilité de prendre toute sa part dans la détermination du contenu des mesures concernant l'hospitalisation d'office. Il est donc souhaitable que la discussion puisse se poursuivre en deuxième lecture sur ces articles, encore en navette, avant leur nécessaire disjonction du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
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Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose de donner un avis favorable à l'article 12 du présent projet de loi dont elle s'est saisie.
* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977.
* 4 Le programme d'implantation de ces unités dans le cadre des établissements hospitaliers prévoit une capacité de 705 lits et comportera deux tranches -la première de 2008 à 2010 (460 lits), la seconde à partir de 2010 (245 lits). L'organisation de ces structures est présentée dans l'avis de notre collègue, M. Philippe Goujon, consacré aux crédits de l'administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances pour 2007 (avis n°83, tome IV, 2006-2007).