b) Une réforme qui ne peut plus attendre
Près de 600.000 personnes, soit plus de 1 % de la population majeure, se trouvent aujourd'hui sous un régime de protection juridique. Un chiffre aussi considérable conduit à s'interroger sur la pertinence d'un certain nombre de ces mesures : dans de nombreux cas, la volonté de protéger le patrimoine de la personne prend le pas sur la nécessité de sauvegarder ses droits et les mesures sont souvent plus lourdes que nécessaire pour assurer la protection des personnes.
Les mesures de protection prévues par le code civil Ces mesures reposent sur quatre principes : - l'altération des facultés personnelles (mettant la personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts) doit être constatée par un médecin ; - la mesure doit être nécessaire et subsidiaire compte tenu de l'incapacité civile qu'elle entraîne et de sa légitimité au regard des libertés individuelles ; - un rôle central est dévolu à la famille et la priorité doit lui être conférée dans l'attribution de la tutelle ; - l'objet de la mesure doit être la protection de la personne et des biens de l'incapable. Trois régimes de protection sont prévus par la loi du 3 janvier 1968 : - la sauvegarde de justice : il s'agit d'une mesure temporaire, médicale ou judiciaire, dont l'objectif est préventif. Elle permet à la personne de conserver l'exercice de ses droits mais les actes qu'elle passe sont susceptibles de révision a posteriori ; - la curatelle : elle concerne les personnes qui, sans être hors d'état d'agir par elles-mêmes, ont besoin d'être conseillées ou contrôlées dans les actes de la vie civile. La personne sous curatelle peut accomplir seule les actes d'administration mais ne pourra effectuer d'acte qui engage son patrimoine sans l'assistance de son curateur. La curatelle peut, sur décision du juge des tutelles, être allégée ou aggravée ;
- la
tutelle
: elle est ouverte
lorsque la personne a besoin d'être représentée de
manière continue dans les actes de la vie civile. La personne sous
tutelle est déchargée de l'exercice de ses droits (y compris le
droit de vote) et ne peut plus passer aucun acte seule.
La tutelle aux prestations sociales Il ne s'agit pas, sur le plan juridique, d'un régime d'incapacité. Cette mesure temporaire a un caractère éducatif et social : son objectif est l'amélioration, via un accompagnement social adapté, des conditions de vie du majeur.
Cette mesure permet au juge des tutelles d'ordonner qu'une
personne qualifiée perçoive elle-même, au lieu et place des
bénéficiaires, tout ou partie des allocations qui leur sont dues,
lorsqu'ils ne les utilisent pas eux-mêmes dans leur intérêt
ou vivent dans des conditions d'alimentation, de logement ou d'hygiène
précaires en raison de leur état mental ou d'une
déficience physique.
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C'est la raison pour laquelle il est indispensable d'adopter au plus vite la réforme de la protection juridique des majeurs. Elle devra tout à la fois rendre leur pleine effectivité aux principes directeurs de la loi du 3 janvier 1968 - nécessité, subsidiarité et proportionnalité des mesures -, donner à la protection juridique des majeurs à la fois souplesse et efficacité, et rendre son coût supportable pour la collectivité.
Votre commission est particulièrement attachée à la question de la proportionnalité des mesures de protection : les mesures plus lourdes que sont les tutelles ne doivent être prononcées qu'en dernier recours, pour des personnes dont l'altération des facultés personnelles est médicalement avérée et qui ne peuvent pas être protégées de manière efficace par un autre dispositif, plus léger et moins attentatoire aux libertés individuelles.
Elle plaide ainsi pour la création d'une mesure d'accompagnement social permettant d'éviter un placement sous protection juridique qui prive les personnes concernées de leurs droits civiques ou, en aval, de favoriser la mainlevée des mesures.
Il lui paraît enfin indispensable d'assurer une certaine équité dans le financement des mesures de tutelle : pour une même mesure, le prélèvement opéré sur les ressources du majeur protégé peut varier de zéro à plus de 8 % de son revenu.