2. Un nouveau mode de financement pour la rémunération garantie en établissements et services d'aide par le travail
a) Une réforme qui permet aux personnes handicapées de profiter des fruits de leur travail
La rémunération garantie en établissements et services d'aide par le travail (Esat) est un mécanisme qui vise à assurer un revenu d'activité décent aux personnes accueillies, malgré leur plus faible productivité. Crée à la loi « Handicap » du 11 février 2005, elle prend le relais de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH), dont elle tente d'éviter les effets pervers.
A cet effet, la loi s'est fixé deux objectifs principaux :
- d'une part, simplifier la gestion du dispositif, en passant d'un système de garantie de ressources calculée sur une base horaire à un dispositif d'aide au poste annualisée ;
- d'autre part surtout, permettre aux personnes handicapées accueillies de recueillir les fruits de leurs efforts, notamment quand elles font des progrès en productivité ou qu'elles augmentent leur temps de travail.
Dorénavant, la rémunération garantie, fixée en pourcentage du Smic, est donc versée intégralement par l'établissement ou le service d'accueil. Pour l'aider à la financer, l'établissement reçoit de l'Etat une aide au poste annuelle, qui varie en fonction d'une part, du caractère à temps plein ou partiel de l'activité exercée par la personne accueillie, d'autre part, des efforts qu'il met en oeuvre pour améliorer la part de la rémunération financée sur ses ressources propres.
En application du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006, la rémunération garantie est désormais comprise entre en 55 % et 110 % du Smic, compte tenu d'une aide au poste maximale fixée à 50 % du Smic.
Tirant les leçons des effets pervers de l'ancienne garantie de ressources, le montant de l'aide au poste est désormais calculé de façon à ce que l'effort réalisé par l'établissement pour améliorer la part de la rémunération financée sur ses ressources propres ne soit plus totalement absorbé par une baisse à due concurrence de l'aide de l'Etat et ne traduise donc plus par une stagnation du revenu des personnes concernées.
Ainsi, l'aide au poste reste constante, tant que la part de la rémunération garantie financée directement par l'établissement est comprise entre 5 % et 20 % du Smic. Elle ne diminue ensuite que de 0,5 % pour chaque hausse de 1 % de la part financée par l'établissement. Au total, l'effort réalisé par l'établissement est répercuté pour moitié sur la rémunération finale perçue par la personne handicapée.
Évolution de la rémunération
garantie en fonction
de la part financée directement par
l'Esat
Par ailleurs, pour inciter les établissements à augmenter leurs efforts de financement de la rémunération garantie sur leurs ressources propres et donc à mieux partager avec les personnes handicapées accueillies les bénéfices de leur activité commerciale, l'Etat passera désormais avec chacun d'eux une convention triennale fixant des objectifs en matière de politique salariale.
Votre commission se félicite de l'entrée en vigueur en 2007 de cette réforme à laquelle elle a largement contribué. Elle regrette pourtant que la revalorisation de la rémunération garantie ait finalement été moins ambitieuse que prévue et qu'elle ne permette pas, contrairement à ce qui avait été annoncé lors du vote de la loi « Handicap », aux personnes accueillies en Esat de se passer de l'AAH pour compléter leurs ressources.
En effet, les paramètres retenus par le décret du 16 juin 2006 ne permettent pas de tenir cet objectif : les personnes accueillies en Esat, quelle que soit la composition de leur foyer, continuent d'avoir des ressources inférieures au plafond d'accès à l'AAH, tant que le salaire direct versé par l'établissement reste inférieur à 85 % du Smic. Cette hypothèse est d'ailleurs purement théorique car une personne handicapée dont la productivité autoriserait son établissement d'accueil à lui verser un salaire direct de 85 % n'aurait plus sa place en Esat. On peut donc dire que le cumul entre rémunération garantie et AAH reste la situation de droit commun en Esat.
Évolution des droits à l'AAH en fonction
du montant de la rémunération garantie
(pour une personne
handicapée vivant seule)
Dans ces conditions, les modalités du cumul entre AAH et rémunération garantie doivent faire l'objet d'une attention toute particulière, afin que les efforts réalisés pour rendre la rémunération garantie progressive en fonction du salaire direct versé ne soient pas annulés par un montant d'AAH lui-même strictement dégressif au fur et à mesure de l'augmentation de cette rémunération.
Votre commission constate avec satisfaction que le Gouvernement a tenu compte de cette question, en mettant fin au plafonnement du cumul entre rémunération garantie et AAH. Il est même allé plus loin, en créant un dispositif d'abattement sur les revenus perçus en Esat, sur le modèle retenu pour les revenus tirés d'une activité en milieu ordinaire. Cet abattement est toutefois moins favorable que dans cette dernière hypothèse, afin de préserver une incitation à quitter le milieu protégé pour l'entreprise ordinaire.
Le mécanisme d'abattement n'est toutefois pas parfait : comme il cesse au-delà d'un salaire direct égal à 50 % du Smic, les personnes qui touchent un salaire direct supérieur à ce pourcentage se trouvent avoir des ressources totales inférieures à celles qui ne font que l'égaler. Il faut néanmoins reconnaître que cette hypothèse concerne des cas marginaux, dans la mesure où le montant moyen du salaire direct versé en Esat est égal à 12 % du Smic. Il se pourrait d'ailleurs que cette « rupture de pente » ait un effet paradoxalement positif, puisqu'il encouragerait les personnes handicapées les plus « productives » à quitter l'Esat pour le milieu ordinaire, afin d'éviter une baisse de revenus.