2. L'Afsset : un problème de positionnement récurrent
Née de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1 er septembre 2005, qui a élargi à la protection des travailleurs les missions de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) créée en 2001, l'Afsset est la plus récente des agences de sécurité sanitaire françaises.
Cinq missions lui ont été confiées :
- procéder à l'expertise des risques sanitaires environnementaux et professionnels, grâce à la production de références et d'outils d'évaluation des risques ;
- combler le déficit d'expertise en matière de risques chimiques ;
- mobiliser l'effort de recherche et organiser la veille en matière de santé environnementale et au travail ;
- développer l'accès de tous à l'information scientifique pour soutenir le débat public ;
- enfin, fournir un appui scientifique et technique aux pouvoirs publics dans les discussions communautaires et internationales.
Une expertise confiée à des partenaires extérieurs
La problématique environnement et santé étant déjà, en partie, prise en charge par des institutions existantes comme l'InVS pour l'épidémiologie et l'alerte, l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour les activités industrielles et l'office de protection contre les rayonnements (Opri) pour les rayonnements ionisants, il a été décidé de limiter les missions de l'Afsset à la coordination des expertises disponibles dans ces organismes qui continuent pourtant à pouvoir être saisis directement. Il s'agit donc, à la différence de ses consoeurs, d'une agence d'objectifs et non de moyens .
Dans ce cadre limité, l'Afsset participe à la mise en oeuvre du PNSE comme membre du comité de pilotage et structure en charge du secrétariat scientifique du comité d'évaluation (Codev), qui procèdera à l'évaluation du plan à mi-parcours. Elle est aussi impliquée dans plusieurs actions, notamment la définition des déterminants de la qualité de l'air intérieur et la distribution de fiches thématiques sur la santé environnementale.
L'agence est également opérateur du plan santé au travail (PST) , au titre duquel elle a mis en place une veille scientifique, organisé l'expertise nécessaire à l'élaboration des valeurs limites d'exposition professionnelle et l'évaluation des risques portant notamment sur les éthers de glycol, les fibres minérales artificielles et les nanomatériaux.
L'Afsset développe par ailleurs des actions dans le cadre du plan cancer . Elle a ainsi confié à l'Inserm la conduite d'un ensemble d'expertises collectives sur les déterminants environnementaux des cancers.
Outre les actions menées dans le cadre des plans de santé publique, l'Afsset organise majoritairement son activité en fonction des saisines de ses ministères de tutelle et d'associations, qui concernent à 80 % des produits chimiques. Elle en confie ensuite l'expertise à des prestataires extérieurs puis publie un avis.
En 2005, ces saisines ont été au nombre de quatorze, dont deux émanaient du ministère de la santé et des solidarités sur le méthoxy-propanol et le virus de l'influenza aviaire dans l'eau. L'agence a également rendu douze avis techniques sur des textes réglementaires et a participé aux discussions sur les biocides au niveau européen et aux travaux sur les systèmes d'information sur la santé et l'environnement menés par l'OMS-Europe.
Enfin, dans le domaine de la veille scientifique, l'Afsset a lancé un appel à candidatures afin d'élaborer un bulletin trimestriel de veille scientifique en sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, dont le premier numéro a été publié en 2006, et a préparé l'organisation à Paris de la conférence conjointe de l'international society for environmental epidemiology (ISEE) et de l'international society for exposure analysis (ISEA) en septembre 2006.
En 2007, ces actions seront poursuivies. Par ailleurs, il est prévu de renforcer l'expertise en matière de risques sanitaires liés aux substances chimiques, aux fibres minérales artificielles utilisées en substitution de l'amiante et aux légionelles dans les tours aéroréfrigérantes.
Sans remettre en cause ces orientations, votre commission estime que le rôle de l'Afsset doit être repensé pour en faire une véritable agence de moyens , en redéfinissant le champ des missions des autres agences. Dans cet objectif, il conviendrait que l'Afsset puisse à tout le moins être saisie de l'ensemble des demandes d'études dans ses domaines de compétence, quitte à ce qu'elle en confie ensuite le traitement à d'autres structures.
Il convient également de renforcer ses missions en cas de crise sanitaire . Son mode de fonctionnement (saisine puis expertise externe) ne lui permet en effet pas d'être suffisamment réactive. Ainsi, lors de l'épidémie de chikungunya à la Réunion, l'Afsset n'a rendu un avis sur les produits utilisés pour la démoustication qu'au mois de juin 2006, longtemps après les opérations d'épandage.
Un budget limité
Pour mener à bien ses missions, l'agence a disposé, en 2006, d'un budget de 20,9 millions d'euros, en nette augmentation compte tenu de l'élargissement de son champ d'activité à la santé au travail, qui a conduit à la création de dix emplois équivalents temps plein, et à la montée en puissance des actions engagées dans le cadre du PNSE et du PST. Sur ce total, la subvention du ministère de la santé s'est élevée à 4,2 millions d'euros. Depuis 2004, l'Afsset bénéficie également de recettes propres (environ 2,5 millions d'euros) , qui proviennent de redevances industrielles dans le cadre de l'expertise des produits biocides dont elle assure la coordination pour le compte du ministère de l'environnement. Elle reverse toutefois près de 80 % de cette recette aux organismes chargés de l'expertise (principalement l'Ineris, l'INRS, l'Afssa et l'Afssaps).
Pour 2007, la subvention de fonctionnement du ministère de la santé et des solidarités est fixée à seulement 3 millions d'euros , auxquels il convient d'ajouter une autorisation de prélèvement sur le fonds de roulement disponible d'un million d'euros, celle du ministère du travail à 10 millions d'euros et celle du ministère de l'environnement à 3,2 millions d'euros.
Des moyens humains incertains
Il est prévu que les effectifs de l'Afsset augmentent de dix emplois équivalents temps plein par an entre 2005 et 2010 . Toutefois, on peut s'étonner qu'aucun recrutement ne concerne les personnels d'encadrement administratif et de secrétariat, pourtant indispensables à la montée en puissance de l'agence.
Par ailleurs, la directrice de l'Afsset a indiqué à votre rapporteur que l'agence a le plus grand mal à recruter les professionnels dont elle a besoin, notamment toxicologues et médecins du travail, en raison d'une grille statutaire peu attractive par rapport aux rémunérations proposées par les entreprises privées, les autres agences et les centres antipoison. Ainsi, la vacation journalière d'un expert est payée 67 euros par l'Afsset contre 300 euros pour l'agence européenne. En outre, le recours massif aux contrats à durée déterminée (53 % des quatre-vingt-quatre personnels de l'agence) entraîne un taux de remplacement important des experts, qui nuit au suivi des actions.
Votre commission estime donc qu'une réflexion doit être menée pour améliorer l'attractivité de l'Afsset en matière de ressources humaines pour les professions très techniques. Elle souhaite également que toutes soient dotées d'un encadrement administratif suffisant , pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et de l'OPECST en la matière 10 ( * ) .
L'absence d'une véritable tutelle
Enfin, l'agence voit son fonctionnement compliqué par son positionnement interministériel . Elle dépend, en effet, des ministères des finances, de la santé, de l'environnement et du travail qui, tous, doivent signer les commandes qui lui sont faites.
A défaut d'un véritable chef de file, c'est souvent au ministère des finances qu'il revient de trancher les différends et ce, parfois, au détriment des exigences, coûteuses, de santé publique.
Cette situation pose également un problème pour la définition du contrat d'objectifs et de moyens de l'agence. Il ne sera, de fait, signé qu'au mois de mars 2007 pour la période 2008-2010.
* 10 Rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, février 2005.