II. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES ET DU CADRE JURIDIQUE
A. LE PROGRAMME « INDUSTRIES CINÉMATOGRAPHIQUES » DU COMPTE D'AFFECTION SPÉCIALE
1. Les recettes
La mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » retrace les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) du même nom, créé par l'article 35 du projet de loi de finances pour 2006.
Pour 2007, ce compte d'affectation spéciale s'établira à 529,67 millions d'euros en crédits de paiement et autorisations d'engagement, en hausse de 2 % par rapport à 2006.
Il est composé de trois sections, dont les deux dernières - qui couvrent les programmes « industries audiovisuelles » et « soutien à l'expression radiophonique locale » - sont analysées par M. Louis de Broissia dans l'avis budgétaire « médias » qu'il présente au nom de votre commission.
• La
première section du compte
correspond, quant à elle, au
programme 711
consacré aux
industries
cinématographiques
. Ses recettes devraient s'élever
à
269,8 millions d'euros
(M€) (contre
263,76 M€ par rapport à la loi de finances initiale pour
2006). Elles proviennent :
- du produit de la taxe spéciale incluse dans le prix des billets d'entrée dans les salles de cinéma, pour un montant évalué à 121,07 M€ (sur la base de 187 millions de spectateurs) ;
- d'une part (36 %) du produit des taxes et prélèvements sur les sommes encaissées par les sociétés de télévision au titre de la redevance, de la diffusion des messages publicitaires et des abonnements, pour 125 ,84 M€, en progression de 3,4 %. Depuis 2006, l'assiette de la taxe comprend le produit des appels téléphoniques à revenus partagés et des envois de minimessages électroniques liés aux programmes ; en outre, la loi de finances pour 2006 avait élargi l'assiette de la taxe aux recettes de parrainage. Cette ressource devrait progresser grâce à l'autorisation de la publicité pour la grande distribution à partir de 2007 ;
- et d'une part (65 %) de la taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes, pour un montant évalué à 34,24 M€. Rappelons que cette part était fixée à 80 % en 2004 et 2005 et a été réduite à 65 % à compter de 2006. Cette évaluation tient compte de l'évolution du chiffre d'affaires des ventes, qui serait en baisse de 7 % en 2006 et de 3 % en 2007, ainsi que de l'entrée en vigueur, à compter du 1 er janvier 2007, de la surtaxation appliquée aux vidéogrammes à caractère pornographique et d'incitation à la violence votée en loi de finances pour 2006 (le taux de taxation passera de 2 à 10 %).
Le tableau ci-dessous fait apparaître l'évolution de ces ressources depuis 2005.
ÉVOLUTION DES RECETTES DU COMPTE DE SOUTIEN DESTINÉES AU SOUTIEN DE L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE (en millions d'euros)
2005 |
2006 |
2007 |
|||
LFI |
Constatées |
LFI |
Constatées
|
Projet de loi de finances |
|
Total |
266,65 |
251,88 |
263,76 |
144,71 |
269,82 |
Produit de la taxe additionnelle au prix des places dans les salles de spectacles cinématographiques |
112,32 |
104,60 |
112,86 |
70,97 |
121,07 |
Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la production, de la distribution ou de la représentation de films pornographiques ou d'incitation à la violence |
0,30 |
0,27 |
0,35 |
0,17 |
0,35 |
Taxe et prélèvement sur les sommes encaissées par les sociétés de télévision au titre de la redevance, de la diffusion des messages publicitaires et des abonnements |
121,68 |
116,63 |
121,65 |
60,25 |
125,84 |
Taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes |
32,00 |
29,97 |
28,60 |
13,30 |
22,26 |
Recettes diverses ou accidentelles |
0,35 |
0,40 |
0,30 |
0,01 |
0,30 |
Source : ministère de la culture et de la communication.
Votre rapporteur précise que le dispositif lié à la taxe spéciale sur le prix des billets fait l'objet d'une réforme tendant :
- d'une part, à passer d'un dispositif comportant plus de vingt tranches d'imposition à un taux unique, fixé à 10,72 % de la recette perçue ;
- d'autre part, au transfert du recouvrement de la taxe, de la direction générale des impôts au CNC, à compter du 1 er janvier 2007. Cette mesure répond à un double objectif de modernisation et de simplification. Il s'agit, en effet, de tirer parti des synergies existant entre la mission de recouvrement de la taxe et celle de suivi de la fréquentation des salles, mais également de tirer les conséquences de la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement.
Cette réforme apparaît logique, le CNC étant destinataire des fonds consacrés à ce programme afin d'assumer ses missions de soutien en faveur du secteur.
• Rappelons qu'outre ces fonds, le CNC gère
les crédits d'intervention et d'investissement des actions
financées directement par le ministère de la culture et de la
communication.
2. Les objectifs et indicateurs de performance
Le choix des objectifs et des indicateurs de performance de ce programme s'est fondé sur deux priorités :
- conforter l'efficacité globale de l'action du CNC au service du cinéma,
- et répondre aux mutations les plus récentes qui affectent les conditions de financement, de création, de production et de diffusion du cinéma.
Par rapport à l'an dernier, votre rapporteur relève que l'intitulé de certains objectifs a été modifié ou précisé. Quelques indicateurs ont aussi évolué, certains ayant été supprimés.
a) Conforter l'efficacité globale de l'action du Conseil national de la cinématographie (CNC) au service du cinéma
Cette première priorité du CNC est déclinée selon trois objectifs : favoriser le succès du cinéma français en France et à l'étranger (objectif n° 1), oeuvrer à la qualité et à la diversité de la création (objectif n° 2) et contribuer à une répartition de l'offre cinématographique du cinéma sur l'ensemble du territoire (objectif n° 3).
(1) Objectif n° 1 : favoriser le succès du cinéma français en France et à l'étranger
La politique de soutien au cinéma doit contribuer à assurer à la création d'initiative française l'audience en salle la plus large possible en France comme à l'étranger. Le système de soutien public au cinéma contribue à ce succès, qui dépend cependant largement de paramètres exogènes.
Les deux premiers indicateurs retenus pour illustrer cet objectif sont fondés sur une approche quantitative (« part de marché des films nationaux, en salle, au sein du marché domestique » et « nombre de films français montrés en salle à l'étranger »). La dimension comparative de l'indicateur n° 1 contribue à évaluer l'efficacité globale comparée du système français par rapport à ceux de nos principaux voisins européens. L'indicateur n° 3 (« part des films français parmi les films montrés dans les principaux festivals internationaux ») mesure de façon indirecte l'impact de la politique générale de promotion de la création cinématographique française et la reconnaissance de sa qualité.
(2) Objectif n° 2 : oeuvrer à la qualité et à la diversité de la création
Le soutien au renouvellement de la création favorise, sans la garantir, une production cinématographique de qualité. L'action du CNC à ce titre repose sur de nombreux mécanismes :
- l'avance sur recettes avant et après réalisation pour les films de long métrage : la part des premiers et deuxièmes films dans les films ayant fait l'objet d'un avis favorable au titre de cette avance avant réalisation (indicateur n° 1) permet de mesurer la capacité du mécanisme d'avance sur recettes à faire émerger durablement de nouveaux talents. Le 2 e indicateur permet de mesurer le succès critique des films d'avance dans les principaux festivals internationaux ;
- le 3 e indicateur concerne le soutien aux films de court métrage dans toute sa diversité. En mesurant la part dans ces films, des films d'animation, documentaires ou expérimentaux, il vise à mesurer les efforts entrepris pour contribuer au rééquilibrage de la part des différents genres dans la production de court métrage, au profit des oeuvres ne relevant pas de la catégorie de la fiction ;
- votre rapporteur relève qu'a été supprimé cette année l'indicateur portant sur les films « art et essai ». Des réflexions sont en cours sur l'attribution de la qualité de film d'art et essai, compte tenu de la proportion très importante de films en bénéficiant.
(3) Objectif n° 3 : contribuer à une répartition de l'offre cinématographique équilibrée sur l'ensemble du territoire
L'action du CNC contribue à assurer l'accès du plus grand nombre à une offre cinématographique diversifiée sur l'ensemble du territoire. L'indicateur n° 1 illustre cet objectif en mesurant la part de la fréquentation des salles en zone rurale et dans les unités urbaines de moins de 30 000 habitants. Certains mécanismes influent indirectement sur les choix opérés par les acteurs privés (soutien automatique à l'exploitation), alors que d'autres visent à remédier directement aux disparités territoriales de diffusion des films :
- s'agissant de l'aide sélective à la création et à la modernisation de ces salles, l'indicateur n° 2 mesure l'effet de levier de ces aides sur les autres sources de financement des travaux effectués dans ces salles ;
- en revanche, votre rapporteur note que le 3 e indicateur de cet objectif a été supprimé. Il concernait les interventions de l'Agence de développement régional du cinéma (ADRC), association subventionnée par le CNC, qui finance des tirages de copies supplémentaires de films destinées notamment à circuler dans les petites villes.
b) Répondre aux mutations du secteur
La seconde priorité générale que s'assigne le CNC au titre de ce programme consiste à répondre à deux préoccupations immédiates des pouvoirs publics et des professionnels du cinéma : favoriser l'attractivité du territoire national et l'indication des collectivités territoriales (objectif n° 4) et favoriser la diversité de l'offre et l'exposition de la création française en vidéo, et sur les nouveaux supports et les nouvelles formes de distribution à la demande, internet et mobile (objectif n° 5).
(1) Objectif n° 4 : favoriser l'attractivité du territoire national et l'implication des collectivités territoriales
Les collectivités territoriales -en particulier les régions- manifestent le souci de contribuer de façon croissante au financement des oeuvres cinématographiques. Cette tendance de fond a conduit le CNC à rénover sa politique conventionnelle avec ces collectivités, afin de faire du secteur cinéma-audiovisuel un véritable pôle de développement culturel et économique local.
- L'an dernier, l'indicateur n° 1 mesurait la capacité du dispositif à susciter une dynamique forte de financement de la production cinématographique par les collectivités territoriales. Votre rapporteur s'interroge sur les raisons ayant conduit à la suppression de cet indicateur.
- En revanche, subsiste l'indicateur permettant d'évaluer l'évolution de la part du temps de tournage réalisé en France et donc, indirectement, l'impact du dispositif de crédit d'impôt mis en place en 2004.
- Un autre indicateur permet d'évaluer l'impact de ce dispositif sur les dépenses effectuées en France. A cet égard, on peut se réjouir des retombées positives du crédit d'impôt cinéma sur le secteur des industries techniques.
(2) Objectif n° 5 : favoriser la diversité de l'offre et l'exposition de la création française en vidéo, et sur les nouveaux supports et les nouvelles formes de distribution à la demande, internet et mobile
Les difficultés actuelles du secteur de la vidéo conduisent le CNC à poursuivre son effort en vue d'une consolidation du marché de l'édition et à encourager le développement de la vidéo sur les nouveaux canaux de distribution que sont internet et le mobile.
Au cours des neuf premiers mois de l'année 2006, le marché de la vidéo a baissé de -7,6 % en valeur et de -9,3 % en volume. C'est la première fois depuis que le marché français de la vidéo est en baisse, que le recul du chiffre d'affaires de ce secteur est plus limité que celui des volumes de ventes, ce qui peut illustrer une certaine maturité du marché.
Au troisième trimestre 2006, le chiffre d'affaires des ventes de DVD progresse de 2,1 % ; les DVD constituent 99 % du marché en volume. Les Français ont acheté 7 % de DVD en moins par rapport aux neuf premiers mois de l'année 2005. Ceci s'explique par le fait que, pour la première fois depuis l'arrivée des DVD en France en 1997, leur prix moyen a progressé de 7,5 % au troisième trimestre 2006. Ainsi, sur les neuf premiers mois de l'année, le prix moyen des DVD a augmenté de 1,2 % à 12,26 €.
Il s'agit :
- d'inciter les éditeurs vidéo à accroître leur participation au financement du cinéma français. Les indicateurs n° 1 (« part de marché des films français édités sur support vidéo ») et n° 2 (« recettes générées par les films vidéo rapportées aux recettes en salles générées par les mêmes films, et comparaison avec les titres américains ») visent à mesurer l'efficacité des aides automatiques à ce secteur ;
- d'adapter ces aides financières au secteur de la vidéo. A cet égard, votre rapporteur s'interroge sur la suppression, pour 2007, de l'indicateur qui se rapportait à cet objectif, en vue d'évaluer la capacité du soutien sélectif à favoriser la diffusion de DVD à fort contenu culturel.
3. Les dépenses
a) Le soutien à la production et la création
(1) Les différents types d'aides directes
La production cinématographique bénéficie de plusieurs types d'aides :
- le soutien automatique aux producteurs, généré à raison de la diffusion des films en salles, à la télévision ou sur vidéogramme, et pouvant être mobilisé pour être réinvesti dans la production d'autres oeuvres.
Les crédits nécessaires à cet effet sont évalués à 72 millions d'euros pour 2007. Les modalités de calcul de ce soutien ont été révisées en 2006 , afin de tenir compte de la forte progression de la part de marché des films français (qui est désormais supérieure à 40 %) et de la stagnation des ressources de la section « Industries cinématographiques » du compte de soutien. L'objectif poursuivi est le maintien du niveau d'intervention relevant des aides sélectives, ce qui s'effectue logiquement au détriment du soutien automatique ;
- les aides sélectives aux oeuvres de long métrage (avance sur recettes, par exemple), de court métrage et aux industries techniques, attribuées sur dossier après avis de commissions composées de professionnels du secteur, pour lesquelles les besoins sont évalués à 36,3 millions d'euros.
En 2006, ce soutien spécifique à la création a été renforcé dans le cadre du plan d'action en faveur du court métrage engagé par le ministre de la culture et de la communication.
- l'abondement du fonds d'aide à la production de longs métrages dotés par les collectivités territoriales , sur la base d'un rapport minimum de 1 euro de financement de l'État pour 2 euros versés par ces dernières. 32 collectivités territoriales sont désormais concernées, dont 24 régions. Au total, le montant des engagements inscrits en 2006 dans les conventions s'est établi à 67,6 millions d'euros, dont 19,2 millions pour l'Etat (soit +90 % depuis 2004). Par ailleurs, votre rapporteur se réjouit de l'extension de ce dispositif à la production de court métrage, en 2006 . 8 millions d'euros sont prévus à ce titre pour 2007 ;
- le financement d'un fonds de garantie destiné aux productions cinématographiques de sociétés indépendantes, géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), à hauteur de 2,5 millions d'euros.
(2) Une politique fiscale incitative
Par ailleurs, il convient de rappeler que la production cinématographique bénéficie d'une importante politique d'incitation fiscale, avec :
- les SOFICA , sociétés d'investissement qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle. Votre rapporteur relève que l'article 32 du projet de loi de finances rectificative pour 2006 propose de transformer la déduction du revenu global au titre des souscriptions au capital de ces sociétés en une réduction d'impôt sur le revenu. Votre commission s'est saisie pour avis de cet article ;
- le crédit d'impôt cinéma institué en 2004. Ce dispositif offre à tout producteur de long métrage réalisant l'essentiel de ses dépenses de tournage et de post-production en France un crédit d'impôt de 20 % de ces dépenses, plafonné à 500 000 euros par film (porté à 750 000 euros pour les films d'animation).
Dans la continuité des années 2004 et 2005, la croissance des productions de films relocalisés montre le caractère incitatif de cette mesure. En 2002, avant l'introduction du crédit d'impôt, 54% des films produits auraient bénéficié du dispositif, ils sont 63 % en 2005.
En outre, se confirme la tendance à une relocalisation significative des dépenses de tournage en France grâce à ce crédit d'impôt, avec une estimation de 72 % des semaines de tournage localisées en France en 2006, contre 61 % en 2003.
Les prévisions pour 2006 confirment la tendance de l'année précédente, avec environ 115 films bénéficiaires, correspondant à environ 720 M€ de dépenses réalisées en France. Il est vraisemblable que l'élargissement, depuis 2006, des dépenses éligibles à des dépenses artistiques améliorera encore les performances du dispositif.
b) L'aide à la distribution et la promotion
41,4 millions d'euros, contre 40,8 millions d'euros en 2006, sont prévus, en 2007, pour le soutien au secteur de la distribution en France ainsi que pour les actions de promotion du cinéma en France et du cinéma français à l'étranger. Ces crédits devraient permettre :
- le soutien automatique aux sociétés de distribution, généré à raison des films distribués et qui doit être réinvesti dans la distribution d'oeuvres nouvelles (19 millions d'euros) ;
- les aides sélectives aux entreprises de distribution ou à la distribution d'oeuvres de qualité (6,2 millions d'euros) ;
- les aides sélectives aux entreprises exportatrices (2,8 millions d'euros) ;
- le soutien financier à des organismes en charge de la promotion du cinéma en France et à l'étranger (Festival international du Film de Cannes, Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique, association Unifrance...), à hauteur de 13,4 millions d'euros.
c) Le soutien à la diffusion
En 2007, l'aide à la diffusion devrait s'établir à 96,6 millions d'euros , contre 94 millions d'euros en 2006. Il s'agit ainsi de soutenir les secteurs de l'exploitation et de l'édition vidéographique, au travers :
- du soutien automatique à l'exploitation , résultant de l'application d'un barème lié à la fréquentation de l'établissement (58,1 millions d'euros) ;
- du soutien automatique à l'édition vidéo , assis sur le chiffre d'affaires des ventes d'oeuvres françaises de moins de six ans (8 millions d'euros) ;
- des aides sélectives à l'exploitation , principalement aux salles classées « art et essai », pour 22,5 millions d'euros ;
- d'une aide au tirage de copies (notamment via une subvention à l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC)), à hauteur de 3,8 millions d'euros ;
- des aides sélectives à l'édition vidéo , destinées à promouvoir l'édition d'oeuvres de qualité (4 millions d'euros) ;
- du soutien à la diffusion auprès de publics spécifiques (jeune public, zones rurales et villes moyennes...), notamment au travers de la subvention versée à l'ADRC (4 millions d'euros).