3. Les observations de votre rapporteur : les conditions du succès
Si l'apprentissage junior constitue une chance nouvelle de réussite pour certains jeunes, sa mise en place doit être envisagée avec prudence, tant elle constitue également un défi à relever pour notre système éducatif. L'implication des équipes éducatives et des entreprises sera notamment déterminante pour assurer la qualité et le succès du dispositif.
a) L'apprentissage junior, une poursuite de la scolarité obligatoire par d'autres moyens...
(1) Créer une continuité et une liaison plus étroite entre l'école et l'entreprise
L'entrée en apprentissage ne doit pas être comprise comme une sortie du système éducatif, une rupture avec l'école, mais comme un moyen, offert à certains jeunes, de poursuivre leur formation initiale en alternant théorie et pratique en entreprise.
En effet, l'article L. 115-1 du code du travail rappelle que « l'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la nation » .
Dans le cadre de l'apprentissage junior, le concours des formations en entreprise dans l'objectif d'acquisition des savoirs fondamentaux est reconnu, aux côtés des enseignements généraux, et de façon complémentaire.
Aussi faut-il concevoir ce dispositif comme une passerelle entre l'école et l'entreprise, contribuant ainsi à rapprocher ces deux mondes qui s'ignorent encore bien trop souvent.
C'est pourquoi votre rapporteur souhaite qu'une véritable continuité soit assurée entre les périodes en lycée professionnel ou CFA et les périodes en entreprise, lors de stages ou dans le cadre du contrat d'apprentissage.
Cette continuité permet, d'abord, de mieux articuler, au sein du projet pédagogique personnalisé, les séquences en entreprise avec les autres enseignements généraux, pratiques ou professionnels.
Cela passe par une implication plus étroite de l'entreprise d'accueil dans la formation pédagogique, et, de façon réciproque, une plus grande présence de l'éducation nationale dans l'entreprise.
Votre commission vous proposera un amendement destiné à renforcer la liaison entre le tuteur -formateur référent chargé de l'accompagnement de l'apprenti junior- et le tuteur en entreprise ou le maître d'apprentissage , afin qu'ils forment ainsi un « tandem » pour assurer le suivi de l'apprenti junior et de son projet pédagogique personnalisé.
Cette précision apporte, en outre, une garantie supplémentaire quant à la qualité pédagogique de la formation pratique en entreprise , sans pour autant imposer des contraintes qui se révèleraient être des obstacles au développement de l'accueil d'apprentis juniors. Il s'agit notamment de permettre au tuteur de repérer les difficultés éventuelles rencontrées par l'apprenti dans ses relations avec son maître d'apprentissage.
(2) Clarifier les modalités de prise en charge du transport scolaire
Aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'éducation, le département a la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement du transport scolaire.
Or lors de la première phase de découverte des métiers, pendant laquelle l'apprenti junior est sous statut scolaire, des déplacements complexes et sur des distances souvent plus grandes que pour la desserte des collèges, sont rendus nécessaires, entre le domicile, le centre de formation (lycée professionnel ou CFA) et les lieux de stage.
Le développement de la formation d'apprenti junior induira donc des charges nouvelles pour les collectivités compétentes en matière d'organisation des transports scolaires.
La problématique est différente lors de la seconde phase de formation en apprentissage stricto sensu. Le jeune bénéficiera des modalités d'indemnisation et de prise en charge des frais de déplacement prévues pour les apprentis. Ainsi, pour les trajets vers l'entreprise, la situation est en général identique à celle des autres salariés.
Votre rapporteur vous proposera d'adopter un amendement précisant que les dépenses spécifiques liées au transport des apprentis juniors sous statut scolaire donnent lieu à une compensation par l'État.
b) Assurer l'attractivité de la formation d'apprenti junior
(1) Une exigence préalable : revaloriser l'image de l'apprentissage et des métiers préparés
Votre rapporteur a pu constater, au cours de ses auditions, une évolution des mentalités chez de nombreux enseignants, considérant désormais l'apprentissage comme une filière de formation à part entière, et une voie de réussite permettant de raccrocher certains jeunes à la scolarité.
Toutefois, l'apprentissage reste encore trop souvent perçu comme une voie de relégation, en marge de la « voie royale » du cursus général.
Cette perception est entretenue au plus haut niveau de notre système éducatif. Votre rapporteur déplore, en effet, que certains recteurs ou inspecteurs d'académie continuent d'évaluer la qualité d'un collège sur la base du taux d'orientation des élèves vers la filière générale.
De tels comportements s'inscrivent en porte-à-faux par rapport à la volonté affichée de revaloriser la voie professionnelle et l'apprentissage.
Une récente initiative du ministère de l'éducation nationale constitue, à ce titre, un premier progrès : une case « apprentissage » figure désormais sur les fiches remises aux élèves en fin de 3 e pour qu'ils expriment leurs voeux d'orientation.
Par ailleurs, le principe de libre choix de l'accès à la formation d'apprenti junior doit prendre appui sur une meilleure information, en direction des jeunes, de leurs familles, mais aussi des personnels d'éducation et d'orientation, sur la voie de l'apprentissage et les métiers préparés . On constate en effet une méconnaissance ou une image erronée et désuète des exigences de cette filière et de métiers qui ont évolué ; d'où une désaffection pour certains métiers offrant pourtant des débouchés importants.
A titre d'exemple, les effectifs des filières d'apprentissage préparant aux métiers de l'alimentation et de la cuisine ont diminué de 13 % entre 1995 et 2003, et de 16 % dans le secteur de l'hôtellerie-restauration.
Ces enjeux devront être mieux pris en compte dans le cadre du prochain « Schéma national d'orientation et d'insertion professionnelle », dont les principaux axes concerneront notamment :
- le renforcement, tout au long des cursus, de l'information et de l'éducation à l'orientation, afin de mieux faire connaître la réalité des entreprises, des débouchés et des formations ;
- la valorisation de l'apprentissage, y compris auprès des entreprises ;
- le rapprochement des différents services intervenant dans ces domaines, qu'ils relèvent de l'État (Éducation nationale, Jeunesse et sports, Agence nationale pour l'emploi), des régions ou des chambres consulaires (« Points A » des Chambres de commerce et d'industrie et « Centres d'aide à la décision » des Chambres de métiers).
(2) Faire de l'apprentissage junior un tremplin
En outre, la revalorisation de l'apprentissage comme filière d'excellence implique de faire de la formation d'apprenti junior un tremplin , et non une filière « cul-de-sac ».
L'objectif de l'apprentissage junior est avant tout de permettre à certains élèves de « remettre le pied à l'étrier » , et de retrouver goût pour les apprentissages par une approche plus concrète des savoirs.
Aussi, il convient d'ouvrir à ces jeunes des perspectives de poursuite d'étude, soit par la voie scolaire, soit par la voie de l'apprentissage, en développant les passerelles à tous les niveaux.
Or actuellement, seule la préparation au CAP -dont la finalité est l'insertion professionnelle directe, à la différence du BEP, qui permet d'accéder ensuite à la préparation d'un baccalauréat professionnel- est parfois proposée aux élèves issus de CLIPA ou de CPA. L'apprentissage junior ne devra pas reproduire ces effets pervers.
Par ailleurs, le développement de l'apprentissage dans les structures relevant de l'éducation nationale (CFA en EPLE 6 ( * ) , sections d'apprentissage ou unités de formation par apprentissage) doit contribuer à favoriser les passerelles avec les formations sous statut scolaire. Ces structures ne scolarisent, au 1 er janvier 2004, que 22 300 apprentis.
Toutefois, le rapport annexé 7 ( * ) à la loi d'orientation pour l'avenir de l'école a prévu d' augmenter de 50 % le nombre d'apprentis dans les lycées professionnels . Cette loi a ouvert, de surcroît, la possibilité pour les enseignants d'intervenir dans les formations par apprentissage.
(3) Améliorer le statut de l'apprenti
Dans le prolongement des avancées déjà réalisées dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale pour améliorer le statut de l'apprenti et renforcer l'attractivité de l'apprentissage, votre commission vous propose d'adopter deux amendements :
- le premier est destiné à encourager le développement des activités sportives dans l'apprentissage ; il s'agit de mettre les apprentis sur un pied d'égalité avec les lycéens ou les étudiants ;
- le second permet de déduire une partie du revenu de l'apprenti du calcul des ressources du foyer, déterminant le droit d'accès à la couverture maladie universelle (CMU).
* 6 EPLE : établissement public local d'enseignement
* 7 Le ministre de l'éducation s'est engagé à le mettre en oeuvre, en dépit de son invalidation par le Conseil constitutionnel pour des motifs formels.