E. LA RECHERCHE D'UN APAISEMENT AU SEIN DU POUVOIR COUTUMIER À WALLIS-ET-FUTUNA
Le territoire demeure régi par la loi du 29 juillet 1961 modifiée par la loi de finances du 29 décembre 1971, les lois du 26 juin 1973 et du 18 octobre 1978 et par la loi organique du 20 février 1995.
1. La place du pouvoir coutumier à Wallis-et-Futuna
L'article 3 de la loi du 29 juillet 1961 dispose que « La République garantit aux populations du territoire de Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi . »
Elle reconnaît implicitement le pouvoir coutumier en instituant :
- un conseil territorial présidé par le Préfet, administrateur supérieur, chef du territoire, et doté de trois vice-présidents qui sont les trois chefs traditionnels des trois royaumes. Il comprend également trois membres désignés par le chef du territoire, après accord de l'assemblée territoriale. Il examine notamment tous les projets de délibération qui doivent être soumis à l'assemblée territoriale ;
- trois conseils de circonscription , un à Wallis (Royaume d'Uvéa), deux à Futuna (Royaumes d'Alo et de Sigave) qui sont élus dans les conditions prévues par la coutume. Ils délibèrent sur tous les projets préparés par le chef de circonscription et le délégué du Préfet, et notamment sur le budget de la circonscription 59 ( * ) .
L' assemblée territoriale est composée de vingt membres élus pour cinq ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Il existe cinq circonscriptions électorales (trois à Wallis, une dans chacun des deux Royaumes dans l'île de Futuna). Elle a été intégralement renouvelée lors du scrutin du 10 mars 2002. Les membres de l'assemblée ont procédé au renouvellement de leur président et de leur bureau le 21 février 2005. M. Albert Likuvalu a été élu président en remplacement de M. Patalione Kanimoa, nommé conseiller économique et social.
A Wallis, la tradition coutumière est incarnée depuis plusieurs décennies par le roi (Lavelua) Tomasi Kulimoetoke, intronisé le 12 mars 1959 alors que l'archipel vivait encore sous le régime du protectorat. Le roi jouit d'une autorité reconnue, y compris par ses pairs de Futuna. Affaibli par l'âge, il n'exerce désormais que partiellement ses responsabilités.
Après la condamnation par la justice d'un membre de la famille du Lavelua, une opposition est apparue entre coutumiers et autorités de l'État, les premiers réclamant le remplacement du représentant de l'Etat, les secondes, l'application de la loi à tous.
Certaines familles royales ont alors décidé de réclamer la destitution du Lavelua. Cette tentative s'est traduite par des cérémonies de désignation de nouveaux ministres, en charge d'une grande chefferie parallèle . Le palais s'est alors employé à remplacer les ministres de la grande chefferie soupçonnés de s'être rangés du côté des opposants et tente depuis lors de contester la nouvelle chefferie parallèle, en lui reprochant de s'être auto-désignée au mépris des lois coutumières. La désignation d'un futur Lavelua, envisagée par la chefferie dissidente, n'a finalement pas eu lieu.
Cette situation a des répercussions sur la population, qui se divise également en deux camps, et jusqu'aux rois de Futuna, qui réaffirment leur attachement à la France.
Chacun des deux camps s'efforce d'obtenir une reconnaissance des autorités locales qui lui permettrait de s'imposer. Dans un premier temps, la chefferie concurrente a bénéficié de la reconnaissance publique par arrêté préfectoral du 21 juillet 2005. Cependant, la mobilisation de trois cents partisans du Lavelua, lors d'une manifestation le 3 août, a entraîné une nouvelle légitimation de la chefferie royale.
Afin d'apaiser la situation, un médiateur de l'Etat a été désigné. Arrivé le 25 septembre à Wallis, il a réaffirmé la reconnaissance du Lavelua par la France . Le compromis sur lequel se sont accordés représentants de l'Etat et chefferies locales précise qu'aucunes représailles ne seront exercées contre les opposants au Lavelua. Chacun des deux camps doit désormais s'accorder et travailler ensemble pour permettre un retour à une situation normale, dans le respect de la coutume.
Lors de son audition devant votre commission, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a indiqué que l'Etat s'attachait à assurer une médiation impartiale dans le conflit opposant les tendances conservatrice et rénovatrice au sein du pouvoir coutumier. Il a déclaré que, si le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ne comporterait pas de modification du statut de Wallis-et-Futuna, la loi de 1961 devrait néanmoins faire l'objet d'une réflexion afin d'être adaptée au nouveau cadre constitutionnel.
* 59 L'institution communale n'existe pas à Wallis et Futuna. Les circonscriptions en tiennent lieu.