B. LA CONDUITE D'IMPORTANTS PROJETS DE RÉFORME EN MATIÈRE D'IDENTITÉ ET DE DÉLIVRANCE DE TITRES

1. La modernisation des titres d'identité : l'introduction de la biométrie

L ' introduction d'éléments biométriques dans les titres d'identité (carte nationale d'identité et passeport) est envisagée depuis plusieurs années par le gouvernement.

A travers le développement de la biométrie, l'objectif poursuivi est principalement de renforcer la lutte contre la fraude et d' améliorer la sécurité des Français . En outre, cette nouvelle génération de titres d'identité pourrait contribuer à la modernisation de l'administration et à la simplification des procédures applicables pour leur délivrance .

L'actualité du sujet a conduit votre commission des Lois à créer, au cours de la précédente session, une mission d'information sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire , présidée par notre collègue Charles Guené. Dans son rapport, notre collègue Jean-René Lecerf 38 ( * ) a constaté que la fraude à l'identité était difficile à quantifier mais qu'elle était une nécessité pour la criminalité. La mission a souligné qu'il fallait remédier aux défaillances de la chaîne de l'identité dans le respect des libertés individuelles. Elle a d'ailleurs conclu en affirmant que « la sécurisation de l'identité n'est pas antinomique de la sauvegarde des libertés ».

La biométrie peut se définir comme « l'ensemble des technologies de reconnaissance physique ou biologique des individus ». Il s'agit notamment de la morphologie du visage, des empreintes digitales ou de la reconnaissance de l'iris de l'oeil. Elle peut ainsi s'avérer très utile dans le cadre de la sécurisation des titres d'identité et de la lutte contre la fraude documentaire.

L'introduction de la biométrie dans les titres d'identité est déjà amplement engagée en ce qui concerne le « passeport électronique », son développement devenant obligatoire au regard des engagements communautaires de la France et des exigences posées par les Etats-Unis.

En effet, conformément au règlement (CE) n° 2252/2004 du 13 décembre 2004, les Etats membres de l'Union européenne devront délivrer des passeports incluant une photographie faciale sur une puce à compter du 28 août 2006. Devraient ensuite être introduites dans ces passeports une donnée biométrique supplémentaire, les empreintes digitales, dans un délai de 36 mois à compter de l'adoption de spécifications techniques.

En outre, à partir du 26 octobre 2006, les Etats-Unis imposeront aux vingt-sept Etats bénéficiant d'une exemption de visa, dont la France, que les passeports dont leurs ressortissants sont titulaires soient conformes aux exigences de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), à savoir qu'ils contiennent au moins une donnée biométrique : la photo numérisée faciale 39 ( * ) . Depuis le 26 octobre 2005, les Etats-Unis imposent déjà que les voyageurs de ces vingt-sept pays présentent des passeports avec des photographies numérisées, lorsque ces derniers ont été délivrés après cette date.

La mise en place du passeport biométrique est par conséquent prioritaire , la création et la diffusion de la carte nationale d'identité biométrique ne seraient en revanche envisagées que dans un second temps, selon des modalités juridiques et financières encore en cours d'examen.

D'un point de vue technique, d'après les informations fournies par le ministère, la procédure envisagée pour la délivrance des titres d'identité à sécurité renforcée serait la suivante : la mairie du demandeur procèderait à l'examen, en présence de ce dernier, des pièces constitutives du dossier, qu'elle complèterait avec les éléments biométriques de l'intéressé. Une fois ces données contrôlées, la mairie les enregistrerait sur support numérique pour les communiquer par voie électronique à un serveur national, également accessible à la préfecture du département. Les fichiers nationaux seraient alors consultés puis les données transmises au centre de production du titre d'identité ou de voyage, lequel serait finalement retourné à la mairie d'accueil pour être remis à l'ayant-droit.

Le ministère de l'intérieur estime qu'il sera en capacité de délivrer dès la fin de l'année 2005 les premiers passeports de nouvelle génération, comportant la photographie numérisée. Le fascicule budgétaire indique que le marché pour choisir le centre de production des passeports électroniques devait être passé au cours du second semestre 2005. Un appel d'offre a effectivement été lancé et la production du passeport électronique pourrait être confiée à une entreprise privée, ce qui suscite quelques inquiétudes au regard du monopole actuel de l'Imprimerie nationale 40 ( * ) . A la fin du premier semestre 2006, toutes les préfectures devraient en outre être équipées de scanners pour diffuser ces passeports numérisés.

Souhaitant également développer la biométrie pour les cartes nationales d'identité , le gouvernement a donc lancé un projet d'identité nationale électronique sécurisée ( projet INES ). D'après les informations fournies par le gouvernement, la carte nationale d'identité serait dotée d'une puce électronique pouvant contenir, non seulement des données biométriques, tels que la photographie et les empreintes digitales, mais aussi des éléments relatifs à l'état civil de la personne.

En outre, à ce dispositif serait associé la création d'une base centrale de données qui contiendrait un fichier des empreintes digitales, un fichier de photographies, un fichier de gestion des titres et un fichier des archives qui contiendrait numérisés les justificatifs présentés lors du dépôt de la demande. Les conditions et les limites de son utilisation devront alors être clairement établies. La mission a souligné que la définition précise des fonctions attribuées 41 ( * ) à la nouvelle carte d'identité constituait un préalable nécessaire au choix de l'infrastructure technique.

M. Nicolas Sarkozy a indiqué qu'il ne souhaitait pas précipiter le recours à la biométrie. Il a notamment expliqué devant les préfets, le 20 juin 2005, qu'il ne voulait pas « qu'on s'y engage sans avoir pris le temps nécessaire pour réfléchir à toutes ses conséquences. Il ne s'agit pas de revenir sur des évolutions qui sont pour certaines nécessaires, mais de bien mesurer où l'on veut aller, sous quelles conditions et à quel prix. » La phase d'études se poursuit donc, afin de déterminer les meilleures modalités d'introduction de ce nouveau titre d'identité en France.

Le projet INES devrait nécessiter en 2006 l'élaboration d'un montage juridique et financier, éventuellement sous la forme d'un contrat de partenariat public-privé, ainsi que la passation d'un marché de développement et de fourniture d'équipements, si les études effectuées aboutissent.

D'un point de vue financier, le projet annuel de performance du programme « Administration territoriale » prévoit ainsi :

- pour le passeport électronique, une dotation de 62,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,08 millions d'euros pour les crédits de paiement au titre d'engagements nouveaux ;

- pour le projet INES, 63,70 millions d'euros en autorisations d'engagement (dont 60 millions d'euros ouverts pour assurer le lancement du marché) et 1,62 millions d'euros en crédits de paiement.

Si cette nouvelle génération de titres d'identité devrait conduire à la suppression ou la transformation de dizaines d'emplois dans les préfectures et sous-préfectures, les gains d'emplois ne devraient pas se faire sentir en 2006. Le gouvernement indique, dans le projet annuel de performance du programme, qu'un nouvel examen de la situation devrait être effectué pour le budget 2007.

* 38 Voir le rapport n° 439 (Sénat, 2004-2005), « Identité intelligente et respect des libertés » de M. Jean-René Lecerf, au nom de la mission d'information sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, présidée par M. Charles Guené.

* 39 Des données biométriques supplémentaires, telles que les empreintes digitales ou l'iris de l'oeil, seraient optionnelles.

* 40 Voir l'audition de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, pour les crédits alloués à la mission « Sécurité », dans le bulletin des commissions n° 6 de la semaine du 21 novembre 2005.

* 41 Le titre peut servir à l'authentification de son titulaire (adéquation des données biométriques de la carte avec celles de son titulaire) ou à son identification (comparaison de données biométriques anonymes avec celles d'une personne pour retrouver son identité).

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