B. LE RÔLE PRÉPONDÉRANT DES AGENCES DE SÉCURITÉ SANITAIRE
1. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou l'éternel débat sur l'indépendance de l'expertise
L'Afssaps s'est substituée, depuis 1999, à l'Agence du médicament, créée par la loi du 18 janvier 1994. Elle participe à l' application des lois et règlements relatifs à l'évaluation, aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l'importation, à l'exportation, à la distribution en gros, au conditionnement, à la conservation, à l'exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité et à l'utilisation des produits de santé et cosmétiques.
Entrent ainsi dans son champ de compétence : les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique, les produits contraceptifs et contragestifs, les biomatériaux et les dispositifs médicaux, les produits sanguins labiles, les organes, les produits cellulaires à finalité thérapeutique, les produits destinés aux lentilles de contact, les insecticides et les antiparasitaires, les appareils destinés à la désinfection, les aliments diététiques susceptibles de présenter un risque et, depuis la loi du 9 août 2004, les cosmétiques, les toxines et les produits de tatouage.
L'agence est chargée de procéder à l'évaluation du rapport bénéfice/risque de ces produits au moment de leur lancement puis lorsqu'un événement nouveau est susceptible de remettre en cause l'évaluation initiale. Elle assure également la mise en oeuvre des systèmes de vigilance. Enfin, elle prend, ou demande aux autorités compétentes de prendre, les mesures de police sanitaire qui s'imposent lorsque la santé de la population est menacée.
L'agence traite, en moyenne, 1.100 dossiers d'autorisation de mise sur le marché chaque année, dont 800 concernent des médicaments génériques.
Le premier COM de l'Afssaps est en cours d'élaboration . Le conseil d'administration et le conseil scientifique ont été associés à sa conception. Il devrait entrer en vigueur à compter du début de l'année 2006 pour poursuivre six objectifs stratégiques :
- être une agence d'expertise et de police sanitaire incontestable et reconnue ;
- répondre à ses missions au meilleur coût par une amélioration continue de son organisation et de ses procédures ;
- renforcer la veille et la surveillance et améliorer la réactivité aux risques ;
- fournir un appui pour l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique des produits de santé ;
- promouvoir l'approche de la France en matière de sécurité sanitaire dans les organismes européens et internationaux ;
- enfin, développer la communication auprès des professionnels et du public.
Pour 2006, la subvention de l'Etat à l'agence, ventilée entre les actions « veille, surveillance, expertise et alerte », « production et mise en oeuvre de règles, de recommandations, de décisions et autres dispositifs » et « information et formation » du programme, s'élève à 16,4 millions d'euros , contre 18,9 millions d'euros en 2005, soit environ 20 % du budget de l'agence. En outre, le fonds de roulement sera mobilisé pour 1,8 million d'euros . Cette dotation permettra de créer deux emplois supplémentaires pour renforcer l'inspection en biologie et en produits sanguins labiles. Les effectifs de l'agence seront ainsi portés à 948,7 équivalents temps plein.
Le budget total de l'Afssaps s'élève à environ 92 millions d'euros . Il est, pour l'essentiel, composé des ressources fiscales de l'agence, obtenues grâce aux taxes portant sur le dépôt, auprès d'elle, des demandes d'autorisation de mise sur le marché et de recherche biomédicale concernant des produits de santé. Cette taxe est également due pour toute demande de modification substantielle des demandes initiales.
Ce mode de financement ne permet pas à l'agence d'être totalement indépendante de l'industrie pharmaceutique , comme l'exigeraient ses missions d'évaluation et d'expertise. Votre commission souhaite, à cet égard, que le financement public constitue une part plus importante du budget de l'agence. L'Etat demeure en effet responsable d'une partie des missions de veille sanitaire, ainsi que de la pharmacovigilance et des inspections.
Ce problème avait déjà été souligné par notre collègue Claude Saunier, qui déplorait que la proportion du financement de l'Etat soit passée de 40 % en 2000 à seulement 8 % en 2003 2 ( * ) .
La question de l'indépendance se pose également en matière de personnel. En effet, l'agence fait appel, pour partie, à des experts externes. La majorité d'entre eux ont des intérêts communs avec un ou plusieurs laboratoires. Il conviendrait, à cet égard, de limiter les vacations externes à des experts indépendants ou, à tout le moins, de mieux contrôler les conflits d'intérêt . Il serait en outre judicieux, pour attirer les spécialistes les plus compétents, de leur proposer une rémunération plus proche que celle que leur offre l'industrie.
2. La difficulté de la double tutelle de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments
Placée sous la tutelle conjointe des ministères de la santé et de l'agriculture , l'Afssa exerce les fonctions d'évaluation des risques, de recherche et d'appui scientifique et technique dans le domaine du risque sanitaire d'origine alimentaire. Elle a également un devoir de veille et de surveillance dans son champ de compétence et exerce une mission de police sanitaire au sein de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).
L'Afssa participe à l'évaluation des dossiers nationaux et européens d'AMM, à l'inspection de laboratoires pharmaceutiques et au suivi de la pharmacovigilance, comme le fait l'Afssaps pour les produits de santé destiné à l'homme. En 2006, elle sera plus particulièrement chargée du plan de renforcement de l'ANMV en développant les priorités suivantes : - renforcer les actions menées en matière de nutrition avec un programme d'études des accidents liés à la consommation de compléments alimentaires ; - développer les capacités de recherche et d'appui scientifique et technique dans le domaine de l'hydrologie, afin de répondre aux exigences communautaires pour la surveillance de l'eau minérale ;
- structurer, de façon pérenne,
l'Observatoire des résidus de pesticides (ORP), destiné à
mesurer l'exposition de la population aux pesticides.
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Au titre de sa mission d'évaluation, l'agence enregistre environ quatre cents saisines par an relatives, pour les deux tiers, à trois secteurs d'expertise : l'alimentation animale, les eaux et la nutrition humaine. Elle participe, à ce titre, à la mise en oeuvre des plans de santé publique, le plan cancer et le PNNS notamment.
En ce qui concerne la recherche, les orientations pour la période 2002-2005 ont fixé trois priorités aux activités de l'Afssa : les risques sanitaires liés à l'eau ; les risques nutritionnels et la composition des aliments ; enfin, l'analyse des protéines de l'agent responsable de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
La subvention de l'Etat représente 80 % du total des 58 millions de recettes de l'agence, l'essentiel étant couvert par les ressources qu'elle perçoit au titre des procédures d'AMM ; 80 % de cette subvention provenant du ministère de l'agriculture , ce qui explique que les documents budgétaires traitent de la situation financière de l'agence dans le programme « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Sécurité sanitaire ». Cette situation rend délicate l'exercice effectif de sa tutelle par le ministère de la santé .
3. L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail peine à trouver ses marques
Lors des travaux parlementaires de la loi du 1 er juillet 1998, la création, en sus des deux précédentes, d'une troisième agence compétente en matière d'environnement a été proposée par Jean-François Mattei, alors député. Finalement, la loi a prévu, dans un délai de six mois, la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur l'opportunité et la faisabilité de la création d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement.
Il faudra, en réalité, attendre la loi du 9 mai 2001 pour voir la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse), placée sous la double tutelle des ministres chargés de la santé et de l'environnement. Le champ de la sécurité sanitaire dans l'environnement est, en effet, plus complexe à déterminer que lorsqu'il s'agit des produits destinés à l'homme. De plus, la problématique environnement et santé était déjà, en partie, prise en charge par des institutions existantes comme l'InVS pour l'épidémiologie et l'alerte, l'Institut National de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour les activités industrielles et l'Office de protection contre les rayonnements (Opri) pour les rayonnements ionisants.
Il a donc été décidé de limiter les missions de l'Afsse à la coordination des expertises disponibles dans les organismes existants, en raison de la difficulté d'isoler au sein de ces structures les seules compétences liées à la problématique de santé environnementale. Elle dispose, pour ce faire, de quatre comités d'experts (substances chimiques, agents physiques, substances biocides, air). Il s'agit donc d'une agence d'objectifs et non de moyens. La mise en place de l'Afsse s'est faite, on l'aura compris, dans des conditions qui ne lui donnaient pas tous les atouts dont ont bénéficié les autres agences .
A la suite de l'adoption du plan quinquennal Santé-Travail le 23 janvier 2005, les compétences de l'Afsse ont été étendues à ce domaine : l'ordonnance du 1 er septembre 2005 l'a alors transformée en Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail (Afsset).
Dans la continuité du premier bilan à six mois des actions entreprises au titre du PNSE, le ministère de la santé et des solidarités a retenu, au début de l'année 2005, quatre axes stratégiques pour l'Afsset :
- renforcer ses unités d'expertise en matière de risques sanitaires, en particulier dans les domaines des substances chimiques préoccupantes (cancérigènes ou toxiques pour la reproduction), des fibres minérales artificielles qui remplacent l'amiante et des risques liés aux légionelles dans les tours aéroréfrigérantes ;
- assurer l'animation du réseau scientifique européen en santé environnementale, afin de soutenir la présidence française du comité européen en environnement et santé de l'OMS dans le cadre de la préparation des réunions interministérielles de 2007 et 2009 ;
- concourir à l'évaluation à mi-parcours du PNSE en prenant en charge la gestion des travaux du comité d'évaluation ;
- enfin, poursuivre des programmes de recherche sur l'exposition des populations aux substances professionnelles
Pour assurer l'ensemble de ses missions, l'Afsset verra ses effectifs augmenter de dix emplois équivalents temps plein par an entre 2005 et 2010 . Toutefois, on peut s'étonner qu'aucun recrutement prévu ne concerne les personnels d'encadrement administratif et de secrétariat, pourtant indispensables à la montée en puissance de l'agence.
Par ailleurs, la directrice de l'Afsset a indiqué à votre rapporteur que l'agence a le plus grand mal a recruter les professionnels dont elle a besoin, notamment toxicologues et médecins du travail, en raison d'une grille statutaire peu attractive par rapport aux rémunérations proposées par les entreprises privées et les centres antipoison. Ainsi, la vacation journalière d'un expert est payée 67 euros par l'Afsset contre 300 euros pour l'agence européenne. En outre, le recours massif aux contrats à durée déterminée entraîne un taux de remplacement important des personnels, qui nuit au suivi des actions.
Votre commission estime donc qu'une réflexion doit être menée pour améliorer l'attractivité de l'Afsset, comme celle des autres agences dans une moindre mesure, en matière de ressources humaines pour les professions très techniques. Elle souhaite également que toutes soit dotées d'un encadrement administratif suffisant , pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et de l'OPECST en la matière 3 ( * ) .
En 2006, la dotation du ministère de la santé et des solidarités à l'Afsset s'élèvera , comme celle du ministère du travail, à 4,2 millions d'euros , soit une augmentation de 1 % par rapport à 2005 correspondant à peine à l'accroissement des frais de personnel du fait du glissement-vieillesse-technicité (GVT) et de la majoration de la valeur du point de la fonction publique. Par ailleurs, le fonds de roulement de l'agence, dont le niveau est élevé du fait des nombreux reports de crédits dus à la mise en place difficile de l'agence, sera ponctionné à hauteur de 0,8 million d'euros. Au total, le budget de l'Afsset devrait avoisiner 15,5 millions d'euros.
Pour autant, votre commission estime que l'Afsset, comme l'Afsse avant elle, n'a pas encore atteint son rythme de croisière, à la différence des autres agences. Elle pâtit, en effet, de la dispersion de l'expertise sur la santé environnementale et sur la santé au travail entre les agences, notamment l'InVS, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays européens.
En outre, l'agence voit son fonctionnement compliqué par son positionnement interministériel . Elle dépend, en effet, des ministères des finances, de la santé, de l'environnement et du travail qui, tous, doivent signer les commandes qui lui sont faites. Il faudrait, à tout le moins, que l'un des ministères concernés soit chef de file pour simplifier les procédures.
Plus largement, c'est le rôle même de l'Afsset qui doit être renforcé. Il convient d'en faire une véritable agence de moyens sur ses domaines de compétences, en redéfinissant le champ des missions des autres agences. Dans cet objectif, il conviendrait que l'Afsset puisse être saisie de l'ensemble des demandes d'études sur ces sujets , quitte à ce qu'elle en confie ensuite le traitement à d'autres structures.
* 2 Le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme : application de la loi du 1 er juillet 1998. Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Claude Saunier. Rapport n° 185, février 2005.
* 3 Rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques précité.