B. LA PROGRAMMATION EN COURS
Un premier bilan à mi-parcours fait apparaître les éléments suivants :
La marine est entrée dans la période de programmation actuelle avec un retard très important dans le processus de renouvellement de la flotte et dans l'entretien des matériels.
L'entretien a nécessité un effort considérable de remise à niveau à la fois de l'organisation et des moyens budgétaires. Cet effort s'est doublé de la nécessité de soutenir la restructuration de DCN, dans le souci de disposer à terme d'un partenaire industriel solide et compétitif. Ces deux aspects ont pesé sur les programmes de constructions neuves.
Les décalages successifs intervenus dans le calendrier des programmes conduisent au lancement simultané de programmes de renouvellement de capacités décisives et complémentaires, dont le coût n'a été estimé que de façon très approximative en loi de programmation.
1. L'entrée dans la programmation : un contexte dégradé
Le contexte de l'entrée dans la période de programmation actuelle ne permettait pas de traduire immédiatement un effort budgétaire important par une amélioration significative en termes de renouvellement des capacités et de disponibilité des matériels.
La sous-exécution de la précédente programmation , sans arbitrage réel entre capacités, a conduit à un coûteux allongement des programmes (Rafale, porte-avions Charles de Gaule, SNLE-NG). Fin 2004, 800 millions d'euros de crédits de reports provenaient encore de la loi de programmation 1997-2002.
Pour ce qui concerne la marine, la disponibilité des matériels était particulièrement dégradée, à la fois pour des raisons financières mais aussi pour des raisons d'organisation 2 ( * ) . Plus d'une année a été nécessaire à la remise en ordre de la gestion des rechanges et, plus généralement à la réorganisation de la filière d'entretien programmé des matériels ce qui explique que l'effort très important consenti en loi de finances initiale pour 2003, 629 millions d'euros, n'ait été consommé qu'à hauteur de 536 millions d'euros, soit une annuité conforme à la moyenne des années précédentes.
L'effort consacré à l'EPM , stabilisé en loi de finances pour 2006 à 967 millions d'euros, ne pourra vraisemblablement pas être revu à la baisse, ainsi que l'a confirmé le délégué général pour l'armement lors de son audition devant votre Commission, les besoins d'entretien de matériels sophistiqués prenant la relève de l'effort de redressement. Une légère décrue des autorisations d'engagement qui passent de 1,3 à 1,1 milliard d'euros sur ce poste peut cependant être observée.
Deux pistes sont désormais explorées : la réduction des coûts par l'amélioration des capacités de contractualisation avec les industriels et la prise en considération du coût de possession du navire et de sa disponibilité dès sa conception et dès la notification du contrat de réalisation. Le service de soutien de la flotte a ainsi entrepris de faire évoluer la contractualisation des opérations d'entretien vers des contrats globaux de disponibilité, solution mise en oeuvre en 2003 pour les sous-marins nucléaires d'attaque. La construction aux normes civiles des bâtiments de projection et de commandement, outre l'avantage du coût, permet également d'envisager une disponibilité accrue. Le contrat de réalisation des frégates multimissions prend en considération cet objectif en intégrant l'entretien des six premières années de service.
A l'effort nécessaire au redressement de la disponibilité des matériels, s'est ajouté, en parallèle, le soutien à la restructuration de DCN , amorcé dans la période de programmation précédente et poursuivi pendant l'actuelle, pour un montant de 1,3 milliard d'euros.
Ces trois éléments ont pesé lourdement sur l'enveloppe destinée aux constructions neuves, alors que l'effort consacré à des programmes en cours devait être poursuivi.
2. La charge persistante de programmes déjà anciens
a) Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins
Le programme de sous-marins lanceurs d'engins a été lancé en 1986, il y a près de vingt ans.
Depuis cette date, la cible et le devis ont évolué. Dans un contexte d'après guerre froide, la cible a été ramenée de six à quatre bâtiments, afin de disposer d'un minimum de un sous-marin en patrouille pour assurer la posture de dissuasion.
Le troisième sous-marin du programme, commandé en juin 1987 a été admis au service actif en novembre 2004. Le dernier, le Terrible commandé en juillet 2000, est attendu dans le courant de l'année 2010, dans une version permettant de mettre en oeuvre le missile M51, le missile balistique successeur du M 45.
Pour six sous-marins, le devis originel s'élevait à 9,63 milliards d'euros, développement et environnement inclus. Avec d'importantes variations de périmètres, il s'élève actuellement à plus de 10,9 milliards d'euros, hors développement et dépenses d'environnement.
Le projet de loi de finances pour 2006 consacre 537,8 millions d'euros à ce programme dont 421,43 millions d'euros au titre de la fabrication et 56 millions d'euros au titre de l'adaptation au M51, la commande de la première adaptation devant intervenir en 2006.
Le « bleu budgétaire » indique que 7,2 milliards d'euros ont été payés avant 2005 et que les paiements restant après 2006 s'élèvent à 1,1 milliard d'euros.
b) L'avion de combat Rafale
Le lancement du dossier de développement de l'avion de combat polyvalent Rafale, qui remplace pour la marine, les Crusader, et, à terme, les Super Etendard, date de 1986. En attendant l'arrivée de l'avion dans les forces, un programme de modernisation des Super-Etendard se poursuit.
En 2006, la marine recevra deux avions Rafale au standard F2 (capacités air-sol), ce qui portera à 12 le nombre d'avions livrés sur le total de 38 commandés et de 60 prévus par la loi de programmation militaire. Initialement prévue en 2004, cette livraison a subi un étalement décidé en 2001.
Actuellement, les avions en service dans la marine, sur le porte-avions, sont au standard F1 (capacité air-air) qualifié à la fin de l'année 2001, la première flottille a été constituée en 2002.
Le standard F3, correspondant à la capacité d'emport de l'arme nucléaire, fera de l'avion un avion polyvalent, sa qualification est prévue en 2008.
Le coût unitaire de la version marine, pour laquelle la version biplace a été abandonnée en 2004, s'élève à 56,6 millions d'euros.
Ce programme a souffert d'un étalement des livraisons et de modifications techniques qui ont fait passer le devis de développement de 5,4 milliards d'euros en 2002 à 8,9 milliards d'euros en 2005 pour les trois versions : marine, monoplace et biplace Air.
La justification des crédits précise que 3,3 milliards d'euros ont été payés sur ce programme qui devrait mobiliser 1,5 milliard d'euros après 2006, pour un montant total de 5,9 milliards d'euros.
Le projet de loi de finances consacre 133 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 539 millions d'euros de crédits de paiement à ce programme.
Ces montants comprennent une part du développement du standard post-F3, destinés à doter l'avion de nouvelles capacités, dont l'intégration du missile METEOR, missile européen d'interception à longue portée.
c) Les frégates anti-aériennes Horizon
Le programme Horizon touche à sa fin. Cette décision affecte le format défini pour le modèle 2015. Il sera limité à deux unités.
Lancé en 1994, ce programme a subi le contrecoup du retrait britannique en 1999, les Britannique ne poursuivant la coopération que sur le système de lutte anti-aérienne PAAMS.
La phase de développement et de production a été lancée en 2000 pour deux bâtiments, la première frégate, le Forbin devant être livrée en 2006.
Le coût des deux bâtiments, hors système PAAMS s'élève à 1,9 milliard d'euros.
Le projet de loi de finances pour 2006 consacre 65 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 90 millions de crédits de paiement à ce programme pour lequel 1 397 millions d'euros de paiement ont été réalisés en 2007 et 267 millions d'euros restent à payer après 2006.
Le programme PAAMS, associé au programme Horizon pour la défense aérienne de zone, la défense locale et l'autodéfense des frégates, lancé en avril 1998, se poursuit avec la livraison, fin 2006, de 60 munitions pour la dotation de la première frégate. Les systèmes ont, quant à eux, été livrés en 2004 et 2005.
5,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 37,41 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits au projet de loi de finances sur ce programme pour lequel 411 millions de paiements ont été réalisés avant 2005 et 174 millions resteront à payer après 2006.
Pour maintenir le modèle, il sera nécessaire de construire deux frégates à vocation anti-aérienne à l'horizon du retrait du service actif des Jean Bart et Cassard, deux unités qui seront dérivées du programme des frégates multimissions. Le coût unitaire de la production du système s'élève à 545 millions d'euros auquel il convient d'ajouter le coût des munitions.
La charge du renouvellement des capacités anti-aériennes continuera donc de peser sur le budget d'équipement de la marine dans les années à venir.
d) L'hélicoptère de transport NH 90
Le développement du programme NH 90 a été lancé en 1992. Ce programme est conduit dans le cadre de l'OTAN sous l'égide d'une organisation spécifique qui comprend une agence assurant la maîtrise d'ouvrage, la NAHEMA.
L'hélicoptère a vocation à remplacer le Lynx et le Super Frelon pour des missions de lutte anti sous-marine et anti-navire, de transport, de service public, de sauvegarde et de sauvetage.
Le programme porte sur 27 hélicoptères, dans la version NHF.
Le premier exemplaire devait être livré à la marine en 2005 mais compte tenu des retards intervenus, cette livraison n'interviendra qu'en 2007. Le délégué général de l'armement a indiqué que ce retard devait être imputé à l'industriel, une désignation qui recouvre quatre sociétés (Eurocopter, Eurocopter Deutschland, Agusta Westland et Stork Fokker), qui rencontre des problèmes d'organisation et des difficultés de mise au point technique, la version marine étant relativement complexe.
Ce retard est d'autant plus dommageable que des crédits très importants ont été mobilisés sur ce programme :
- 94 % des autorisations d'engagements ont été mobilisées ;
- 41 % des crédits de paiements auront été consommés à la fin de l'année 2006.
Le projet de loi de finances prévoit 24,43 millions d'euros en autorisations d'engagement et 88,82 millions d'euros en crédits de paiement pour ce programme pour lequel la totalité des engagements auront été réalisés fin 2006 et 965 millions d'euros resteront à payer.
Votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité de poursuivre les engagements sur ce programme qui enregistre un retard aussi significatif alors que le financement de l'Etat n'a, cette fois, pas fait défaut.
3. L'échéance du renouvellement de capacités décisives
Pour ce qui concerne la flotte de surface, la marine est parvenue dès 2000 au format 2015 en termes quantitatifs. Certains bâtiments ont cependant été prolongés au maximum de leurs possibilités sans qu'il soit pour autant possible d'éviter la rupture capacitaire.
C'est le cas en matière de défense anti-aérienne depuis le retrait du service, en 2001, de la frégate Suffren. La Marine dispose de trois frégates en parc, contre quatre prévues par le modèle 2015. Afin d'assurer certains aspects de son contrat opérationnel, la marine a dû faire appel occasionnellement au renfort de frégates d'autres Etats européens qui n'ont pas toujours été en mesure de répondre favorablement.
Ce serait le cas, pour les sous-marins nucléaires d'attaque, à partir de 2010, si le Rubis ne peut être modernisé dans l'intervalle.
Le tableau suivant, que votre rapporteur reproduit chaque année depuis le vote de la loi de programmation militaire, enregistre un recul des dates prévisionnelles de retrait du service des unités les plus anciennes.
Catégorie |
Type |
Bâtiment |
Date d'admission en service |
Date prévisionnelle de retrait du service |
SNLE type M4 |
L'INDOMPTABLE |
1976 |
2005 |
|
SNLE |
L'INFLEXIBLE |
1985 |
2008 |
|
(FOST) |
SNLE NG type LE TRIOMPHANT |
LE TRIOMPHANT |
1997 |
2032 |
LE TEMERAIRE |
1999 |
2034 |
||
LE VIGILANT |
2004 |
2039 |
||
SNA type RUBIS |
RUBIS |
1983 |
2012 |
|
SNA |
SAPHIR |
1984 |
2014 |
|
CASABIANCA |
1987 |
2016 |
||
EMERAUDE |
1988 |
2018 |
||
AMETHYSTE |
1992 |
2020 |
||
PERLE |
1993 |
2022 |
||
Bâtiments de projection |
Porte-avions |
CHARLES DE GAULLE |
2001 |
2041 |
TCD type OURAGAN |
OURAGAN |
1965 |
2006 |
|
ORAGE |
1968 |
2007 |
||
TCD type FOUDRE |
FOUDRE |
1990 |
2020 |
|
SIROCO |
1998 |
2028 |
||
Frégates de défense aérienne |
FLM |
DUQUESNE |
1970 |
2008 |
FAA |
CASSARD |
1988 |
Avant 2018 |
|
JEAN BART |
1991 |
Avant 2021 |
||
Frégates Multi missions |
FASM type F67 |
TOURVILLE |
1974 |
2011 |
DE GRASSE |
1977 |
2012 |
||
FASM type F70 |
DUPLEIX |
1981 |
2012 |
|
MONTCALM |
1982 |
2013 |
||
JEAN DE VIENNE |
1984 |
2015 |
||
PRIMAUGUET |
1986 |
2018 |
||
LA MOTTE-PICQUET |
1988 |
2019 |
||
LATOUCHE-TREVILLE |
1990 |
2019 |
||
FLF |
LA FAYETTE |
1996 |
2026 |
|
SURCOUF |
1997 |
2027 |
||
COURBET |
1997 |
2027 |
||
ACONIT |
1999 |
2029 |
||
GUEPRATTE |
2001 |
2031 |
||
Avisos A 69 |
LV LE HENAFF |
1979 |
2013 |
|
LV LAVALLEE |
1980 |
2014 |
||
PM L'HER |
1981 |
2015 |
||
CDT BLAISON |
1982 |
2016 |
||
EV JACOUBET |
1982 |
2016 |
||
CDT DUCUING |
1983 |
2017 |
||
CDT BIROT |
1984 |
2017 |
||
CDT BOUAN |
1984 |
2018 |
||
CDT L'HERMINIER |
1985 |
2014 |
||
Bâtiments de soutien logistique |
BAP |
JULES VERNE |
1976 |
2012 |
Pétroliers ravitailleurs |
MEUSE |
1980 |
2010 |
|
VAR |
1982 |
2012 |
||
MARNE |
1986 |
2016 |
||
SOMME |
1990 |
2020 |
||
Bâtiments de lutte contre les mines |
BSCGDM |
LOIRE |
1967 |
2008 |
CMT |
ERIDAN |
1983 |
2013 |
|
CASSIOPEE |
1984 |
2014 |
||
ANDROMEDE |
1984 |
2014 |
||
PEGASE |
1985 |
2015 |
||
ORION |
1985 |
2015 |
||
CROIX DU SUD |
1986 |
2016 |
||
L'AIGLE |
1987 |
2016 |
||
LYRE |
1987 |
2017 |
||
PERSEE |
1988 |
2017 |
||
CEPHEE |
1988 |
2018 |
||
CAPRICORNE |
1988 |
2019 |
||
VERSEAU |
1988 |
2019 |
||
SAGITTAIRE |
1996 |
2021 |
||
Bâtiments de souveraineté |
FS |
FLOREAL |
1992 |
2022 |
PRAIRIAL |
1992 |
2022 |
||
NIVOISE |
1992 |
2022 |
||
VENTOSE |
1993 |
2023 |
||
VENDEMIAIRE |
1993 |
2023 |
||
GERMINAL |
1994 |
2024 |
||
P400 |
L'AUDACIEUSE |
1986 |
2011 |
|
LA BOUDEUSE |
1986 |
2011 |
||
LA CAPRICIEUSE |
1986 |
2011 |
||
LA FOUGUEUSE |
1986 |
2011 |
||
LA GLORIEUSE |
1987 |
2012 |
||
LA GRACIEUSE |
1987 |
2012 |
||
LA MOQUEUSE |
1987 |
2012 |
||
LA RAILLEUSE |
1987 |
2012 |
||
LA RIEUSE |
1987 |
2012 |
||
LA TAPAGEUSE |
1988 |
2013 |
||
FRANCIS GARNIER |
1974 |
2011 |
||
BATRAL |
DUMONT D'URVILLE |
1983 |
2012 |
|
JACQUES CARTIER |
1983 |
2013 |
||
LA GRANDIERE |
1986 |
2014 |
||
Patrouilleur austral |
ALBATROS |
1967 |
2015 |
Le programme Horizon de frégates anti-aériennes, pour lequel la cible initiale était de quatre unités, conformément au modèle 2015, prendra fin à la livraison de la deuxième unité. La commande d'une troisième frégate, prévue par la loi de programmation militaire en 2007, est abandonnée, au profit d'une solution consistant à construire deux frégates anti-aériennes à partir de la plateforme des frégates multimissions. Ces deux frégates auront vocation à remplacer les frégates Cassard et Jean Bart, dont le système d'armes ne peut être modernisé.
Les documents budgétaires ne permettent pas d'apprécier précisément l'effort budgétaire à consentir en crédits de paiement pour les prochaines années, au regard des autorisations d'engagements affectées, puisque la visibilité ne dépasse pas l'horizon 2006 pour les engagements.
Sur les seuls programmes dont le lancement est prévue fin 2005 ou en 2006 et qui ont été précédemment détaillés (FREMM, Barracuda, PA2, MDCN), les paiements restant après 2006 s'élèvent à 7 milliards d'euros, sans rendre compte de la totalité des devis.
* 2 Voir sur ce sujet le rapport d'information de notre collègue Yves Fréville « La reprise en main du maintien en condition opérationnelle », n° 426 (2004-2005).