ANNEXE N° I -
AUDITION DU
GÉNÉRAL WOLSZTYNSKI,
CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE
L'ARMÉE DE L'AIR
Le 26 octobre 2005
Accueillant le chef d'état-major de l'armée de l'air, M . Serge Vinçon, président , a salué l'action de l'armée de l'air dans l'exercice des missions qu'elle effectue en opérations extérieures, en particulier en Afghanistan, dans des conditions souvent très difficiles. Il a par ailleurs souligné la qualité de la démonstration des capacités aériennes à laquelle il avait récemment assisté sur la base d'Orléans-Bricy.
Le général Richard Wolsztynski a tout d'abord souligné la grande diversité des missions assignées à l'armée de l'air. Ses personnels participent au plan Vigipirate, au sol, dans les gares ou les aéroports aux côtés des autres armées, ainsi que dans le cadre des missions de défense aérienne réalisées par des avions de chasse en alerte à partir de quatre bases aériennes : Mont-de-Marsan, Orange, Lorient et Creil. L'armée de l'air est également engagée dans les opérations extérieures, en soutien de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire ou en soutien de l'opération « Enduring Freedom » de lutte contre le terrorisme ou des Forces internationales d'assistance et de sécurité, en Afghanistan. Le dispositif Serpentaire, déployé sur la base aérienne projetée installée à Douchanbé au Tadjikistan, y conduit des missions de soutien au profit des forces spéciales engagées en Afghanistan avec des avions de combat (Mirages 2000 D) et des appareils de reconnaissance (Mirages F1 CR). L'armée de l'air participe, en outre, à de nombreuses missions de service public, telles que la recherche ou le sauvetage en cas d'accident aérien.
Le général Richard Wolsztynski a ainsi souligné la cohérence opérationnelle globale de l'armée de l'air dont peu d'aviations européennes peuvent se prévaloir, estimant que cette cohérence résultait, pour partie, de la position singulière de la France au sein de l'OTAN, depuis qu'elle s'était retirée du système intégré en 1966. Cette cohérence est illustrée par la maîtrise complète des éléments concourant à la prise de décision s'appuyant sur une capacité autonome de recueil de renseignements permettant de planifier et de conduire des opérations militaires en toute indépendance.
Le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, a illustré cette cohérence à partir du rôle de l'armée de l'air au sein de la NRF (NATO Response Force), rôle qui permet à la France de partager avec la Grande-Bretagne le statut de nation cadre, respectivement pendant le dernier semestre 2005 et le premier semestre 2006. La nation cadre doit ainsi fournir, en cas de besoin, 50 % de la capacité globale de la Force, le partenaire principal est sollicité à hauteur de 25 %, les 25 % restants devant être fournis par les autres membres de l'OTAN. Dans ce cadre, la France a organisé deux missions particulièrement significatives : la première a consisté à établir un pont aérien entre la base aérienne de Ramstein, en Allemagne, et les Etats-Unis, pour acheminer les dons européens destinés aux populations américaines affectées par le cyclone Katrina. Un autre pont aérien vient d'être organisé à destination des populations du Cachemire pakistanais, après le tremblement de terre qui a dévasté cette région ; il a permis d'apporter 250 tonnes d'aides en moins d'une semaine.
Evoquant le projet de loi de finances pour 2006, le général Richard Wolsztynski s'est félicité que 250 millions d'euros soient provisionnés au titre des OPEX, contre 100 millions en 2005. Puis il a indiqué que les crédits alloués aux personnels maintiendraient, comme en 2005, un léger sous-effectif, sous-effectif maîtrisé par des ajustements internes entre les différentes catégories, notamment sous-officiers et militaires techniciens de l'air (MTA). Constatant la densité du réseau des bases aériennes sur le territoire français, le chef d'état-major de l'armée de l'air a souligné que chaque base aérienne représentait un élément majeur de l'aménagement du territoire. Il s'est cependant interrogé sur les capacités financières de l'armée de l'air à entretenir ce patrimoine dans la durée. Il a relevé que les crédits disponibles en 2006 permettraient le maintien global du fonctionnement des bases aériennes, mais a cependant souligné que ce réseau était d'un format trop important au regard des besoins prévisibles de l'armée de l'air et qu'il pourrait conduire, à terme, à une paupérisation de certaines bases aériennes. Il a fait état de réflexions menées sur les évolutions de certaines implantations de l'armée de l'air. Ainsi, la base aérienne de Toulouse, avec le retrait du Centre d'instruction des équipages de transport et l'arrivée programmée des A 400 M, de même que le regroupement des hélicoptères à Cazaux, doit évoluer vers d'autres missions. De la même manière, la base de Dijon, où sont stationnés des avions de combat de type Mirage 2000, dont la fin de vie est envisagée à l'horizon 2020, devra également rechercher d'autres tâches, compte tenu des contraintes d'environnement associées aux nuisances sonores. Le retrait progressif des escadrons de Mirage F1 des bases de Colmar et Reims, vers 2015, soulève la question de la reconfiguration de leurs bases d'accueil.
Puis le général Richard Wolsztynski a souligné l'atout exceptionnel que représentaient, pour la France, les outils de formation de l'armée de l'air, et en particulier celui de la formation de ses pilotes. Il a ainsi salué le partenariat entrepris avec la Belgique, sur la base de Tours, en matière de formation de pilote de chasse, et sur la base d'Avord, pour les pilotes de transport.
Le chef d'état-major de l'armée de l'air a rappelé que la participation aux exercices internationaux contribuait à fortifier la qualité de l'entraînement des pilotes français. Ainsi la France participera en 2006 à un exercice qui réunira, au Brésil, les aviations des principaux pays de la région, ainsi que l'aviation sud-africaine. Il a souligné que l'activité aérienne pourrait être maintenue en 2005, malgré l'augmentation du prix du pétrole, grâce aux aménagements de la loi de finances rectificative de 2004 qu'il faut conjuguer à la réduction progressive du nombre d'avions en ligne, revenu, en l'espace d'une dizaine d'années, de 500 à quelque 330 aujourd'hui. Précisant que l'objectif de 180 heures d'entraînement par pilote et par an, fixé par l'OTAN du temps de la guerre froide, restait un seuil toujours pertinent pour le maintien du savoir-faire des pilotes et la sécurité des vols, il a regretté que, depuis l'effondrement du mur de Berlin, peu de pays en Europe satisfont à ce niveau d'entraînement, hormis la Grande-Bretagne, la France et les pays scandinaves. En revanche, nos autres partenaires se situent davantage autour de 120 heures annuelles, les pays d'Europe centrale et orientale n'affichant que 50 heures. Ces différences quantitatives et qualitatives se perçoivent notamment en Afghanistan où seules les nations telles que la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas, et, naturellement, les Etats-Unis, peuvent assumer des missions aériennes longues et difficiles inhérentes aux opérations menées. Le général Richard Wolsztynski a cependant souligné qu'il serait attentif au maintien de ce niveau d'entraînement en 2006, en dépit des aides notables fournies par les simulateurs.
Evoquant ensuite les équipements de l'armée de l'air, il s'est félicité de la constitution en 2006 d'un premier escadron de 20 Rafale, qui sera basé à Saint-Dizier. Ces avions pourront bénéficier d'armements nouveaux, livrés en 2006, dont 192 (87 version infrarouge et 105 version électromagnétique) missiles d'interception et de combat aérien (MICA), 140 missiles de croisière Scalp-EG. En matière d'aviation de transport, il a fait état de concertations menées entre la France et l'Allemagne pour affiner les critères logistiques requis par le futur A 400 M, dont les essais de moteur et hélices s'effectueront en février 2006. Le général Richard Wolsztynski a relevé le très bon retour d'expérience lié à l'utilisation des drones HUNTER, et a souhaité l'arrivée rapide des SIDM (système intérimaire de drone MALE), sur la base d'Istres. La relève sera ultérieurement assurée par le projet EUROMALE, qui devrait réunir, autour de la France, l'Italie, l'Espagne et la Suède. Il a salué l'arrivée, prévue par la loi de programmation militaire 2003-2008, de deux avions de transport à long rayon d'action (TLRA), successivement en juillet puis décembre 2006. Ces Airbus A 340 seront loués sur une longue durée avec une option finale d'achat. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a conclu en évoquant le maintien en condition opérationnelle et les difficultés portant sur le niveau de disponibilité du matériel. Certes, a-t-il jugé, la création de la SIMMAD (structure interarmée de maintien en condition opérationnelle des matériels aériens de la défense), il y a cinq ans, a permis de redresser notablement cette disponibilité, d'un tiers des appareils, à deux tiers, en moyenne globale. Mais, si cette disponibilité des deux tiers permet le respect des contrats opérationnels de l'armée de l'air et de la formation du personnel navigant, elle reste peu satisfaisante dans l'absolu, alors que le coût de la maintenance ne cesse de croître. Il a plaidé pour le passage d'une logique d'acquisition à une logique de possession, jugeant que cet effort pouvait être soutenu par un partenariat avec la Délégation générale à l'armement (DGA).
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis , a souligné l'importance d'une coopération européenne en matière de recueil d'informations. Il s'est inquiété de la possibilité de maintenir l'objectif des 180 heures de vol, par pilote et par an, en cas de poursuite de la hausse des carburants ou de fléchissement de la disponibilité des aéronefs. Il a souhaité obtenir des précisions sur le renouvellement de la flotte d'avions ravitailleurs avec notamment les avions multiroles transport-ravitailleurs (MRTT), ainsi que sur les motifs du retard constaté dans l'arrivée des drones SIDM dans les forces ; il a regretté le peu d'enthousiasme manifesté par nos partenaires à se joindre au projet EUROMALE. Il a enfin interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur la philosophie du projet « Air 2010 ».
Le général Richard Wolsztynski a apporté les éléments d'information suivants :
- la France dispose aujourd'hui d'une capacité complète et cohérente en matière de recueil d'informations par l'image, qui lui garantit une indispensable autonomie en ce domaine. Ainsi, notre pays dispose à la fois de capacité en imagerie optique, infrarouge, ou radars avec les trois types de capteurs : les satellites, comme Hélios, les avions pilotés et les drones. Il s'agit là d'autant de pistes possibles de coopération européenne pour le partage de l'image et à faible coût. Une action concrète est d'ailleurs déjà entreprise avec l'Allemagne en matière d'imagerie radar ;
- notre pays possède une double capacité de formation initiale et avancée des pilotes de combat, ce qui est rare. Aussi bien des offres de partenariat ont-elles été formulées et déjà mises en oeuvre avec la Belgique pour la formation avancée sur Alphajet. Des concertations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Grèce ;
- le Rafale dispose d'une autonomie en carburant supérieure de 50 % à celle d'un Mirage 2000, et les futurs avions ravitailleurs multiroles Airbus A 330 fourniront, d'ici 2015, une capacité de ravitaillement double de celle des actuels C 135. L'actuelle loi de programmation militaire n'a pas prévu de financement pour ces MRTT (multirole transport tanker), car le renouvellement de la flotte actuelle ne s'imposera qu'autour de 2010. La France doit cependant accompagner dès maintenant la démarche britannique d'acquisition de MRTT, dont les modalités financières innovantes ne sont d'ailleurs pas encore finalisées ;
- les SIDM seront livrés par EADS avec un retard de 18 mois, ce qui crée une rupture capacitaire en matière de drones, et place la France en situation délicate avec les Pays-Bas, qui sont nos partenaires dans ce projet ;
- une disponibilité moyenne de 2/3 des appareils est satisfaisante en « rythme de croisière », en permettant de respecter tant le contrat opérationnel que le contrat « formation » des pilotes, et peu de pays européens peuvent se prévaloir d'un tel niveau. Par ailleurs, la disponibilité en opérations extérieures est proche de 100 %. Il n'en demeure pas moins que le coût élevé d'acquisition de matériels, par ailleurs toujours plus sophistiqués, devrait garantir une fiabilité encore meilleure. En réponse à M. Yves Pozzo di Borgo , le général Richard Wolsztynski a précisé qu'un audit était en cours de réalisation par le contrôle général des armées, et qu'une mission de modernisation de la maintenance aéronautique, confiée à un ingénieur général de l'armement, venait d'être mise en place. Au total, 964 millions d'euros seront consacrés au maintien en condition opérationnelle en 2006, pour un total de près de 1000 aéronefs, alors que la masse critique permettant d'obtenir une disponibilité satisfaisante nécessiterait 1,1 milliard d'euros ;
- la sécurité et la cohésion des personnels au sein de l'armée de l'air est une priorité qui justifie de nombreuses visites sur le terrain, des rencontres avec les présidents des catégories et les syndicats de personnels civils dont l'effectif global est d'environ 5.400 dans l'armée de l'air ;
- le projet « Air 2010 » est un véritable projet « d'entreprise » qui suppose l'adhésion de tous les personnels. Il porte sur quatre grands pôles qui structureront l'armée de l'air. Le pôle « Opérationnel » a été mis en oeuvre en janvier 2003 ; le pôle « Soutien » sera mis en oeuvre à partir de l'état-major de la région aérienne Sud installé à Bordeaux, un pôle « Forces », qui débutera sa montée en puissance sur le principe d'une mise en réseau à partir de la base de Metz. Enfin le pôle «Personnel » permettra d'assurer une gestion individualisée des carrières. A cet égard, le chef d'état-major de l'armée de l'air a souligné la nécessité de réduire le caractère systématique de la mobilité et a indiqué que la tendance serait à la diminution des affectations en région parisienne, redoutée par de nombreux personnels. L'armée de l'air comptait, au 1 er septembre, a précisé le général Richard Wolsztynski , 59.183 militaires et 5.465 civils.
M. André Rouvière a souhaité obtenir des précisions sur le rayon d'action et la polyvalence des drones, sur la possibilité éventuelle de les piloter à partir d'un avion. Il a souhaité également connaître le surcoût de maintenance des équipements engendré par les OPEX pour l'armée de l'air.
M. Jacques Peyrat s'est interrogé sur la pérennité de la base aérienne 943 de Nice. Il a par ailleurs déploré que, sur les 330 avions en ligne dans l'armée française, les conditions de maintenance ne permettaient, en réalité, de n'en faire voler que 220.
Mme Hélène Luc s'est félicitée du rôle de l'armée de l'air dans sa contribution au soutien des populations pakistanaises éprouvées par le récent tremblement de terre. Elle a souhaité obtenir des précisions sur la chaîne de commandement dont relevait l'armée de l'air dans sa participation à l'opération « Enduring Freedom » en Afghanistan. Elle a enfin souhaité être éclairée sur les modalités de défense des centrales nucléaires.
M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur la nature de la contribution de l'armée de l'air à l'assistance aux populations pakistanaises.
Le général Richard Wolsztynski a apporté les informations suivantes :
- il est sans doute techniquement possible de commander un drone à partir d'un avion, mais cette formule présenterait peu d'intérêt au plan opérationnel. En effet, le principe des drones est précisément de les substituer à l'avion piloté pour la réalisation de missions longues. De plus, les drones ont pour vocation première de ménager la sécurité des pilotes pour un coût inférieur à celui d'un avion piloté. Le SIDM, qui aura 1.000 km de rayon d'action pour une autonomie de près de 12 heures, sera nettement supérieur au Hunter dont le rayon d'action était de 500 km pour une autonomie de quelques heures. Cependant, l'armée de l'air est actuellement dépourvue de drones depuis le retrait du service des Hunter pour obsolescence, en décembre 2004. Le projet EURO-MALE prévoit un système de combat associé, mais il faut veiller à ne pas multiplier ces fonctionnalités qui risqueraient de peser sur son coût. Le choix, par la France, d'un drone MALE est pertinent au regard de ses besoins, alors qu'un drone HALE (haute altitude longue endurance) serait beaucoup plus coûteux ;
- la disponibilité des matériels projetés bénéficie d'une évidente priorité. C'est pourquoi le chiffre de deux avions disponibles sur trois ne s'applique qu'au matériel basé sur le territoire national. La logique d'emploi des moyens aériens militaires est totalement différente de celle des moyens aériens civils, qui mise sur une durée de vie des appareils d'environ 10 ans, liée à une utilisation intensive. Au contraire, l'armée de l'air adapte l'activité de ses aéronefs pour leur assurer une durée de vie élevée. Ainsi, le Mirage IV a-t-il volé durant 41 ans, le Jaguar, 32 ans, le Mirage F1, 35 ans et le Rafale est prévu pour durer une cinquantaine d'années ;
- 250 tonnes de matériels ont été transportées en une semaine, d'Europe au Pakistan, grâce à des appareils C 130 mis en oeuvre par six pays différents ;
- l'une des missions de l'armée de l'air consiste à faire respecter l'interdiction du survol des centrales nucléaires ;
- en Afghanistan, l'armée française est impliquée dans deux opérations différentes : d'une part, la FIAS (Force internationale d'assistance et de sécurité) et, d'autre part, la mission « Enduring freedom », sous commandement américain, chargée de combattre les groupes terroristes. Dans le cadre de cette opération, un représentant de l'état-major français est présent au sein du commandement de la force pour veiller à la conformité des engagements des forces françaises au regard de leur mandat opérationnel défini par la France ;
- la base 943, située à Nice, est composée de deux éléments : d'une part, un dispositif de détection et de contrôle, qui subsistera, et, d'autre part, une base de support qui demeurera également, mais qui pourrait être redimensionnée.