LA NOUVELLE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
I. UNE MISSION INTERMINISTÉRIELLE À DEUX PROGRAMMES
En raison de la nouvelle présentation du projet de loi de finances, qui applique la LOLF, votre rapporteur souhaite présenter de façon approfondie le contenu de la mission « Sécurité sanitaire ».
A. UNE DES HUIT MISSIONS INTERMINISTÉRIELLES DU BUDGET DE L'ÉTAT
La mission « Sécurité sanitaire » est l'une des huit missions interministérielles que comporte, dans sa nouvelle présentation, le budget de l'État.
L'existence même de missions interministérielles appelle un commentaire nuancé de votre rapporteur. Certes, comme cela a été indiqué en introduction, on peut se réjouir de voir la sécurité sanitaire consacrée comme politique publique spécifique. On peut en outre espérer que la nature interministérielle de cette mission permette d'accroître les synergies entre les deux ministères compétents dans ce domaine.
Toutefois, il est permis de se demander si l'existence même de cette mission interministérielle ne révèle pas une forme d'inadaptation de notre nomenclature ministérielle traditionnelle. Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler à ce propos les déclarations devant votre commission de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui estimait que la nomenclature ministérielle devrait sans doute à terme être harmonisée avec la nouvelle architecture budgétaire.
B. UNE RÉPARTITION INÉGALE DES CRÉDITS ENTRE LES DEUX PROGRAMMES QU'IL CONVIENT DE NUANCER
Le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » représente à première vue l'essentiel des crédits demandés pour cette mission, soit 538 millions d'euros sur un total de près de 641 millions d'euros, c'est-à-dire près de 84 % des crédits de la mission.
Le programme « Veille et sécurité sanitaires » représente donc, avec 103 millions d'euros, un peu plus de 16 % seulement des crédits de paiements demandés pour la mission. Ce déséquilibre doit toutefois être relativisé par la prise en compte des fonds de concours et des crédits inscrits dans d'autres missions.
C. LE CARACTÈRE PARTIEL DE LA PRÉSENTATION DU COÛT RÉEL DE LA MISSION NUIT À L'OBJECTIF D'IDENTIFICATION DES CRÉDITS
1. L'impact considérable des fonds de concours
La répartition des crédits entre les deux programmes de la mission est différente si l'on prend en compte le montant des fonds de concours tels qu'ils figurent dans le bleu budgétaire, la répartition étant alors la suivante :
- pour le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », 574 millions d'euros sur 860 millions d'euros pour la mission, soit un peu moins de 67 % ;
- pour le programme « Veille et sécurité sanitaires », près de 287 millions d'euros sur les 860 prévus pour la mission, soit un peu plus de 33 %.
L'évolution de la répartition selon la prise en compte des fonds de concours permet de mesurer l'incidence considérable de ces derniers sur la mission, ce qui appelle les réserves de votre rapporteur pour avis, pour les raisons qu'il a indiquées en introduction. Il convient de souligner d'emblée que l'essentiel des fonds de concours abondant la mission se concentre sur le programme « Veille et sécurité sanitaires » et correspond à un prélèvement sur l'assurance-maladie pour financer la mise en place du dispositif de réaction à la grippe aviaire 2 ( * ) .
2. L'importance des transferts de crédits au sein du budget de l'Etat
Outre l'abondement par deux fonds de concours, la mission fait l'objet de transferts positifs et négatifs de crédits au sein du budget de l'Etat.
Comme le montre le tableau ci-dessous, ce ne sont pas moins de 295 millions d'euros qui arrivent ou partent de la mission « Sécurité sanitaire » en plus des crédits qui y sont inscrits et des fonds de concours.
TRANSFERT DE CRÉDITS ENTRE MISSIONS DU BUDGET DE L'ÉTAT
Programme de la mission affecté |
Impact pour la mission « Sécurité sanitaire » |
Origine ou destination |
Veille et sécurité sanitaires |
+ 187,3 millions d'euros |
Depuis programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité et intégration » |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
+ 5,9 millions d'euros |
Depuis programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement durable » de la mission « Agriculture, Pêche, forêt et affaires rurales » |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
+ 89,5 millions d'euros |
Depuis programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » de la mission « Agriculture, Pêche, forêt et affaires rurales » |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
- 11,3 millions d'euros |
Vers programme « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » de la mission « Ecologie et développement durable » |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
- 1,2 million d'euros |
Vers programme « Gestion des milieux et biodiversité » de la mission « Ecologie et développement durable » |
Total |
+ 270,2 millions d'euros |
Source : Bleu budgétaire
Votre rapporteur pour avis s'est efforcé de mesurer approximativement, au vu de ces éléments, le coût total de la politique de sécurité sanitaire. Il aboutit au résultat présenté dans le tableau suivant :
EVALUATION DU COÛT TOTAL DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
Crédits (en millions d'euros) |
Pourcentage des crédits de la politique de sécurité sanitaire |
|
Crédits de la mission |
641,9 |
56,8 % |
Fonds de concours |
218,8 |
19,3 % |
Crédits inscrits à d'autres missions |
270,2 |
23,9 % |
Total |
1 130,9 |
100,0 % |
Source : Bleu budgétaire
Ces chiffres amènent votre rapporteur pour avis à formuler deux observations.
En premier lieu, si l'on prend en compte les fonds de concours et les transferts budgétaires en provenance d'autres missions, on observe un net rééquilibrage entre :
- les aspects dont est responsable le ministère de la santé, pour près de 42 % des crédits totaux de la politique de sécurité sanitaire, soit 474 millions d'euros ;
- et ceux dont est chargé le ministère de l'agriculture, pour 58 % des crédits totaux, soit 656,9 millions d'euros.
En second lieu, il apparaît clairement que les crédits inscrits dans la mission « Sécurité sanitaire » représentent tout juste un peu plus de la moitié du coût réel de la politique de sécurité sanitaire.
Naturellement, l'existence de fonds de concours peut se justifier. Il ne paraît pas choquant que l'assurance-maladie participe à la prévention de la grippe aviaire, dans la mesure où cette action doit lui permettre d'éviter des dépenses futures. Toutefois, votre rapporteur pour avis estime que l'importance des fonds de concours dans cette mission dépasse les proportions que la LOLF pourrait permettre d'attendre.
Les objectifs de la LOLF, c'est-à-dire une présentation sincère et lisible du budget permettant de mesurer la réalité et l'efficacité de la dépense publique, ne sont donc pas pleinement atteints . Votre commission doit faire part de sa préoccupation devant cette situation. Elle souhaite donc que le Gouvernement s'engage devant votre Haute Assemblée à améliorer en 2006 le regroupement au sein de la mission « Sécurité sanitaire » des crédits qui concourent à cette politique.
3. La place importante des opérateurs de la mission
Le pilotage de la mission « Sécurité sanitaire » est confiée à deux directions d'administration centrale, la Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la Santé et la Direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture et de la pêche (MAP).
L'exécution de cette mission repose toutefois en partie sur l'action d'opérateurs autonomes. Ceux-ci sont des établissements publics de l'Etat. On en dénombre sept dans le cadre de cette mission :
- l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ;
- l'Institut de veille sanitaire (InVS) ;
- l'Agence de la biomédecine (ABM), qui s'est substitué en 2005 à l'Etablissement fraçais des greffes ;
- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ;
- l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail (AFSSET) 3 ( * ) ;
- l'Etablissement français du sang (EFS) ;
- l'Institut national de la transfusion sanguine (INTS) ;
L'AFSSA est le seul des ces opérateurs à contribuer à l'exécution des deux programmes de la mission, les autres n'étant concernés que par le programme « Veille et sécurité sanitaire ».
Votre rapporteur pour avis prend acte des éléments d'information fournis sur ces opérateurs dans le bleu budgétaire. Il redoute toutefois que le contrôle de la réalité et de l'efficacité de la dépense publique soit plus difficile dès lors que celle-ci se décline dans des structures multiples non coordonnées.
Il se félicite, de ce point de vue, de la conclusion annoncée pour 2006 d'un contrat d'objectif et de moyens (COM) entre l'Etat et l'AFSSA, celui-ci devant permettre de renforcer les éléments d'information sur l'action de l'Agence.
* 2 Cf. infra II, A, 2°.
* 3 Il convient de rappeler que l'AFSSE a été transformée en AFSSET, pour inclure la dimension de santé au travail, par l'ordonnance n° 2005-1087 du 1 er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire.