B. LA SÉCURISATION DES REVENUS AGRICOLES

1. L'amélioration de la compétitivité du secteur agricole par le biais de la modernisation du statut de la coopération

L'article 16 du présent projet de loi prévoit la modernisation du statut de la coopération agricole.

Le statut coopératif n'a guère évolué depuis cinquante ans et demeure tributaire de principes tels que l'agrément administratif préalable, la territorialité, l'exclusivisme, l'attribution d'une voix par adhérent, le plafonnement de la rémunération du capital, le non-partage des réserves statutairement incessibles, ou l'impossibilité de faire appel public à l'épargne. Néanmoins, la coopération agricole n'est pas seulement le creuset de valeurs et peut être considérée comme un atout essentiel de l'agriculture française et une solution économique efficace et pérenne, pour autant que certaines de ses caractéristiques soient modernisées , en particulier sur les plans statutaire, financier et fiscal.

Votre rapporteur pour avis approuve pleinement les dispositions de l'article 16 du présent projet de loi, qui contribuent à moderniser le fonctionnement des coopératives agricoles par une meilleure optimisation de la gestion du capital social, ainsi que par une incitation des adhérents à renforcer les fonds propres de leur coopérative et à participer au développement de ses filiales sans pour autant recourir à une augmentation de capital. Certaines de ces dispositions tendent à s'inspirer de mécanismes en vigueur depuis longtemps dans les sociétés commerciales. Ces innovations sont de nature à renforcer l'efficacité économique des coopératives, sans pour autant les « banaliser » ni les dénaturer , car elles ne dérogent pas aux principes coopératifs.

La nouvelle possibilité dont dispose l'assemblée générale d'affecter les dividendes de filiales aux parts sociales à avantages particuliers est particulièrement utile, en ce qu'elle permet de donner à une coopérative ou à une union les moyens de sa stratégie sectorielle , en mettant l'accent sur certaines activités logées dans des filiales, dont les dividendes seraient versés par priorité à certains associés.

En outre, la création du Haut conseil de la coopération agricole permettra de disposer d'un organisme aux pouvoirs étendus.

2. Le développement des outils de gestion des risques et des aléas en agriculture

a) Encourager le développement de l'assurance agricole

L'assurance agricole couvre quatre secteurs principaux :

- l'assurance multi-risques agricole (606 millions d'euros de primes nettes en 2003) , obligatoire, laquelle couvre notamment les bâtiments, l'assurance de responsabilité civile, les incendies, mais pas les matériels roulants ;

- l'assurance sur les matériels roulants (tracteurs,...), également généralisée, laquelle a représenté 272 millions d'euros de primes nettes en 2003 ;

- l'assurance de mortalité des animaux (19 millions d'euros de primes nettes en 2003), de fait limitée aujourd'hui aux seuls animaux de valeur ;

- l'assurance récolte (203 millions d'euros de primes nettes en 2003), directement concernée par les dispositions du présent projet de loi.

Votre rapporteur pour avis rappelle en outre que les aléas climatiques ne constituent qu'une des parties des risques auxquels sont exposés les récoltes : les risques sanitaires et les risques de prix inhérents aux marchés agricoles , du reste en partie interdépendants avec les risques climatiques, représentent d'autres aléas , mais dont la couverture obéit à des modalités différentes de celles de l'assurance récolte destinée à faire face aux seuls risques climatiques.

Dans un contexte d'essor de l'assurance récolte face à une augmentation des risques , les articles 18 et 19 du présent projet de loi visent à permettre une réorientation du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), dont la mission historique était que la collectivité nationale prenne en charge les calamités agricoles au titre de la solidarité nationale, vers un nouveau partage des responsabilités entre les exploitants agricoles, les entreprises d'assurance et l'Etat .

Il s'agit en effet de répondre aux spécificités de l'assurance récolte : le risque de survenance des aléas est si élevé que le niveau des primes et cotisations d'assurance s'avérerait dissuasif pour une partie des exploitants, déjà confrontés à un niveau élevé de charges, en l'absence soit d'une incitation par l'Etat en phase initiale de développement de l'assurance agricole , soit d'une aide de la collectivité nationale en cas de calamité agricole.

Traditionnellement, l'assurance agricole est développée presque exclusivement contre les risques liés à la grêle et à la tempête (ainsi qu'au gel pour les exploitations viticoles), alors que les autres risques (sécheresse, inondations, échaudage, vents de sable...) soit relèvent des calamités agricoles et la solidarité nationale, soit sont pris en charge par les exploitants eux-mêmes.

L'indemnisation des dommages causés par les aléas climatiques aux exploitations agricoles est estimée à un coût annuel moyen de 401 millions d'euros , répartis entre les exploitants à hauteur de 309 millions d'euros (dont 219 millions d'euros de primes d'assurance et 90 millions d'euros de contributions), et l'Etat à hauteur de 92 millions d'euros (dont 82 millions d'euros de versements au FNGCA et 10 millions d'euros d'aide à l'assurance). Les contrats d'assurance récolte couvrent environ 300.000 exploitations.

La notion de calamité agricole signifie un niveau de pertes tel que les ressources propres de l'exploitation s'avèrent insuffisantes : le montant du sinistre doit représenter au moins 27 % de la valeur de la production et 14 % du chiffre d'affaires total de l'exploitation. En pratique, le niveau de ces seuils a pour conséquence que le dispositif d'indemnisation bénéficie principalement aux exploitations dont la valeur des récoltes subit de très fortes variations annuelles, et pratiquement pas aux éleveurs.

Dans un rapport remis au Premier ministre le 18 février 2004, notre collègue député Christian Ménard a ainsi proposé que le FNGCA ait essentiellement pour mission d'assurer la généralisation d'une assurance multi-risques couvrant l'ensemble des produits, afin d'encourager la mutualisation.

Dans ce contexte, la prise en charge par le FNGCA d'une partie des primes et cotisations d'assurance répond à une réorientation du fonds dans le cadre de l' essor d'une nouvelle assurance multi-risques climatiques conforme aux propositions de notre collègue député Christian Ménard. Cette prise en charge est apportée par l'Etat en contrepartie d'une extension des risques couverts : au moins quatre risques (grêle, sécheresse, inondations et gel) doivent être inclus , alors que les contrats actuels ne concernent généralement, parmi ces risques, que ceux liés à la grêle.

L'article 18 du présent projet de loi crée le cadre nécessaire à cette évolution en modifiant les missions du FNGCA , telles qu'elles doivent figurer aux articles L. 361-1 et suivants du code rural, et en créant une section spécifique en recettes et en dépenses au sein du FNGCA : cette section serait alimentée par la subvention de l'Etat à la prise en charge partielle des primes et cotisations d'assurance (à hauteur de 35 %, le taux étant majoré à 40 % pour les jeunes agriculteurs), pour un coût estimé à 10 millions d'euros en 2005 (20 millions d'euros en 2006, 30 millions d'euros en 2007). Toutefois, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005 devraient s'avérer deux fois inférieurs aux besoins de financement prévisionnels pour l'année 2005, soit 20 millions d'euros.

L'article 19 du présent projet de loi tend à requalifier la Commission nationale des calamités agricoles en « Comité national de l'assurance en agriculture », conformément à la réorientation de l'activité du FNGCA vers l'encouragement à l'essor de l'assurance agricole. Un amendement vous sera proposé afin de clarifier, au niveau législatif, les missions exactes que doit exercer le nouveau comité.

Si 55.000 contrats ont d'ores et déjà été souscrits dans le cadre de la prise en charge par l'Etat d'une partie des primes et cotisations d'assurance, près d'un tiers des exploitants ne bénéficieraient pas d'assurance récolte (hors élevage et assurance fourrage) .

Les perspectives actuelles de mises en place de contrats d'assurance fourrages à destination des éleveurs constitueraient un levier puissant pour une généralisation de l'assurance agricole. A cet égard, le développement de tels dispositifs dans d'autres pays industrialisés - comme le Canada - pourrait avoir valeur d'exemple.

Votre rapporteur pour avis rappelle toutefois que l'encouragement à l'essor de l'assurance récolte ne constitue qu'un des instruments d'une politique plus large , à la mise en oeuvre de laquelle participe également la déduction pour aléas (DPA).

D'autre part, il conviendra d'assurer un partage clair entre l'assurance récolte et l'indemnisation au titre des calamités agricoles .

b) Améliorer les conditions d'utilisation de la déduction pour aléas (DPA)

La déduction pour aléas (DPA) est un mécanisme de déduction fiscale applicable aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition introduit par la loi de finances initiale pour 2002 6 ( * ) qui constitue un mécanisme d'épargne défiscalisée ayant pour but de favoriser la constitution d'une véritable épargne professionnelle de précaution afin d'aider les exploitants agricoles à faire face à des investissements futurs ou à des aléas d'ordre climatique, sanitaire, économique ou familial affectant la conduite de l'exploitation.

Au moment de sa création, le mécanisme de déduction pour aléas devait pouvoir concerner un potentiel de 250.000 exploitations imposées d'après le bénéfice réel. Aujourd'hui, si plusieurs centaines d'exploitants ont recours à cet outil fiscal, le chiffre initialement avancé n'a pas été atteint en raison, notamment, de l'absence de généralisation de produits d'assurance récolte satisfaisants.

L'article 20 du présent projet de loi constitue une nouvelle avancée s'agissant des conditions d'utilisation de la déduction pour aléas puisqu'il permet, d'une part, d'élargir les conditions d'utilisation de la DPA, d'autre part, de renforcer la spécificité du recours à la DPA.

Il propose en effet de permettre à l'exploitant ayant pratiqué une DPA d'utiliser les sommes déposées sur le compte au cours des sept exercices suivant celui de leur versement pour le règlement de primes et cotisations d'assurance de dommages aux biens ou pour perte d'exploitation .

Dès lors l'exploitant ne sera plus obligé d'utiliser les sommes défiscalisées, versées sur un compte spécialement ouvert à cet effet, uniquement lors de la survenance d'un aléa mais pourra y recourir pour le paiement de primes et cotisations occasionnées par la souscription d'une assurance récolte.

En outre, en permettant à l'exploitant agricole de pratiquer un complément de déduction pour aléas, lorsque la limite maximale du plafond global commun a été atteinte, l'Assemblée nationale est allée dans le sens d'un renforcement de la spécificité de la DPA et d'une plus grande attractivité de ce dispositif fiscal destiné à inciter les exploitants à s'assurer.

Votre rapporteur pour avis souhaite ici rappeler que le mécanisme fiscal de déduction pour aléas ne constitue qu'un des outils d'une politique plus globale de gestion des risques et des aléas en agriculture.

* 6 Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001.

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