b) Un enjeu particulier : la mobilité des agents publics au sein de l'Union européenne
En vertu du principe de libre circulation des travailleurs dans les Etats membres de l'Union européenne (article 39 du Traité instituant la Communauté européenne), une large ouverture de la fonction publique française doit être opérée afin de permettre aux ressortissants communautaires d'accéder aux emplois publics. Elle s'étend également aux ressortissants des Etats parties à l'Espace économique européen.
Si l'article 39-4 du traité exclut toutefois du champ de la libre circulation les « emplois dans l'administration publique », la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que cette exception s'appliquait uniquement pour les « emplois qui comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ou des autres collectivités territoriales . » De plus, la Cour a ensuite poursuivi l'ouverture des emplois publics de chaque Etat aux ressortissants communautaires en décidant que le refus d'accès d'un emploi nécessitait que les prérogatives de puissance publique qu'il comporte soient exercées effectivement, de façon habituelle et n'occupant pas une place réduite parmi les activités le constituant. Cette jurisprudence est renforcée par la politique de la Commission européenne qui, dans une communication du 13 décembre 2002, affirme l'exigence d'ouverture de secteurs régaliens et des concours administratifs dès lors que la totalité des postes à pourvoir ne doivent pas être réservés à des nationaux.
Du fait de cette jurisprudence, les Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'Espace économique européen sont amenés à ouvrir de plus en plus leurs emplois publics à l'ensemble des ressortissants communautaires. Ainsi en fut-il pour de nombreux corps de la fonction publique française depuis l'adoption de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 qui a posé le principe de l'accès aux emplois publics des ressortissants communautaires à l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. De nombreux décrets ont depuis ouverts certains corps et cadres d'emplois de la fonction publique aux ressortissants communautaires (par exemple le décret n° 2003-20 du 6 janvier 2003 ouvrant l'accès à plus de 150 corps de fonctionnaires de catégorie, B, C ou emplois assimilables à la catégorie B, d'administration centrale, des services déconcentrés et d'établissements publics).
Certains textes réglementaires ont également élargi le champ des emplois ouverts en fixant les dispositions relatives à la situation et aux modalités de classement des ressortissants communautaires nommés dans un corps de fonctionnaires de l'Etat (décret n° 2002-1294 du 24 octobre 2002) ou de la fonction publique hospitalière (décret n° 2004-448 du 24 mai 2004), ou encore dans un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale (décret n° 2003-673 du 22 juillet 2003). Ceux-ci sont régis par les dispositions statutaires du corps ou du cadre d'emploi qu'ils intègrent, identiques à celles applicables aux fonctionnaires français. Toutefois, leur avancement de grade, leur promotion de corps ou de cadre d'emploi ou leur nomination dans un emploi est subordonné au fait qu'ils ne peuvent occuper un poste dans lequel les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Un arrêté du 14 juin 2004 prévoit la mise en place d'une commission d'équivalence qui doit systématiquement être consultée pour la détermination du classement du candidat dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil.
Les fonctionnaires d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen peuvent intégrer un corps de la fonction publique française par la voie du détachement, dont les modalités sont fixées par les décrets n°s 2002-759 du 2 mai 2002 (fonction publique de l'Etat), 2003-672 du 22 juillet 2003 (fonction publique territoriale) et 2004-449 du 4 mai 2004 (fonction publique hospitalière).
Le dispositif prévoit que le détachement ne peut excéder cinq ans et que l'expérience antérieure des fonctionnaires dans d'autres fonctions publiques en Europe doit être prise en compte pour la détermination de l'emploi auxquels ils seront affectés.
S'agissant des fonctionnaires français , ils peuvent également être détachés au sein de l'administration d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'Espace économique européen (article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat). Pendant cette période, ils sont régis par les règles applicables à l'emploi de l'administration qui les accueille. Une convention est passée entre l'administration d'origine et l'administration d'accueil définissant la nature et le niveau des activités confiées au fonctionnaire, ses conditions d'emploi et de rémunération ainsi que les modalités du contrôle et de l'évaluation desdites activités.
En outre, un dispositif de reconnaissance des diplômes a été instauré entre les Etats membres de l'Union européenne et parties à l'Espace économique européen. Il favorise également la mobilité des ressortissants communautaires, notamment au sein des différentes administrations étatiques.
Les écoles d'administration en France s'ouvrent aussi aux ressortissants communautaires . Ainsi, depuis le concours d'entrée organisé en 2004, les ressortissants communautaires peuvent intégrer l'ENA.
Actuellement, plus de 80 % de la fonction publique française est ouverte aux ressortissants de l'Union européenne. Pourtant, la mobilité des fonctionnaires en Europe demeurent soumise à de nombreuses difficultés et le nombre de ressortissants ayant franchi le pas est assez limité .
En effet, il semblerait que les modalités de détachement s'avèrent parfois complexes, par exemple en ce qui concerne le versement des cotisations à la sécurité sociale ou à un régime de retraite, et que certains fonctionnaires ayant fait le choix d'une mobilité en Europe se soient par la suite retrouvés lésés dans l'évolution de leurs carrières.
L'importance de ce sujet mériterait qu'une étude plus approfondie soit menée. En effet, alors que la mobilité en Europe des fonctionnaires français ne semble pas encore sufisamment développée et favorisée, votre commission estime au contraire qu'elle devrait être encouragée et facilitée.
Plus généralement, votre commission considère que d'importants enjeux pour l'avenir de la fonction publique sont directement issus de l'application du droit communautaire, qui pourrait notamment avoir des incidences importantes sur l'évolution des règles applicables pour le recours aux contractuels au sein de la fonction publique. Un rapport sur « l'adaptation de la fonction publique française au droit communautaire » a d'ailleurs été remis en avril 2003 au ministre chargé de la fonction publique par M. Jean-Michel Lemoyne de Forges.