B. LE DÉFI DE LA MONDIALISATION : UNE EXIGENCE CONSTRUCTIVE
En réalité, le défi de la mondialisation révèle cruellement les faiblesses de notre système d'enseignement supérieur.
Les établissements doivent non seulement « faire face » mais aussi être attractifs, à la fois pour les étudiants et pour les enseignants-chercheurs, car les meilleures universités mondiales attirent les meilleurs.
Un récent arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE - 13 novembre 2003, Valentina Neri ) rend encore plus concrète la réalité de cette concurrence, en mettant en cause les monopoles nationaux de la collation des grades par les universités de chaque Etat membre, au nom du principe de la liberté d'établissement.
Cette prise de conscience a suscité une vague de réformes dans de nombreux pays. En France, beaucoup d'observateurs la voient se teinter de frilosité et de corporatisme, au risque d'amplifier le décalage. L'immobilisme n'est cependant pas de mise et l'évolution, même à pas comptés, est en route.
1. La situation dans quelques pays étrangers
Les réformes entreprises à l'étranger vont dans le sens d'un accroissement des moyens et de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur.
Si toutes présentent bien entendu des avancées et des limites, il est intéressant d'en étudier brièvement quelques exemples. L'an dernier, votre rapporteur avait cité les exemples italien et canadien ; dans le présent rapport, il évoquera la situation en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Chine.
a) L'Allemagne
Les réformes lancées depuis 1998 ont nettement accru l'autonomie des établissements, ainsi que l'a constaté la délégation de votre commission qui s'est rendue en mission à Berlin en décembre dernier 4 ( * ) . La structure fédérale du pays a facilité les expérimentations locales, les plus réussies pouvant servir d'exemples.
Cependant, d'après M. René Lasserre, professeur des universités, directeur du Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (CIRAC) et président de l'université de Cergy-Pontoise 5 ( * ) : « les modes de gestion, bridés par la rigidité du statut et le poids des habitudes, ont peu évolué. Surtout, le changement est puissamment freiné par la stagnation, voire la baisse des moyens, due aux difficultés budgétaires. »
Les réformes mises en oeuvre par de nombreux Länder ont porté à la fois sur les structures et les modalités de gouvernance des établissements et sur la reconnaissance d'une autonomie plus poussée pour définir leur politique de développement. C'est ainsi que la Bavière, le Bade-Wurtemberg et la Hesse ont mis en place dans les universités un conseil d'orientation et de pilotage, composé de personnalités extérieures qualifiées, qui est consulté sur les choix stratégiques de l'établissement.
Les établissements ont été appelés à présenter des « schémas de développement » explicitant leurs priorités stratégiques, qui constituent la base de « contrats d'objectifs » passés avec les gouvernements des Länder .
L'autonomie de gestion a cependant été le plus souvent fortement tempérée par une tutelle financière rigoureuse et elle s'est accompagnée d'une stagnation ou d'une réduction des moyens financiers et des emplois.
D'après le professeur Lasserre, les communautés universitaires auraient vécu avec « scepticisme et résignation cette modernisation à moyens constants, imposée d'en haut » et les anciens modes de gestion et de régulation n'auraient que peu évolué.
Depuis mars 2002 , le gouvernement fédéral a décidé d'introduire de nouvelles réformes concernant le statut et la rémunération des professeurs.
Il a décidé de différencier le statut des professeurs et de créer une nouvelle catégorie, afin d'offrir une voie de promotion rapide à de jeunes docteurs talentueux. Il s'agit des « professeurs juniors » recrutés sur une base contractuelle temporaire pour une période de six ans et intégrables ultérieurement dans le corps des professeurs, sans passer par la procédure de l'habilitation. Depuis deux ans, 800 candidatures ont été approuvées et 350 postes pourvus. A l'horizon 2010, le recrutement comme professeur junior devrait devenir la voie normale d'accès au corps des professeurs d'université.
Par ailleurs, la refonte des grilles de rémunération des professeurs et l'introduction d'une rémunération à la performance devraient entrer en vigueur d'ici à la fin de cette année. Les nouveaux professeurs recrutés évolueront désormais sur une grille comportant trois traitements de base (3 260 euros, 3 724 euros et 4 522 euros), auxquels viendra s'ajouter une rémunération complémentaire pouvant aller jusqu'à 25 % de la base, en fonction des responsabilités exercées et de certains critères de performance dans l'exercice des fonctions statutaires (enseignement, recherche, encadrement d'étudiants). Cette réforme doit s'opérer à moyens constants. Sa mise en oeuvre incombe aux Länder .
La dernière évolution réglementaire en discussion -qui suscite un débat public virulent- est celle de l'introduction, au-delà de frais normaux d'inscription, de droits universitaires . La règle est, pour l'instant, l'interdiction de droits universitaires pour le premier cycle d'études, mais divers Länder ont introduit des droits en cas de dépassement de la durée normale pour l'obtention d'un diplôme de fin d'études.
En définitive, et en l'état actuel, M. Lasserre qualifie cette réforme de « modernisation défensive ». Selon lui, « cette démarche de modernisation à moyens et à cadre statutaire constants, et qui installe l'université dans un sous-financement chronique, n'a pas permis au système d'enseignement supérieur et de recherche de maintenir son niveau de performance relative face à une compétition scientifique internationale accrue.
L'exemple allemand montre que la volonté de réforme, l'aménagement des structures et la recherche d'optimisation dans l'allocation des moyens ne suffisent pas à préserver nos systèmes universitaires du décrochage international. Il y faut une autre approche, beaucoup plus offensive, qui substitue à la régulation des moyens une logique de financement fondée sur l'investissement à long terme, et qui, dépassant les rigidités statutaires, s'efforce de faire prévaloir un management des ressources humaines fondé sur la flexibilité des conditions de recrutement et d'emploi, l'évaluation et la reconnaissance des performances . »
b) La Grande-Bretagne
Les universités britanniques peuvent sélectionner leurs étudiants à l'entrée et ces derniers sont libres de choisir leur université. Les taux d'abandon en cours de licence sont peu élevés, en raison à la fois de cette sélectivité initiale mais aussi de l'organisation du système secondaire.
Le système universitaire britannique a, lui aussi, connu une expansion très rapide au cours des vingt dernières années (près de la moitié d'une classe d'âge va à l'université), mais Mme Cécile Deer (du Balliol College d'Oxford) qualifie de « très relative » sa démocratisation 6 ( * ) .
Une loi récente vient d'autoriser les universités à faire payer aux étudiants de premier cycle, à compter de 2006, des frais de scolarité qui pourront aller de 1 150 à 3 000 livres (soit 4 500 euros maximum) par an, en fonction des revenus parentaux. Parallèlement, les bourses d'études pourront atteindre 2 700 livres, en fonction des mêmes revenus.
Pour Mme Deer, « en portant la limite supérieure à 4 500 euros par an, et surtout en laissant à chaque université la possibilité de fixer elle-même le montant de ces frais, les nouvelles mesures vont accentuer la concurrence entre établissements, et permettre aux meilleurs d'accroître leur avance en augmentant leurs ressources. » Et de s'interroger : Cette logique de marché -qui s'accompagne d'une extension des systèmes de bourses et de prêts pour maintenir une certaine équité dans l'accès aux études supérieures- préfigure-t-elle l'évolution à venir dans les pays d'Europe continentale ? ».
c) La Chine
Autre continent, mêmes tendances : la Chine connaît des transformations majeures, avec la libéralisation du secteur de l'enseignement supérieur depuis 25 ans, son ouverture au marché universitaire mondial, son immense effort de recherche scientifique, une sélectivité extrême des efforts publics, une compétition entre les universités...
Comme dans le reste du monde, la tendance est à la massification. On comptait, fin 2002, plus de 2 000 établissements d'enseignement supérieur, accueillant 19 millions d'étudiants, soit 17 % des tranches d'âge concernées.
La Chine consacre d'énormes efforts pour promouvoir quelques universités d'excellence . Celles-ci misent sans complexe sur l'ouverture à l'international et la coopération avec des entreprises multinationales et elles affirment leur ambition de rivaliser avec les meilleures universités mondiales.
Cette entrée de la Chine sur ce qui est devenu le « marché international de l'enseignement supérieur » doit retenir toute l'attention de l'Union européenne et votre rapporteur se félicite qu'une prochaine mission d'information de votre commission dans ce pays permette de mieux prendre la mesure de ces évolutions majeures.
2. La France : vers une réforme à pas comptés ?
Notre pays ne peut bien entendu se désintéresser des ambitions réformatrices de ses voisins et/ou partenaires, tout en sachant qu'aucun prétendu « modèle » ne saurait s'imposer à tous. Ceci d'autant plus que les freins et handicaps de notre système ne sont plus à démontrer.
Pour Mme Nicole Le Querler, présidente de l'université de Caen Basse-Normandie, présidente du Pôle universitaire normand, « certains problèmes viennent des universités elles-mêmes ; d'autres sont dus aux dispositions réglementaires qui les régissent ; d'autres enfin sont générés par la lourdeur des relations avec les multiples structures ministérielles. » Elle a exposé, dans un article 7 ( * ) de la revue Sociétal précitée, les difficultés auxquelles elle se trouve ainsi confrontée dans l'exercice de son métier.
Et l'on comprend à cette lecture qu'une majorité de présidents d'université attendent avec impatience une réforme, dont la nécessité est également perçue par de nombreux étudiants conscients des enjeux de long terme. Votre rapporteur a rencontré des représentants des uns et des autres, et il en conclut que le statu quo serait de nature à ne satisfaire personne et risquerait de sacrifier l'intérêt général de notre pays.
Le Gouvernement semble déterminé à franchir quelques pas, dont votre rapporteur souhaite qu'ils ne soient pas trop timides, dans le sens d'une réforme du système d'enseignement supérieur et de recherche. Votre commission demandera au ministre de préciser les grands axes du projet de loi qu'il envisage de soumettre à l'examen du Parlement l'an prochain.
a) Autonomie et gouvernance
Ainsi qu'il a été dit précédemment, les réformes engagées à l'étranger vont dans le sens d'un accroissement de l'autonomie des établissements.
En France, ce sujet avait été évoqué au colloque organisé à la Sorbonne par la Conférence des présidents d'université le 9 octobre 2003. Il a, depuis cette date, été l'objet de nombreuses réflexions complémentaires et a fait couler beaucoup d'encre.
Il recouvre plusieurs sujets majeurs :
- la globalisation du budget , qui devrait permettre à chaque établissement de mieux maîtriser ses moyens. La mise en oeuvre de la LOLF au niveau des établissements facilitera cette évolution, dans le cadre de la règle de la fongibilité asymétrique du budget, qui donne la possibilité de répartir le montant des crédits entre les différents postes budgétaires, tout en respectant la limite fixée au niveau national pour l'enveloppe consacrée aux emplois et rémunérations ;
- la dévolution du patrimoine immobilier , ainsi que l'avait proposé -à titre expérimental- votre commission dans son rapport d'information sur l'immobilier universitaire 8 ( * ) ;
- la question de la gestion des personnels . En effet, une gestion plus décentralisée des ressources humaines serait plus efficace, quand on sait qu'en raison de la lourdeur des processus actuels, le remplacement d'un enseignant-chercheur empêché brutalement et définitivement d'occuper son poste prend une année...En outre, le besoin se fait sentir d'une meilleure adaptation des recrutements aux besoins réels exprimés par les universités pour les différentes catégories d'emplois. Ceci permettrait, en particulier, de renforcer l'encadrement administratif , notoirement insuffisant dans les établissements, et donc de conforter les compétences d'expertise en matière de gestion financière, de gestion des ressources humaines, d'informatique, etc. Cette situation est régulièrement dénoncée par le Conseil national d'évaluation (CNE), qui demande aux universités de « pyramider » leurs services en veillant à rattraper ce déficit souvent alarmant de cadres.
La gouvernance et les moyens de son amélioration continuent parallèlement à être objet de débat. Plusieurs mesures sont évoquées, qu'il s'agisse de la constitution d'équipes engagées autour du président de l'université, du recentrage du conseil d'administration sur les décisions stratégiques et sur son rôle de contrôle de la direction, de la généralisation d'une vice-présidence étudiante ou de la mise en place d'un conseil d'orientation stratégique, composé de personnalités qualifiées, extérieures à l'établissement, pouvant émettre des avis sur sa politique générale et sur son projet.
En outre, la question de la clarification de la place des différentes composantes de l'université (conseil scientifique, équipes de recherche, écoles doctorales..., -et de leurs directeurs- a été soulevée par l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), dans son rapport annuel pour 2003. Elle avait d'ailleurs déjà été posée par le CNE, en 2002, dans son rapport au Président de la République 9 ( * ) .
Quelques mesures récentes de simplification méritent d'être relevées :
- l'allègement et la rationalisation du pilotage de l'enseignement supérieur : il s'agit de permettre aux universités d'organiser elles-mêmes leurs unités de formation et de recherche (UFR), d'élever au niveau du conseil d'administration des questions traitées par le comité technique paritaire et d'harmoniser la durée des mandats ; par ailleurs, un administrateur provisoire pourrait être nommé en cas de vacance des fonctions du président et la création de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) serait possible pour tous les établissements. Ces mesures devraient être mises en oeuvre en 2005 ;
- la réorganisation de l'administration centrale, qui résulte des choix opérés dans le cadre de l'application de la LOLF, devrait renforcer l'efficacité du système en recentrant le ministère sur ses missions de pilotage.
Le Sénat a constitué un groupe de réflexion sur l'avenir de la recherche en France , commun aux trois commissions parlementaires compétentes pour le secteur de la recherche, qui a remis ses conclusions et propositions aux ministres compétents. Parmi celles-ci, figurent l'accroissement de l'autonomie des universités, une amélioration des modes de gouvernance (renouvellement du mandat du président, composition du conseil d'administration, ouverture plus grande sur l'environnement socio-économique...) et l'adoption du budget global.
Votre commission souhaite connaître les suites que le Gouvernement entend donner à ces propositions.
Un renforcement de l'autonomie ne signifierait pas un désengagement ou un désintérêt de l'Etat quant aux choix, à la gestion et à la stratégie des établissements en matière de formation et de recherche. Il va bien entendu de pair avec une évaluation accrue.
b) L'évaluation et la contractualisation
Ainsi que votre rapporteur l'avait souligné l'an dernier, la culture de la responsabilité et de l'évaluation doit encore se développer dans le monde de l'enseignement supérieur. Elle devrait concerner à la fois les établissements, les enseignements et les enseignants.
(1) L'évaluation des programmes de recherche et des enseignants-chercheurs
Votre commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur les préconisations formulées par le groupe de réflexion du Sénat précité dans ce domaine , et qui sont rappelées ci-dessous.
Les méthodes d'évaluation doivent davantage s'inspirer des exemples étrangers et se fonder sur une expertise indépendante.
A cet égard, il conviendrait en particulier de mettre en oeuvre :
- une réforme du CONRS (Comité national de la recherche scientifique) (en effet, il n'appartient pas aux organisations syndicales d'évaluer les résultats de la recherche) ;
- l'évaluation par les pairs, intégrant plus largement des scientifiques étrangers ;
- des critères diversifiés d'évaluation en prenant en compte, en particulier, les différentes activités : recherche, enseignement, etc. ; s'agissant des enseignants-chercheurs, il serait utile d'introduire un système d'évaluation par les étudiants ainsi qu'une évaluation de l'encadrement des doctorants ;
- une évaluation individuelle, articulée avec celle de l'équipe ou du laboratoire ;
- une traduction concrète des évaluations des personnes et des programmes : introduire des primes au projet, à l'équipe et/ou à la personne concernée, en conjuguant statut et primes incitatives ; savoir réorienter ou arrêter un projet.
Il pourra être nécessaire de distinguer différents niveaux d'évaluation :
- un niveau européen, très largement ouvert sur la communauté scientifique internationale ;
- un niveau national, permettant de définir des axes prioritaires et de juger des résultats obtenus (Conseil national d'évaluation et de programmation) ;
- un niveau infranational de coordination/partenariat entre les différents organismes de recherche, et entre ces organismes et les universités ;
- un niveau régional d'évaluation des projets des équipes par les organismes ou les universités.
(2) L'évaluation des établissements
Il faut noter que, face aux exigences accrues de l'évaluation, le Conseil national d'évaluation s'est lui-même engagé dans une double démarche, qui associe une redéfinition de ses protocoles d'évaluation et une nouvelle organisation de ses propres procédures d'assurance qualité interne. Il s'agit à la fois de solliciter davantage la pratique de l'autoévaluation par les établissements, de réduire les délais de réalisation des évaluations, de leur donner une meilleure lisibilité et de systématiser le suivi des recommandations du conseil. Ce dernier estime que le rythme souhaitable des évaluations serait de six ans.
La politique publique de contractualisation, qui va « fêter » son vingtième anniversaire, a fait l'objet de récents travaux du Commissariat général au plan. Le rapport 10 ( * ) d'un groupe travail, présidé par M. Armand Frémont, a établi un bilan de cette politique et émis d'intéressantes propositions.
La pratique des contrats quadriennaux entre l'Etat tutélaire et les universités peut-être qualifiée de réussite et des résultats tangibles ont été obtenus du fait de la contractualisation : une meilleure structuration de la recherche universitaire et l'élaboration de politiques scientifiques d'établissement, le développement des formations professionnelles, l'amélioration de la situation des bibliothèques, de l'orientation, de la vie étudiante, de l'action culturelle et le développement des relations internationales.
La contractualisation est essentielle et consacre l'implication de tous les partenaires, en clarifiant et en coordonnant leurs actions respectives et en concrétisant la validation d'un projet. Elle permet également de lancer une dynamique interne aux établissements et constitue un bon outil de discussion et de régulation des financements entre les universités et leur tutelle.
Le rapport relève cependant que seulement 20 % des ressources sont allouées aux universités et gérées par celles-ci, 80 % restant sous la gestion directe de l'Etat, ce qui « ne donne pas aux universités une marge suffisante ».
Il souligne par ailleurs que les contrats sont juridiquement mal assurés et limités par l'annualité budgétaire. En outre, malgré l'affichage d'un contrat unique, un décalage persiste entre le volet recherche (discuté à la base jusqu'au niveau de chaque équipe) et le volet établissement (négocié avec l'équipe présidentielle).
Ni la reconnaissance ni la coordination du partenariat avec les collectivités territoriales ne sont assurées dans les contrats, dont la compréhension et la connaissance sont, de plus, insuffisantes au sein même des universités.
Enfin, l'évaluation des résultats obtenus au terme d'une période contractuelle reste trop embryonnaire.
Face à ce constat, le Commissariat général au plan émet les principales recommandations suivantes :
- les contrats devraient être plus stratégiques, appuyés sur des projets d'établissement à moyen terme et prenant en compte la programmation des formations et des emplois ;
- les contrats devraient être mieux assurés juridiquement et budgétairement, ce que la LOLF devrait permettre grâce à une programmation pluriannuelle des moyens. La part contractualisée hors recherche devrait, en outre, être relevée et représenter au moins 20 à 25 % des crédits de fonctionnement ;
- la gestion, associée à une autonomie accrue, devrait être améliorée et des indicateurs mis en place ;
- une adhésion plus large des personnels et des étudiants devrait être recherchée ;
- la contractualisation devrait reconnaître le rôle des collectivités territoriales et les contrats devraient être mieux coordonnés au plan régional ;
- une évaluation stratégique des projets d'établissement devrait être mise en oeuvre avec l'aide d'indicateurs facilitant les comparaisons internationales et les contrats devraient être mieux évalués. Il conviendrait de mieux distinguer les types d'évaluation (auto-évaluation, constat de fin de contrat, évaluation des résultats, évaluation des politiques d'établissement...) et d'en faire assurer la coordination par le Conseil national d'évaluation ;
- enfin, les contrats devraient être mieux ajustés dans leur préparation et dans leur durée, sur une période de cinq à six ans.
Sur ce dernier point, la Conférence des présidents d'université estime qu'une durée du contrat de 5 ans (au lieu de 4) serait plus opérationnelle et permettrait une application effective du contrat pendant 4 ans, à condition toutefois de contenir les périodes de préparation et d'évaluation du contrat dans de strictes limites de calendrier, car ces phases mobilisent beaucoup de compétences et d'énergie pendant une période considérée par beaucoup comme trop longue. En tout état de cause, votre rapporteur insiste sur la nécessité d'une coordination rationnelle des agendas des différents partenaires (établissements hospitaliers, etc...).
Votre rapporteur aimerait connaître la suite que le Gouvernement envisage de donner aux préconisations du rapport du Commissariat général au plan sur la politique de contractualisation.
c) Logique de site, pôles de compétitivité et place de l'enseignement supérieur dans la recherche publique
Enseignement supérieur et recherche sont naturellement consubstantiels, toute formation universitaire devant, par vocation, être « à et par la recherche ».
Depuis un an, les réflexions sur l'avenir de la recherche en France sont au coeur du débat public.
Dans ses conclusions, le groupe de réflexion du Sénat précité a dégagé les quatre principes suivants, en vue de remettre la recherche au coeur de l'évolution de notre société, de la connaissance et de notre économie :
« - s'inspirer systématiquement des exemples français et étrangers de réussite ;
- redonner de la souplesse au système français de recherche et aux carrières (recrutement, déroulement, évaluation...) ;
- diversifier les moyens de la recherche, publique et privée, afin notamment de les accroître ;
- favoriser la synergie entre les établissements d'enseignement supérieur (universités et grandes écoles), les organismes de recherche et les entreprises pour mieux assurer le continuum formation - recherche fondamentale - recherche appliquée, et aussi, bien entendu, entre recherche publique et privée ; encourager, dans cette perspective, l'expérimentation locale ou régionale. »
Le groupe de réflexion du Sénat sur l'avenir de la recherche en France estime nécessaire d'impulser progressivement une évolution de l'organisation de la recherche, en favorisant l'expérimentation . A cet égard, il a constaté qu'il existe un consensus sur la nécessité d'une réforme, mais pas sur le niveau où arrêter le curseur.
Il propose de fonder cette évolution sur les principes suivants :
« Accepter que tout l'appareil de recherche n'évolue pas à un rythme identique mais inciter l'ensemble des établissements de recherche et d'enseignement supérieur à s'intégrer au sein de réseaux de compétence afin de développer des synergies. Compte tenu de la nécessité de renforcer la visibilité internationale de notre système de recherche et d'enseignement supérieur et d'accroître son efficacité, il convient parallèlement d'encourager la constitution de pôles d'excellence, basés sur l'expérimentation. Sophia Antipolis ou Grenoble, par exemple, constituent autant de modèles d'inspiration.
Il convient de développer des expérimentations locales de coopération fortes et organisées, du type « campus de recherche ».
Les pôles d'excellence et campus de recherche devraient être les lieux privilégiés des expérimentations des établissements de recherche et d'enseignement supérieur (structures juridiques, coordination des stratégies, rémunérations, gestion harmonisée des ressources humaines et des comptabilités, assouplissements des procédures, ...).
Adopter une démarche pragmatique, qui privilégie la souplesse sous tous ses aspects : dans les relations entre établissements de recherche et établissements de l'enseignement supérieur, entre ceux-ci et les entreprises et collectivités territoriales, ainsi qu'avec les partenaires étrangers. »
Votre commission demandera au ministre de préciser sa position sur ces propositions.
De même souhaitera-t-elle connaître sa position sur les nombreuses propositions formulées par la Conférence des présidents d'université à l'occasion du colloque qu'elle a organisé à Bordeaux les 19 et 20 février dernier sur le thème de « l'avenir de la recherche publique ».
A cet égard, votre rapporteur défend tout particulièrement l'idée de l'expérimentation (sur un ou plusieurs établissements ou sites), qui rejoint d'ailleurs celles avancées par le groupe de réflexion du Sénat, et qui s'inscrit dans la démarche de mise en application de la LOLF. Il soutient, par ailleurs, la nécessité, parallèlement à la constitution de pôles d'excellence, en nombre nécessairement limité, de développer de véritables projets de sites sur l'ensemble du territoire .
Il conviendra, comme le souligne M. Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l'université Paris-Dauphine, d'« éviter l'éparpillement et la division » 11 ( * ) .
La coopération entre les universités, ainsi qu'entre celles-ci et les grandes écoles, doit être renforcée. La mutualisation des moyens doit désormais s'imposer dans de nombreux secteurs (service des relations internationales, médecine préventive pour les étudiants, etc) et , au-delà, celle -plus difficile à réaliser- de certaines ressources .
d) Le statut des enseignants-chercheurs
De nombreux observateurs jugent figé et obsolète le statut des chercheurs et des enseignants-chercheurs. C'est ainsi, que Mme Nicole Le Querler, présidente de l'université de Caen Basse-Normandie 12 ( * ) , estime que : « de nouvelles tâches sont apparues (enseignement en ligne, coordination d'équipes, suivi personnalisé des étudiants, encadrement de stages professionnels, relations avec les entreprises et les collectivités territoriales), et il est indispensable de les valoriser . D'autre part, entre la recherche, l'enseignement et les responsabilités collectives, il faudrait que chacun puisse choisir, au cours de sa carrière, des pondérations différentes qui lui permettraient de garder son dynamisme. »
Dans ce domaine, les propositions du groupe de réflexion du Sénat sont les suivantes :
Sans aller jusqu'à un statut unique de chercheur enseignant, il convient de lever les obstacles qui nuisent à la mobilité entre chercheurs et enseignants-chercheurs (par exemple, les freins opposés par les comités d'autorisation internes aux universités), et rapprocher progressivement les statuts :
- valoriser la mobilité et favoriser le retour des chercheurs expatriés ;
- développer le nombre des postes d'accueil d'enseignants-chercheurs dans les EPST et EPIC, et dans le sens inverse, les contrats d'interface permettant aux chercheurs d'enseigner ;
- mieux gérer les décharges et l'accueil des personnels des universités dans les organismes de recherche.
Encourager la mobilité entre secteurs public et privé.
Il est nécessaire de réformer en profondeur les conditions d'emploi des post-doctorants. Il s'agit en particulier :
- d'alléger les procédures de recrutement (sortir du « localisme » et du « mandarinat » ; supprimer l'obligation d'entendre tous les candidats, accueillir davantage de chercheurs étrangers etc...) ;
- de prévoir des contrats de mission avec des conditions de rémunération et de travail réellement attractives ;
- de donner un cadre juridique à l'activité de tous les jeunes chercheurs et lutter contre la pratique actuelle des libéralités ;
- d'étendre les CIFRE (conventions industrielles de formation pour la recherche) au secteur tertiaire, aux administrations et aux associations.
e) Vers quels financements à long terme ?
Pour votre rapporteur, on ne pourra longtemps faire l'économie d'une réflexion sur les moyens du financement de notre système d'enseignement supérieur sur le long terme.
Cette question s'avère d'autant plus aigue et urgente que la France, ainsi qu'il a été dit précédemment, fait figure de parent pauvre dans ce domaine, alors même que les exigences liées à la concurrence croissante des autres systèmes et aux besoins de la recherche impliqueront des ressources financières supplémentaires. Il convient d'ajouter également l'état préoccupant du patrimoine immobilier universitaire, qui nécessite une mobilisation importante de financements.
A cet égard, les exemples étrangers sont instructifs, même s'ils ne peuvent être appliqués en l'état dans un pays à la culture si différente.
Ainsi, aux Etats-Unis par exemple, les universités, qu'elles soient publiques ou privées, sont financées à la fois par les droits de scolarité, par des donations et par des subventions publiques, la proportion de ces trois sources de financement variant selon le statut de l'établissement. S'y ajoutent, les produits financiers du capital placé par les universités. Il faut préciser que toute augmentation des droits de scolarité s'accompagne d'une augmentation au moins proportionnelle du montant des bourses. Ainsi, parmi les étudiants admis à Harvard ou à Princeton, 60 % environ reçoivent une aide financière.
Votre rapporteur souhaite que le Gouvernement engage une réflexion sur ce sujet, en concertation avec les partenaires concernés. Faisant fi des tabous, les réflexions pourraient ainsi porter sur des pistes aussi variées que le recours éventuel à des fondations, la participation des entreprises -qui existe déjà par le biais de la valorisation de la recherche-, une plus grande implication des anciens élèves, voire une augmentation raisonnée des droits d'inscription (assortie bien entendu de hausses proportionnelles des bourses).
* 4 Voir le rapport : « Berlin : ambitions et incertitudes du renouveau culturel » - n° 294 (2003-2004)
* 5 Voir l'article « L'exemple allemand : une modernisation sous contraintes » - Revue Sociétal n° 44 (2 e trimestre 2004).
* 6 Voir l'article : « Tony Blair choisit le marché » dans la revue Sociétal précitée.
* 7 Voir l'article : « Présidente d'université : rude métier » dans la revue Sociétal précitée.
* 8 Rapport d'information n° 213 au nom de la commission des affaires culturelles : « Voyage au bout de l'immobilier universitaire » (2002-2003).
* 9 «Repères pour l'évaluation » - Rapport au Président de la République (2002) - CNE.
* 10 « Les universités françaises en mutation : la politique publique de contractualisation (1984-2002) » - Commissariat général au plan (février 2004).
* 11 Voir l'article paru dans le Figaro du 27 octobre 2004 : « Quatre experts donnent leurs solutions ».
* 12 Voir son article précité.