D. LES RÉFLEXIONS RELATIVES À L'ÉVOLUTION DE LA BRANCHE
1. Les réflexions relatives à la réparation intégrale du préjudice
A la suite du rapport de M. Roland Masse sur la réparation intégrale des accidents du travail et maladies professionnelles (2001), M. Michel Yahiel avait été chargé de conduire une réflexion sur les conditions de mise en place d'une réparation intégrale des risques professionnels. Il a remis son rapport à Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, en avril 2002.
En effet, compte tenu notamment du développement de systèmes de réparation de « droit commun » et de l'évolution de la jurisprudence, la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui repose sur le « compromis » d'avril 1898, mérite un réexamen approfondi.
L'évolution vers la réparation dite « intégrale » est ainsi une possibilité mise en avant par les associations de victimes. Toutefois, comme l'a souligné le rapport de M. Michel Yahiel, « la pauvreté des informations disponibles pour éclairer d'éventuelles décisions » et l'absence d'éléments d'analyse sérieux sur les incidences économiques des choix possibles « d'un point de vue général, mais aussi au regard des gains et pertes à anticiper pour les victimes » montrent « l'extrême incertitude entourant les conditions de réalisation et les conséquences de la réparation intégrale, à commencer par son coût ».
Dans son rapport, M. Michel Yahiel préconisait une méthodologie pour concevoir la réforme. Il proposait notamment :
- de confier à la CNAMTS une série d'études et de simulations économiques portant sur un certain nombre de situations concrètes afin de mesurer les enjeux financiers du passage à la réparation intégrale, ainsi que les écarts d'indemnisation moyens entre la branche AT-MP et le régime de droit commun ;
- d'examiner, sous l'égide du Haut comité médical de la sécurité sociale, les conditions dans lesquelles le barème habituellement utilisé dans le régime d'indemnisation de droit commun pourrait être appliqué, en matière de préjudice physiologique, aux accidents du travail et maladies professionnelles.
M. Yahiel proposait également de mettre en place un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la CNAMTS, qui sera chargé d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels.
Un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a donc été mis en place afin d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels.
Ce comité de pilotage qui a été conduit par M. Yahiel, puis par M. Laroque, a réalisé une première série de travaux qui ont fait l'objet d'une note d'étape au mois de juillet 2003. Ces travaux ont été complétés dans le courant du second semestre 2003. Dans le même temps, une consultation des partenaires sociaux et des associations les plus concernées a été menée par M. Laroque sur le fondement de la note d'étape. Un rapport définitif sur les enjeux et la faisabilité de la réforme a été remis au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en mars 2004.
Les études ont porté sur une comparaison entre d'une part, la réparation actuelle des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) et d'autre part, soit une réparation intégrale de tous les AT-MP, soit une réparation intégrale des seuls AT-MP avec incapacité permanente, soit une réparation intégrale des AT-MP avec une incapacité permanente supérieur ou égale à 10 %, soit une réparation intégrale des AT-MP avec une incapacité permanente supérieure ou égale à 20 %.
Les études réalisées font apparaître le coût potentiellement très important d'une réforme complète du dispositif d'indemnisation, compris entre 1 et 4 milliards d'euros.
Elles montrent également que la réforme occasionnerait dans certains cas des distorsions du droit par rapport au système actuel. Les perdants seraient les personnes plutôt âgées, à salaire relativement élevé, avec des taux d'incapacité moyens, les retraités et les ayants droit dans de nombreux cas. Les gagnants seraient des personnes jeunes avec des taux d'incapacité élevés et une incidence professionnelle importante mais aussi des personnes ayant subi des préjudices entraînant une incapacité faible ou nulle.
Une réforme de l'indemnisation devrait par ailleurs adapter les règles de mise en jeu de la responsabilité de l'employeur et redéfinir celles de la faute inexcusable.