B. LA PLACE DES REDEVANCES POUR SERVICES RENDUS DANS LA GESTION D'ADP

1. Le champ des cinq redevances réglementées

Il existe cinq redevances aéronautiques réglementées affectées à ADP. Il faut souligner que les redevances domaniales ne rentrent pas dans ce cadre, et constituent en principe des redevances pour occupation du domaine public de la société, qui s'apparentent à des loyers.

La redevance carburant est destinée à couvrir les coûts de la mise à disposition des tuyaux dans lesquels circule le kérosène et qui passent sous les pistes. Son montant est relativement faible (20 millions d'euros), et la société l'agrège dans ses résultats aux produits commerciaux.

La redevance passagers est due par les compagnies aériennes pour tout passager embarquant. Elle rémunère les services rendus par l'exploitant d'aéroport pour l'usage des aérogares passagers. Les taux diffèrent généralement selon la destination du vol (trafic intérieur, trafic communautaire, autres destinations). Ils peuvent également être différents pour les passagers en correspondance. Depuis 1997, les compagnies aériennes distinguent, sur chacun de leurs billets, le montant de cette redevance, ce qui leur permet de faire supporter plus directement ses évolutions par les passagers. Des taux particuliers pour les passagers en correspondance ont été introduits en 2003, sous la forme d'un abattement spécifique (10 % en 2003, 20 % en 2004), ce qui permet de ne pas pénaliser les opérateurs qui utilisent la plateforme comme un « hub ». On peut remarquer que l'idée de cet abattement avait été soulevée par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2002, qui remarquait que certains aéroports avaient mis en place un rabais sur « les redevances dues au titre des passagers en correspondance en les justifiant par de moindres coûts ».

Tarifs de la redevance passagers au 1 er avril 2004

(en euros, hors TVA)

Destination

Tarif Normal

Tarif correspondance

Métropole

3,98

3,50

UE (espace Schengen)

5,97

4,78

UE hors Schengen

8,63

6,90

DOM/TOM

8.63

6,90

International hors UE

11,48

9,18

Source : DGAC

La redevance d'atterrissage est facturée pour chaque atterrissage aux compagnies aériennes, ainsi qu'aux usagers non commerciaux. Elle rémunère les services rendus par l'exploitant de l'aéroport à l'occasion de l'atterrissage et du décollage des avions (mise à disposition et entretien des pistes et des voies de circulation). Elle prend en compte la masse maximale au décollage (MMD) qui est liée à la capacité de l'avion, parfois la nature du vol (communautaire ou extra-communautaire) et le groupe acoustique de l'avion. En règle générale, les taux de cette redevance augmentent proportionnellement plus vite que la MMD, avec un taux fixe pour les avions de moins de 6 tonnes. Une modulation est, par ailleurs, pratiquée sur les principaux aéroports en fonction de la qualité acoustique de l'avion . Elle varie de + 30 % à - 15 % et s'effectue à recettes constantes pour l'aéroport.

Tarifs de la redevance d'atterrissage au 1 er avril 2004

(hors application du coefficient acoustique)

Tranches de MMD (en tonnes)

Tarifs (en euros hors TVA)

De 1 à 25 tonnes

150,31

De 26 à 50 tonnes

150,31 + 2,62(t 16 ( * ) -25)

A partir de 51 tonnes

215,81 + 8,32(t-50)

Source : DGAC

La redevance de stationnement est due par les compagnies aériennes et usagers non commerciaux pour l'usage des aires de stationnement avions. Elle est proportionnelle à la MMD et à la durée de stationnement, avec en général une période de franchise. Elle peut éventuellement prendre en compte la provenance du vol (communautaire ou non), la période de stationnement ou encore la nature du poste de stationnement.

La redevance de balisage est due par les transporteurs aériens et usagers non commerciaux pour tout atterrissage ou décollage nécessitant l'allumage du balisage lumineux de la piste. Les taux, forfaitaires, sont parfois différents selon la provenance ou la destination du vol (communautaire ou non).

2. Un poids prépondérant

a) Les ressources tirées des redevances

Les quatre principales redevances aériennes représentant en 2004 un montant total de 489,8 millions d'euros , soit 29 % du chiffre d'affaires consolidé de ADP.

Répartition du produit des redevances

( en millions d'euros)

Trafic

Redevances

National

Union européenne

International

Part dans le total (en %)

Total

Passagers

30

78

137

50 %

245

Atterrissage

25

52

98

37,5 %

175

Balisage et stationnement

13

23

34

14,3 %

70

Total

69

152

268

 

490

Source : DGAC

b) Les évolutions de taux depuis 1990

Le niveau de chacune des redevances fait l'objet, comme il a été décrit plus haut, d'une concertation entre les différents partenaires, avec un droit de veto des ministres de tutelle.

Comparaison de la hausse moyenne des redevances
et de la hausse des prix hors tabac

(base 100=1990)

Source : ADP et Cour des comptes

L'étude de l'évolution de la hausse moyenne des redevances depuis 1990 permet de tirer les conclusions suivantes :

- de 1990 à 2000, on observe une grande modération dans les hausses , qui se traduit par une croissance hors inflation de 0,3 % . Compte tenu du poids de l'Etat dans le processus de décision, il n'est pas interdit de voir dans cette modération une forme de soutien aux compagnies aériennes , notamment les compagnies nationales dont le trafic passe principalement par les deux aéroports parisiens. Cette modération a par ailleurs pu conduire ADP à s'endetter dans des proportions importantes afin de maintenir un niveau d'investissement compatible avec les ambitions affichées de créer le premier « hub » d'Europe ;

- depuis 2001, les redevances ont augmenté bien plus vite que l'inflation , ce qui peut traduire un phénomène de « rattrapage », mais est susceptible de fragiliser les compagnies aériennes.

Hausse moyenne des redevances depuis 2001

Année

2001

2002

2003

2004

Hausse moyenne

3,5 %

5,6 %

5,5 %

5,5 %


3. Le principe de la « caisse unique »

Les redevances aéronautiques ne couvrent habituellement pas l'ensemble des coûts d'exploitation d'un aéroport. Les exploitants d'aéroports sont encouragés à développer des activités annexes donnant lieu à des recettes , dites extra-aéronautiques , qui représentent en moyenne plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. Leur produit global s'est élevé en 2003 à environ 848 millions d'euros pour ADP .

En application du principe de « caisse unique » recommandé par l'OACI 17 ( * ) , le bénéfice réalisé sur ces activités contribue dans la pratique à minorer les taux des redevances aéronautiques directement à la charge du transport aérien .

La nature juridique de ces recettes extra-aéronautiques est variable : prix de la vente de services dans un marché concurrentiel (cas par exemple de l'assistance en escale fournie par Aéroports de Paris) ou redevances domaniales (mise à disposition du domaine public, par exemple au profit de commerces installés dans les aérogares, ou des loueurs de voitures, ou à l'occasion du stationnement dans les parcs automobiles).

On constate donc qu'il existe une forme de logique de subventionnement des activités aéronautiques par les activités annexes de l'aéroport . Ce soutien peut être justifié économiquement. En effet, il apparaît que les places de parking ou bien les achats réalisés dans les magasins le sont bel et bien en raison de l'activité aéroportuaires dans la zone. Il existe donc un lien entre l'attractivité de ces emplacements et l'activité aéronautique.

Ce principe de « caisse unique » n'est cependant pas absolu. Il est possible de rechercher une meilleure adéquation entre les coûts des services rendus et leur tarification, sans pour autant établir un système dit de « caisse double », dans lequel les activités aéronautiques doivent être strictement rentabilisées. Une telle logique, si elle était appliquée, pourrait se traduire par des hausses considérables des redevances, ce qui se ferait à l'évidence au détriment des compagnies aériennes, et in fine , de l'aéroport, puisque, le prix des billets augmentant, il est probable que moins de passagers utiliseraient les services d'ADP.

4. Comparaisons internationales

En ce qui concerne la structure des redevances par comparaison avec les autres pays, il apparaît que ADP présente une double spécificité , qui relève en fait d'une seule et même logique perceptible depuis plus de 15 ans, et qui vise à favoriser les lignes intérieurs afin de développer le territoire :

- d'une part, ses tarifs sont comparativement beaucoup plus avantageux à l'intérieur de l'Union européenne que ceux de ses grands concurrents, mais restent supérieurs pour les destinations extra européennes . La Cour des comptes remarque que « la redevance passagers est aussi très différente selon la destination et favorise les lignes domestiques, plutôt desservies par de petits appareils » ;

- d'autre part, ses tarifs sont plus avantageux pour les petits porteurs que pour les gros porteurs . La Cour des comptes note ainsi que « les tarifs d'ADP apparaissent ainsi très chers pour les gros porteurs et très bon marché pour les plus petits. Cela tient surtout au mode de calcul de la taxe d'atterrissage qui augmente beaucoup plus vite avec la taille des avions que dans les autres pays ».

En conséquence, il n'est pas interdit de penser que ADP, sous la tutelle du gouvernement, a pu servir à mettre en oeuvre une forme de « subventionnement » aux lignes intérieures.

La Cour des comptes note ainsi que « cette pénalisation des gros porteurs n'est pas propice à une utilisation optimale des capacités aéroportuaires ». Sur ce point, on peut observer un « rééquilibrage » ces dernières années au profit des gros porteurs.

A un niveau plus large, les comparaisons sont difficiles à établir entre les différents aéroports, en raison des différences de structure de tarification . Ainsi, à Londres Heathrow, il est appliqué un système de tarification de pointe de forte amplitude propre à chaque type de redevance et à Amsterdam, des prestations annexes, telles que le tri bagages et les banques d'enregistrement, sont comptabilisées dans le périmètre des principales redevances.

Comparaisons internationales

(Base 100)

Trafic

Court courrier

Long courrier (International)

(UE-Schengen)

Type avion retenu

B 737 - 300

B 747-400

PARIS

100

100

FRANCFORT

144

90

LONDRES

 
 

Pointe

147

77

Hors Pointe

127

60

AMSTERDAM

147

98

Source : DGAC

Les services de la DGAC remarquent que « la compétitivité de Paris par rapport aux autres aéroports reste bonne sur le faisceau court courrier et s'améliore sur le faisceau long courrier ».

Selon ADP, le tarif de ses redevances est en fait inférieur à celui des autres aéroports européens. Ainsi, les données suivantes sont avancées : Schiphol (aéroport d'Amsterdam) serait 14 % plus cher, Fraport (aéroport de Francfort) 25 % plus cher, et les aéroports londoniens 10 % plus chers en moyenne.

Cette analyse est correcte, mais ne prend pas en compte les divergences entre la tarification intérieure et internationale.

* 16 La variable « t » représente le poids en tonnes de l'aéronef.

* 17 Notamment dans son rapport « Politique de l'OACI sur les redevances d'aéroport et de service de navigation aérienne », 2004.

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