2. L'insuffisance de terrains disponibles pour la création de logements
L'évolution du marché foncier est étroitement liée à la possibilité de mener une politique ambitieuse en matière de logement, puisque le prix du foncier représente entre 20 et 30 % du coût global d'une construction. Votre rapporteur déplore, à titre liminaire, qu'il n'existe pas de système d'observation de l'ensemble des marchés fonciers en zone urbaine. Une synthèse des informations disponibles au niveau régional et local devrait, d'après les informations fournies par le ministère de l'équipement, être disponible en 2005.
Toutefois, il est patent que les acteurs du logement social se heurtent à la rareté de l'offre foncière, et que la baisse continuelle de la construction depuis dix ans provient notamment de l'insuffisance de l'offre de terrains constructibles mis à la disposition des constructeurs, qu'ils soient privés ou sociaux. D'une part, certaines régions, en forte croissance économique et démographique, subissent une pression foncière très forte qui conduit au renchérissement de la ressource foncière. Les grandes agglomérations , où le marché immobilier est tendu , et la pénurie de nouveaux logements aiguë, sont particulièrement touchés par la spéculation foncière.
Ainsi, d'après une étude menée en 2000 par la direction régionale de l'équipement, la bulle spéculative des années 1990 a aggravé, en Ile-de-France, le marquage social des différents territoires. Entre 1990 et 2000, les ventes de terrains à bâtir, bâtis ou non, de Paris intra muros ont représenté plus de la moitié du montant financier total du marché foncier de la zone centrale francilienne (Paris et les trois départements centraux), alors qu'elles ne constituaient que 6 % du total des mutations de cette zone. Les mêmes évolutions ont caractérisé les grandes agglomérations comme Lyon, Marseille ou Toulouse, ainsi que les façades maritimes. A titre d'exemple, la croissance des prix moyens du terrain à bâtir dans la communauté urbaine de Strasbourg s'élève à près de 60 % entre 1998 et 2001.
D'autre part, à l'inverse, d'autres régions, autrefois fortement industrialisées, ou à l'écart des axes européens, sont confrontées à des processus de déclin qui se traduisent par la multiplication des espaces dégradés parfois pollués, et de quartiers urbains déshérités. Ces évolutions concernent également certaines parties des agglomérations les plus dynamiques. Des quartiers d'habitat social, des quartiers anciens paupérisés, des zones industrielles délaissées, subissent des phénomènes de dévalorisation que seule une démarche publique volontariste peut inverser.
L'analyse de la crise du foncier fait donc apparaître que l'accroissement de l'offre foncière passe autant par une libération du foncier que par une meilleure valorisation du foncier disponible . Il s'agit de trouver les moyens de rendre disponible pour la construction le foncier existant, et de l'orienter vers le logement.
En outre, la spécificité même du fonctionnement du marché du foncier légitime une intervention publique volontariste. En premier lieu, la valeur du foncier est fortement dépendante de décisions prises hors marché . Le prix d'un terrain ne dépend pas forcément de sa qualité physique, mais aussi de sa localisation géographique et de sa constructibilité. En outre, l'information sur les transactions étant peu disponible pour le public, la méconnaissance des prix réels rend difficile l'évaluation de la valeur des biens et contribue à perturber le fonctionnement normal du marché foncier.
Illustration de ce lien entre la maîtrise du foncier, la construction de logements sociaux et la nécessité d'une intervention publique forte, une étude menée par l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais montre que 3.500 logements locatifs sociaux devraient être construits chaque année à l'échelle régionale pour satisfaire les besoins à l'horizon 2010. La construction de ces logements nécessiterait, d'après les simulations effectuées par l'établissement public, la mobilisation annuelle de 104 hectares, dont 69 hectares de foncier recyclé, le coût étant estimé à un peu plus de 60 millions d'euros par an 3 ( * ) .
Votre commission estime donc urgent de prendre des mesures visant à remédier à cette pénurie de terrains disponibles pour le logement, et relève que le renforcement du rôle des établissements publics fonciers prévu par le projet de loi constitue à cet égard un pas dans la bonne direction.
* 3 Etablissement public foncier du Nord-Pas de Calais, Programme pluriannuel d'intervention foncière, Le foncier du logement social.