CHAPITRE II -
QUELLES
PERSPECTIVES POUR L'AGENCE NATIONALE POUR L'AMÉLIORATION DE
L'HABITAT ?
Conformément aux souhaits exprimés par le Bureau de la Commission des Affaires économiques, votre rapporteur pour avis a choisi d'établir un bilan du fonctionnement de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) et d'examiner quelles sont ses perspectives, notamment dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales.
I. UN OUTIL AU SERVICE DE L'AMÉLIORATION DE L'HABITAT
L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat , établissement public national créé par la loi de finances rectificative pour 1970, mène une action décisive dans le domaine de la qualité de l'habitat et de son amélioration . Ses interventions contribuent au développement d'un parc locatif privé conventionné de qualité et à la remise sur le marché de logements non conformes.
A. L'ORGANISATION DE L'ANAH
L'ANAH se caractérise par une gestion partenariale et décentralisée . Son conseil d'administration est composé de treize membres 5 ( * ) et de son président, nommé par arrêté conjoint du ministre chargé du logement et du ministre chargé des finances. Le conseil définit les objectifs et les orientations de l'Agence, arrête les priorités quant aux opérations dont l'exécution doit être facilitée, fixe les modalités d'attribution des subventions, vote le budget et approuve les comptes. Par ailleurs, dans chaque département est institué une commission d'amélioration de l'habitat (CAH), composée de huit membres 6 ( * ) . Le délégué local, qui est le représentant de l'Agence dans le département, est nommé par le directeur général de l'Agence. Il dirige la CAH et il lui incombe d'instruire les demandes d'aides, d'assister aux séances de la CAH et d'assurer l'exécution de ses décisions concernant les programmes d'action et les subventions. Par ailleurs, une délégation de l'Agence est représentée dans chaque département à la DDE.
L'ANAH agrée des organismes apportant aide et conseil aux propriétaires pour l'établissement de leurs demandes de subventions. Il s'agit de l'Union des propriétaires immobiliers et de deux réseaux d'associations, les Pact-Arim et les associations Habitat et développement rural, qui mettent souvent en oeuvre les opérations programmées d'amélioration de l'habitat et les programmes sociaux thématiques de l'ANAH.
La Fédération Nationale Habitat et Développement Rural FNHDR :
Elle réhabilite et valorise le parc vacant en milieu rural et développe à travers les services immobiliers ruraux et sociaux (SIRES) une activité de gestion locative. Les associations du réseau, dont certaines sont également affiliées à la fédération nationale des centres PACT-ARIM, interviennent notamment dans le cadre du groupage des dossiers d'aide à l'amélioration du parc privé et de l'animation des opérations programmées d'amélioration de l'habitat.
La Fédération nationale des centres PACT-ARIM (FNC PACT-ARIM) :
La Fédération nationale des centres pour la protection, l'amélioration, la conservation, la transformation de l'habitat et la restauration immobilière (FNC PACT-ARIM) est issue de la ligue nationale contre les taudis créée en 1924. Le premier centre a été créé à Lyon en 1942, et la Fédération regroupe maintenant environ 150 associations. Le réseau des PACT-ARIM emploie environ 3 000 salariés qui travaillent en étroite collaboration avec l'ANAH
Les actions développées par les membres du réseau visent principalement à produire une offre de logements à loyers maîtrisés favorisant la diversité de l'habitat dans les villes et les pays ; adapter l'habitat aux besoins et aux usagers (adaptation de logements au handicap ou au vieillissement) ; combattre l'habitat indécent et insalubre ; travailler à la mise en oeuvre de dispositifs durables d'accès des plus démunis à un logement et assurer leur accompagnement.
Ces activités se traduisent par :
- l'amélioration d'environ 120.000 logements par an ;
- le conventionnement de plus de 4.500 logements privés, et la production de plus de 2.000 logements privés très sociaux ;
- l'animation de 1.400 OPAH, PST, MOUS, contrats animés, soit environ la moitié des opérations ;
- la production de 600 logements par an en maîtrise d'ouvrage ;
- la disposition d'un parc de 13.700 logements gérés dont 8.300 en pleine propriété ;
- environ 8.000 ménages suivis au titre de l'accompagnement social.
B. LES SUBVENTIONS DE L'AGENCE
Les subventions de l'ANAH s'adressent aux propriétaires qui réalisent des travaux d'amélioration dans les logements qu'ils occupent, s'ils remplissent des conditions de ressources, ou qu'ils louent. Le fonctionnement de l'Agence a fait l'objet d'une importante réforme en application des dispositions de la loi SRU. Alors que sous le régime antérieur l'ANAH ne finançait que les travaux engagés par les propriétaires-bailleurs, elle est, depuis janvier 2002, également compétente pour financer les travaux réalisés par les propriétaires-occupants , qui étaient auparavant éligibles à la prime à l'amélioration de l'habitat (PAH) délivrée par le préfet. Les subventions de l'ANAH concernent des travaux réalisés dans des logements achevés depuis au moins quinze ans. En cas de versement d'une subvention, le logement doit être occupé ou loué après travaux pendant neuf ans à titre de résidence principale . Les travaux doivent être effectués, après l'autorisation de l'ANAH, par des professionnels du bâtiment. Ils doivent permettre :
- d'améliorer l'habitat en matière de sécurité, de confort, de salubrité, d'équipement, d'accessibilité et d'adaptation aux personnes handicapées physiques ;
- de faire des économies d'énergie et d'améliorer l'isolation acoustique.
Les travaux peuvent être réalisés dans les parties privatives ou communes des immeubles. Le montant de la subvention varie en fonction des engagements souscrits par le propriétaire :
- pour les propriétaires occupants, il est généralement de 20 % du coût des travaux subventionnables, plafonné à 13.000 euros.
- pour les propriétaires bailleurs, le taux de subvention est de 20 % du montant des travaux subventionnables.
Ce montant de subvention peut être largement majoré lorsque le propriétaire s'engage à respecter un plafond de loyer et si le logement est situé dans une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH), ou s'il inscrit dans un programme social thématique pour le logement des personnes défavorisées (PST).
C. LES OUTILS D'INTERVENTION DE L'AGENCE
1. Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat
a) L'objectif des OPAH
Créées en 1977, les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ont constitué, au cours des vingt-cinq dernières années, la démarche principale par laquelle a été réalisée la réhabilitation des centres urbains et des bourgs ruraux. L'efficacité des OPAH tient, pour une grande part, à la pertinence du partenariat « collectivités territoriales-Etat-ANAH » qui contribue à déclencher chez les acteurs privés des dynamiques de réinvestissement.
Toutefois, vingt-cinq ans après leur création, les OPAH n'ont pas toujours permis de traiter certains types d'habitat particulièrement dégradés. Le recensement de 1999 a ainsi fait apparaître qu'au-delà d'une amélioration globale des conditions d'habitat, il existait encore un parc inconfortable de près de 4,3 millions de logements dépourvus du confort au sens de l'Insee, parmi lesquels près de 1,1 million ne disposaient pas encore d'installation sanitaire de base . On constate une corrélation croissante entre la dégradation de l'habitat et la fragilité de la population qui l'occupe. Ce sont en général les populations socialement les plus fragiles qui se retrouvent dans les quartiers d'habitat privé les plus dégradés, y compris dans les zones prospères. Les villes situées dans des régions confrontées à des mutations économiques importantes connaissent par ailleurs les plus graves phénomènes de dévalorisation et de pauvreté.
b) Les modalités des OPAH
Une OPAH constitue l'expression d'un projet d'ensemble d'évolution d'un quartier d'habitat privé, confronté à des difficultés particulières. Elle se concrétise par une convention d'une durée de cinq ans maximum, qui décline un programme d'actions et précise les engagements réciproques de la collectivité territoriale compétente, de l'Etat et de l'ANAH, voire de partenaires complémentaires. L'OPAH ne saurait pourtant se réduire à un simple cadre de distribution de subventions aux propriétaires privés.
Cette ambition passe nécessairement par un niveau d'exigence qualitatif élevé, qu'il s'agisse des actions d'intervention urbaine, sur les espaces publics, mais aussi pour l'amélioration de l'habitabilité urbaine, de mixité sociale et de diversité de l'habitat, notamment par le conventionnement de logements privés et l'organisation d'une bonne complémentarité entre parc de logements privés et publics. L'engagement dans une telle démarche suppose un diagnostic préalable approfondi, portant aussi bien sur l'évaluation du territoire à traiter, son périmètre, la nature des problèmes rencontrés, que sur le type de réponse qu'il convient de lui apporter.
c) Une meilleure adaptation des OPAH
En outre, il est apparu nécessaire, pour mieux répondre aux problèmes propres à certains territoires ou à certaines situations, urbaines ou rurales, de renforcer l'OPAH de droit commun dans les territoires relevant du renouvellement urbain ou de la revitalisation rurale, en leur ouvrant le bénéfice d'aides majorées de l'Etat et de l'ANAH.
L'OPAH de renouvellement urbain (OPAH-RU), dont la durée est de cinq ans, permet de compléter l'OPAH pour traiter spécifiquement les territoires urbains confrontés à de graves dysfonctionnements urbains et sociaux, nécessitant, la définition de dispositifs d'intervention lourds. Ces dispositifs font appel à des interventions foncières et immobilières et à des outils coercitifs de droit public (traitement de l'insalubrité, démolitions, actions foncières, éventuellement sous déclaration d'utilité publique). L'OPAH-RU bénéficie de subventions fortement majorées de l'Etat pour mener à bien les études pré-opérationnelles et la conduite d'opération. L'ANAH apporte un financement amélioré en faveur des travaux entrepris par les propriétaires occupants.
L'OPAH de revitalisation rurale (OPAH-RR) permet de compléter l'OPAH de droit commun pour traiter, dans un cadre intercommunal, les territoires ruraux, situés hors péri-urbain ou hors zones touristiques et qui sont confrontés à de graves phénomènes de dévitalisation, marqués par des déséquilibres démographiques, un niveau de revenus plus faible et des conditions d'habitat inadaptées aux besoins. Elle constitue le volet « habitat et cadre de vie » d'un projet de développement local intercommunal formalisé dans le cadre d'un contrat de pays ou d'un Parc naturel régional (PNR). L'OPAH-RR fait l'objet de financements améliorés de l'ANAH au titre des travaux entrepris par les propriétaires occupants.
2. Les programmes sociaux thématiques et les logements d'insertion privés
Les programmes sociaux thématiques (PST) ont été créés en 1990 dans le cadre de la loi visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Le PST, convention signée entre l'Etat, l'ANAH et une collectivité locale, est fondé sur une négociation avec les propriétaires privés. En contrepartie d'une subvention majorée de l'ANAH pour les travaux et d'un certain nombre de services tels que l'assistance technique aux bailleurs, la garantie de loyer, ou encore l'accompagnement social des locataires, le propriétaire s'engage à respecter un loyer conventionné pendant neuf ans et à loger des personnes en difficulté qui lui sont proposées par une commission ou un organisme 7 ( * ) .
Les taux de subvention de l'ANAH peuvent varier de 40 à 70 % d'un montant de travaux plafonné , selon que le logement est situé ou non dans des secteurs à loyers tendus, tels que définis par le zonage applicable aux prêts locatifs intermédiaires (PLI). Ces taux peuvent être, le cas échéant, majorés en cas de participation d'une collectivité locale.
Ces règles peuvent s'étendre aux logements d'insertion privés (LIP) si le propriétaire respecte les mêmes engagements.
D. LES OPÉRATIONS ENGAGÉES EN 2002
En 2002, 111.200 dossiers ont été agréés par les Commissions d'amélioration de l'habitat, dont 47.800 (43 % des dossiers) au titre des aides versées aux propriétaires bailleurs (en diminution depuis 2000) et 63.400 au profit des propriétaires occupants (57 %). Le montant total des subventions attribuées en 2002 est de 456,19 millions d'euros qui, pour 72 % (soit 328,57 millions), bénéficient aux propriétaires bailleurs et pour 28 % (soit 127,62 millions) aux propriétaires occupants. Au total, 178.400 logements, dont 115.000 en location ont été subventionnés pour un moment total de travaux subventionnables de 1,78 milliard d'euros. Les interventions de l'ANAH ont ainsi permis de remettre sur le marché 30.600 logements vacants . Au total, les travaux générés, comprenant les travaux non subventionnables, représentent 2,35 milliards d'euros.
Votre rapporteur pour avis ne saurait que relever à nouveau l'action décisive que mène l'ANAH pour l'amélioration de la qualité des conditions d'habitat et la réduction du nombre de logements vacants.
E. LES NOUVELLES PRIORITÉS DÉFINIES PAR L'ANAH
Lors de son conseil d'administration du 2 octobre 2003, l'Agence a défini trois grandes priorités pour l'année à venir :
- contribuer à la production d'un parc de logements locatifs à loyers maîtrisés ;
- la santé et la sécurité ;
- l'amélioration des logements dans la perspective du développement durable.
Par ailleurs, le conseil a décidé d'adapter les modalités d'intervention de l'Agence tant sur les taux de subvention que sur la liste des travaux recevables pour améliorer la cohérence et l'efficacité des différents dispositifs concernant le parc de logements privés, en particulier entre les aides de l'ANAH et celles prévues par le nouveau dispositif d'amortissement fiscal pour les investissements locatifs de la loi Urbanisme et Habitat. Il a ainsi été décidé d'adopter, pour les aides de l'Agence, le même zonage que pour le nouveau dispositif d'amortissement (trois zones A, B et C), qui tient mieux compte de la réalité des tensions locatives. Ainsi, conformément à une logique de priorité et pour faciliter le développement d'un parc privé conventionné dans les zones tendues, le taux des subventions sera augmenté dans toutes les agglomérations qui connaissent une situation locative tendue (zones A et B).
Le régime des aides à la mobilisation des logements vacants est simplifié. Toutes les agglomérations qui connaissent une situation tendue sur le marché locatif seront éligibles à la prime spécifique de 3.000 euros. Cette prime sera désormais mieux ciblée sur les logements vétustes qui connaissent une vacance structurelle. En outre, face à l'ampleur des besoins, le dispositif d'aides à la réalisation de travaux permettant le maintien à domicile et l'autonomie des personnes handicapées est assoupli. La prise en compte du développement durable dans le parc existant sera également renforcée. Ainsi, les changements de fenêtres et de chaudières ne seront désormais subventionnés qui si ces équipements respectent une exigence minimale de qualité.
Enfin, alors qu'il reste un très grand nombre de logements ne disposant pas des trois éléments de confort ou qui connaissent de très graves lacunes en termes de sécurité des habitants, la circulaire de programmation devrait prévoir, pour les propriétaires bailleurs et pour les propriétaires occupants, de réserver strictement les crédits dans le secteur diffus aux logements qui relèvent de ces catégories. Cette plus grande exigence dans l'octroi des aides doit permettre un traitement local plus homogène et plus efficace des demandes et contribuer à diminuer les stocks de demandes aujourd'hui excessifs.
* 5 Deux représentants du ministre chargé du logement, deux représentants du ministre chargé des finances, cinq représentants des propriétaires, deux représentants des locataires une personne qualifiée pour ses compétences dans le domaine du logement et une personne qualifiée pour ses compétences dans le domaine social.
* 6 Le directeur départemental de l'équipement qui en assure la présidence, le trésorier payeur général, trois représentants des propriétaires (bailleurs ou occupants), un représentant des locataires, une personne qualifiée pour ces compétences dans le domaine du logement et une personne compétente dans le domaine social.
* 7 Organisme ou commission, désigné dans la convention PST, chargé de l'attribution des logements dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.