B. LES COMPENSATIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI
Compte tenu de l'importance des sommes en jeu et du contexte budgétaire actuel, il convient d'être particulièrement vigilant quant aux modalités de compensation des transferts de compétence réalisés par le présent projet de loi.
On notera à ce propos que l'article 40 du projet de loi de finances initiale pour 2004 portant sur les « modalités de compensation financière aux départements résultant de la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) » constitue le premier « test » de la bonne volonté du gouvernement en matière de compensation des transferts de compétences. Or, il ne semble pas que la création de la compétence « revenu minimum d'activité » ait été prise en compte pour le calcul du montant de la compensation proposée aux départements , alors que le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose explicitement que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Par ailleurs, l'impact de la limitation de la durée de versement de l'allocation solidarité spécifique (ASS) 4 ( * ) , sous réserve de son adoption par le Parlement, aura un impact important sur le nombre d'allocataires du RMI , qui devrait être pris en compte dans le calcul de la compensation versée aux départements. A défaut, ces derniers seront contraints d'augmenter les taux de la fiscalité locale pour assumer la charge financière liée au RMI.
La discussion du projet de loi de finances pour 2004 constituera donc un signal important de la volonté du gouvernement de financer de manière loyale les transferts de compétences prévus par le présent projet de loi.
C. UN ENGAGEMENT DU GOUVERNEMENT DE COMPENSER « LOYALEMENT » LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES
Lors de leur audition par la commission des lois, le 14 octobre dernier, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, M. Nicolas Sarkozy, et le ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, ont souhaité rassurer le Sénat, plusieurs de nos collègues faisant part de leur inquiétude et de leur vigilance quant aux ressources devant figurer dans le projet de loi de finances initiale pour 2005 afin de compenser les compétences dont le transfert est proposé par le présent projet de loi.
Les garanties apportées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et le ministre délégué aux libertés locales lors de leur audition par votre commission des lois, le 14 octobre 2003 : « Revenant sur l'esprit ayant guidé la préparation du texte, [M . Nicolas Sarkozy] a indiqué que le Gouvernement s'était efforcé d'apporter des garanties sur les conditions de mise en oeuvre de la réforme pour préserver la sérénité des débats et éviter les critiques récurrentes relatives à la décentralisation adressées à l'Etat, auquel il avait été reproché d'avoir repris d'une main ce qu'il donnait de l'autre, de privilégier tel ou tel niveau de collectivité ou encore de transférer aux collectivités les problèmes qu'il était incapable d'assumer. Il a mis en avant les avancées proposées par la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République du 28 mars 2003 pour prévenir ces dérives, le juge constitutionnel s'étant vu assigner la mission de garantir le respect des exigences nouvelles imposées à l'Etat en matière de décentralisation (interdiction de mettre en place des tutelles de fait, obligation de compenser réellement les transferts de compétences). (...) « Abordant le problème du transfert des moyens correspondant aux nouvelles compétences, il a jugé nécessaire de définir des règles claires, seule garantie contre la tentation à laquelle avaient succombé les gouvernements successifs de se décharger de responsabilités difficiles et coûteuses sur les collectivités. Il a rappelé qu'il serait désormais difficile de se soustraire au principe défini à l'article 72-2 de la Constitution, selon lequel les charges résultant des transferts de compétences doivent être compensées, sauf à risquer la censure du Conseil constitutionnel. Il a assuré que cette nouvelle étape de la décentralisation qui concernait plus de 130.000 agents et dont le coût était évalué à près de 11 milliards d'euros, serait mise en oeuvre dans la transparence. Reconnaissant l'ampleur des difficultés et des responsabilités susceptibles de peser sur les élus locaux, il a garanti que les transferts des moyens et des charges s'effectueraient simultanément, le projet de loi subordonnant l'entrée en vigueur des transferts de compétences à l'autorisation de la loi de finances de l'année correspondante. (...) « M. Patrick Devedjian (...) a ainsi souligné la loyauté du financement des transferts de compétences, qui privilégieraient les ressources fiscales, ainsi que le maintien par le projet de loi de finances pour 2004 des règles régissant les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales depuis 1996 (...) « En outre, [il] a indiqué qu'il veillerait à renforcer l'autonomie financière des collectivités locales en procédant à un examen contradictoire de l'évaluation des charges, par exemple à travers le comité des finances locales. Il a de plus souligné que le projet de loi conditionnait expressément l'entrée en vigueur des transferts de compétences à l'adoption d'une loi de finances loyale, le Conseil constitutionnel devant s'assurer du transfert par l'Etat de l'intégralité des moyens mis en oeuvre jusque là et de la préservation du taux d'autonomie fiscale des collectivités territoriales. (...) « M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a souligné que le Gouvernement était très conscient des risques de réorganisation de certains services transférés avant l'entrée en vigueur de la loi, qui pourraient avoir pour conséquence une « fuite » de personnels. Il a indiqué que plusieurs solutions pourraient être envisagées, citant la possibilité de se référer au nombre moyen de personnes dans un service au cours des dernières années, ou de se référer au nombre de personnes présentes à une date antérieure à celle de l'entrée en vigueur de la loi. Il a ajouté qu'en tout état de cause le Gouvernement veillerait au respect du principe de loyauté et a observé qu'il n'était pas certain que la même solution doive être retenue pour l'ensemble des transferts de personnels ». Source : bulletin des commissions du Sénat du 18 octobre 2003, pages 431 à 453 |
* 4 On rappellera que le « bleu » portant sur les crédits du travail prévoit, pour l'article 46-71, une mesure de révision des services votés portant sur 170 millions d'euros, résultant de la « réduction de la subvention de l'Etat au Fonds de Solidarité liée à la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (A.S.S) :
- plafonnement de la durée de versement fixée à trois ans ;
- suppression de l'accès à la majoration ;
- modification du barème applicable aux bénéficiaires de l'A.S.S vivant en couple ».