EXAMEN DES ARTICLES
TITRE
IER
POLITIQUE DE LA VILLE ET RÉNOVATION URBAINE
CHAPITRE
IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ
DANS LES
IMMEUBLES COLLECTIFS À USAGE D'HABITATION
ET AUX
COPROPRIÉTÉS EN DIFFICULTÉ
Article 15
(art. L. 129-1 à L.
129-6 nouveaux
du code de la construction et de
l'habitation)
Sécurité des immeubles collectifs à usage
d'habitation
Cet article tend à introduire un chapitre IX, intitulé « Sécurité des immeubles collectifs à usage d'habitation », dans le titre II du livre premier du code de la construction et de l'habitation.
Ce nouveau chapitre comprendrait six articles, numérotés L. 129-1 à L. 129-6.
I. Le nouveau dispositif prévu par le présent projet de loi
Le régime institué par le présent article ne revêtirait qu'un champ d'application réduit, puisqu'il ne concernerait que les immeubles collectifs à usage d'habitation.
Il ne serait donc pas applicable aux immeubles à usage d'habitation qui ne serviraient qu'à un occupant unique, de même qu'aux immeubles collectifs à usage professionnel de bureaux ou de commerces. En revanche, les dispositions concerneraient indistinctement tous les immeubles susmentionnés, qu'ils soient une copropriété ou la propriété d'une seule personne. En pratique, néanmoins, ce système devrait essentiellement concerner les immeubles en copropriété.
Outre sept amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a, en première lecture, opportunément adopté un amendement présenté par le rapporteur de la commission des Affaires économiques, tendant à préciser que le présent dispositif s'applique aux immeubles à usage « principal » d'habitation. En effet, dans sa rédaction initiale, le projet de loi pouvait sembler ne concerner que les immeubles collectifs à usage exclusif d'habitation. Auraient ainsi été exclus du dispositif les immeubles comportant à la fois des locaux d'habitation et, accessoirement, des locaux professionnels ou commerciaux. Cette exclusion n'apparaissait pas justifiée et aurait conduit à interdire à un nombre en définitive important d'immeubles de bénéficier des dispositions du présent article.
Article L. 129-1 nouveau
Arrêté prescrivant la remise en
état
ou le remplacement d'équipements communs
Le texte proposé par l'article 15 du présent projet de loi pour insérer un article L. 129-1 dans le code de la construction et de l'habitation accorde au maire - sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 129-5 nouveau dudit code - la possibilité de prescrire par arrêté la remise en état ou le remplacement d'équipements communs d'un immeuble collectif à usage d'habitation .
Le régime qu'il prévoit présente de fortes similitudes avec celui retenu par la législation sur les édifices menaçant ruine et insalubres.
1. Les conditions du prononcé de l'arrêté
Ce dispositif ne concernerait que les « équipements communs » de l'immeuble .
La formulation employée par le projet de loi est déjà présente dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis 13 ( * ) .
Cette expression est également utilisée par l'article 1 er du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi précitée du 10 juillet 1965 qui prévoit que le règlement de copropriété comporte un état qui « définit les différentes catégories de charges et distingue celles afférentes à la conservation, à l'entretien et à l'administration de l'immeuble, celles relatives au fonctionnement et à l'entretien de chacun des éléments d'équipement communs et celles entraînées par chaque service collectif ».
La notion d'« équipements communs » n'est pas équivalente à celle de partie commune. Elle permet d'appréhender certaines installations telles que les installations de distribution d'eau et de chauffage collectif, l'électricité ou certains dispositifs de sécurité , tels que ceux visant à lutter contre les incendies.
Pour que le maire puisse prendre l'arrêté prévu par le présent article, trois conditions cumulatives doivent être satisfaites :
- la carence du ou des propriétaires : le ou les propriétaires doivent avoir manqué d'entretenir les équipements communs ;
- cette carence doit avoir entraîné un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de ces équipements ;
- des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des conditions d'habitation gravement compromises doivent résulter de ce fonctionnement défectueux ou de ce défaut d'entretien.
La dernière condition exigée par cet article est donc plus large que celle imposée par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation qui exige, pour que le maire puisse agir, que le bâtiment concerné menace ruine et compromette, par son effondrement, la sécurité ou n'offre pas les garanties nécessaires au maintien de la sécurité publique.
Toutefois, le caractère particulièrement vague de cette condition n'est pas sans susciter certaines difficultés .
La notion de risque sérieux pour la sécurité des occupants peut présenter un caractère relativement objectif : on peut penser, par exemple, à une installation électrique à ce point défectueuse qu'elle constitue un danger pour ceux qui s'y raccordent. L'utilisation du terme « sérieux » pourrait cependant générer certains contentieux, dans la mesure où ce mot n'est guère connu du vocabulaire juridique traditionnellement employé par notre législation.
Dans le même ordre d'idées, la notion de « conditions d'habitation gravement compromises » s'avère difficile à définir. Au surplus, on peut s'interroger sur la question de savoir si l'existence de conditions d'habitation gravement compromises n'implique pas nécessairement l'existence de risques pour les occupants de l'immeuble à usage d'habitation. Dans ce cas, les deux cas d'ouvertures de la procédure sont particulièrement proches, si ce n'est identiques.
L'intervention du juge sera, en tout état de cause, nécessaire pour déterminer, au cas par cas, si les conditions sont remplies. A cette fin, il importera que l'arrêté municipal soit suffisamment motivé.
L'intervention du juge - qui sera le juge administratif, l'arrêté municipal constituant un acte administratif unilatéral - interviendra de ce fait à deux niveaux : d'une part, au stade de l'expertise de l'immeuble, conformément à l'article L. 129-2 nouveau issu du présent projet de loi ; d'autre part, lors de l'examen de la légalité de l'arrêté, dans le cadre d'un éventuel recours pour excès de pouvoir.
2. Les mesures susceptibles d'être prononcées
Aux termes du présent article, deux types de mesures peuvent être prononcés par le maire : la remise en état ou le remplacement des équipements concernés .
On rappellera, à cet égard, que le Conseil d'Etat considère comme illégal un arrêté de péril, pris sur la base de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, qui ne serait pas suffisamment explicite et précis sur la nature des mesures à prendre. 14 ( * ) Une telle jurisprudence devrait également s'appliquer par analogie au régime institué par l'article L. 129-1 nouveau du même code.
Le maire fixera lui-même, dans l'arrêté, le délai au terme duquel ces travaux devront être exécutés par le ou les propriétaires. Il devra s'agir, en tout état de cause, d'un délai raisonnable, déterminé in concreto , en fonction de l'importance des travaux à remplir et des risques encourus par les occupants.
3. La notification de l'arrêté constatant la carence
Il importe d'assurer la publicité de l'arrêté municipal prescrivant la remise en état des équipements communs de l'immeuble à l'égard des propriétaires, dans la mesure où cette obligation est mise à leur charge par ce texte. En effet, cette notification doit s'analyser juridiquement comme une mise en demeure de procéder aux travaux sur l'immeuble exigés par l'arrêté ; elle fait courir le délai fixé par l'arrêté pour l'exécution des travaux.
En conséquence, il est précisé que l'arrêté est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux tels qu'ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques.
Les modalités de notification varient cependant selon la qualité du propriétaire de l'immeuble en cause. Sur ce point, le dispositif retenu par le présent article est assez proche de celui prévu par les alinéas 2 et 3 de l'article L. 511-1-1 du code de la construction et de l'habitation, tel que rédigé par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain.
Ainsi, l'alinéa 2 du texte prévu pour l'article L. 129-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, lorsque les mesures prescrites ne portent que sur les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification doit être adressée au syndicat des copropriétaires. De plus, afin que la méconnaissance de l'identité ou de l'adresse du propriétaire ou des copropriétaires de l'immeuble ne constitue pas une entrave à l'exercice des travaux imposés par la détérioration de l'immeuble, le dernier alinéa du texte prévoit que la notification est, dans cette hypothèse, valablement effectuée par un double affichage : d'une part, à la mairie de la commune - ou, à Paris, Lyon et Marseille, à la mairie de l'arrondissement où se situe l'immeuble - et, d'autre part, sur la façade de l'immeuble concerné.
En revanche, il convient de relever deux différences avec le dispositif relatif aux édifices menaçant ruine.
D'une part, lorsque l'immeuble est la propriété d'une société civile dont les parts donnent droit ou non à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, la notification est faite au gérant, tel qu'il est désigné au registre du commerce et des sociétés, alors que l'article L. 511-1-1 susvisé impose la notification de l'arrêté aux titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance des locaux concernés. D'autre part, cette dernière disposition impose la notification de l'arrêté aux occupants de l'immeuble et, le cas échéant, à la personne qui l'exploite, ce que ne prévoit pas le texte proposé pour l'article L. 129-1.
Ces différences peuvent s'expliquer par le fait que les mesures offertes au maire par le présent dispositif ont un caractère moins radical que celles qu'il est autorisé à prendre sur la base de l'article L. 511-1-1. De plus, dans la mesure où les travaux que peut prescrire le maire ne concernent que les équipements communs des immeubles, la notification à chaque copropriétaire n'apparaît pas indispensable.
Article L. 129-2 nouveau
Opération d'expertise
L'article 15 du présent projet de loi insérerait un article L. 129-2 nouveau dans le code de la construction et de l'habitation tendant à instaurer une opération d'expertise postérieurement à l'adoption de l'arrêté municipal visé à l'article L. 129-1 et à permettre, le cas échéant, l'exécution d'office de travaux .
Le dispositif retenu est, une fois encore, calqué sur celui figurant à l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation.
1. La contestation des motifs de l'arrêté ou des mesures prescrites
Le texte proposé pour l'article L. 129-2 offre aux propriétaires d'un immeuble collectif ayant fait l'objet d'un arrêté sur le fondement de l'article L. 129-1 la possibilité d'en contester les motifs ainsi que les mesures prescrites. Dans cette hypothèse , les propriétaires ont la faculté de demander à ce qu'une expertise contradictoire soit menée, afin de déterminer si les motifs de l'arrêté ou les mesures qui y sont prescrites sont légitimes.
L'intervention de l'expert désigné par les propriétaires doit se faire, selon le texte, « au jour fixé par l'arrêté », ce qui implique que ce dernier devra obligatoirement informer ses destinataires de la possibilité de contester l'arrêté en nommant un technicien. On doit estimer que, conformément à la solution dégagée par la jurisprudence pour l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, le défaut de mention sur ce point entraînera la nullité de l'arrêté. 15 ( * )
Le deuxième alinéa du texte proposé pour cet article vise néanmoins l'hypothèse dans laquelle aucun expert n'aurait été désigné, alors même que les propriétaires persisteraient à contester l'intervention du maire sur leur bien.
Dans ce cas, il est procédé à une expertise non contradictoire effectuée par le technicien nommé par le maire. Bien que le texte ne le précise pas, il faut comprendre que l'expert examinera alors l'état des équipements pour lesquels l'arrêté a été pris et fera état de ses constatations, le cas échéant, dans un rapport qui pourra être produit en justice par le maire.
2. L'intervention du juge administratif
L'arrêté pris au titre de l'article L. 129-1 susvisé ne revêt un caractère exécutoire qu'après que le juge administratif a statué.
Le juge administratif, statuant contradictoirement, peut en effet être saisi afin d' ordonner les mesures à réaliser sur l'immeuble et de déterminer le délai dans lequel elles devront être exécutées. Il peut, en outre, ordonner l'exécution d'office des mesures qu'il prescrit si ces dernières n'ont pas été accomplies par le propriétaire dans le délai fixé. Cette exécution d'office intervient aux frais du propriétaire.
Si la juridiction administrative devant laquelle le litige administratif est porté n'est pas précisée par le texte du projet de loi, il faut déduire des règles générales de répartition des compétences juridictionnelles définies par le code de justice administrative, que le tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le bâtiment devra être en principe saisi.
Article L. 129-3 nouveau
Mesures provisoires
L'état de détérioration de certains immeubles collectifs à usage d'habitation peut justifier le prononcé par le maire de mesures d'urgence à caractère provisoire. Selon un dispositif très proche de celui prévu à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation s'agissant des édifices menaçant ruine, le texte proposé pour l'article L. 129-3 nouveau du même code prévoit une procédure d'urgence.
1. Les conditions d'ouverture de la procédure
La mise en oeuvre de cette procédure est soumise à trois conditions cumulatives :
- l'existence d'une urgence ou d'une menace grave et imminente. L'appréciation de cette condition par le maire - tout comme par le juge - se fera au cas par cas, en fonction des données propres à chaque situation ;
- un avertissement adressé aux propriétaires de l'immeuble ;
- la saisine du juge d'instance , aux fins d'obtenir la nomination d'un expert chargé d'examiner l'état des équipements communs.
L'intervention du juge d'instance, à la place du juge administratif, est déjà prévue par la législation sur les édifices menaçant ruine. La préférence du législateur a été de confier cette compétence à un juge proche des administrés, qui peut être saisi rapidement et selon des règles de procédure allégées. Cette préférence est confirmée par le présent projet de loi.
La saisine du juge d'instance a un caractère indispensable : le maire ne saurait désigner lui-même l'expert chargé de constater l'état de l'immeuble, contrairement au régime prévu par le texte proposé pour l'article L. 129-2 du code de la construction et de l'habitation. Néanmoins, l'intervention du juge d'instance apparaît, en la matière, simplement formelle. Il ne semble disposer d'aucun pouvoir d'appréciation sur la nécessité de procéder ou non à la nomination d'un expert.
Votre commission rappelle d'ailleurs que, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le juge d'instance saisi ne peut refuser de déférer à la réquisition du maire et que l'ordonnance par laquelle est nommé l'expert, constituant un simple acte d'administration judiciaire, est insusceptible de recours.
Saisi, le juge d'instance nomme l'expert qui doit, dans les vingt-quatre heures de sa désignation, examiner l'état des équipements communs. Il va sans dire que cette nomination par le juge devra intervenir dans les plus brefs délais, dès lors qu'il existe une urgence ou une menace imminente.
2. Les mesures susceptibles d'être prononcées
Des mesures destinées à parer à la menace grave et imminente résultant de l'état de l'immeuble ne peuvent être prises par le maire qu'après que l'expert a constaté la réalité de l'urgence et de la menace. L'intervention du technicien est donc, dans le cadre de cette procédure, déterminante. Il résulte de l'économie du texte que le maire ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation sur ce point : il ne pourrait ainsi prescrire aucune mesure dont la nécessité n'aurait pas été au préalable constatée par l'expert.
Le maire peut alors ordonner « les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité des occupants ». Ses prérogatives sont donc doublement encadrées.
D'une part, il ne saurait prescrire que des mesures à caractère provisoire . D'autre part, ces mesures doivent être proportionnées aux nécessités de la sécurité des occupants de l'immeuble . Par analogie avec le régime des édifices menaçant ruine, il convient de souligner que des travaux excédant ceux qui sont nécessaires pour faire face à l'urgence de la situation ne sauraient être prescrits sur le fondement de l'article L. 129-3 nouveau du code de la construction et de l'habitation. 16 ( * )
A titre illustratif, le projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait que le maire pouvait « notamment » prescrire dans ce cadre, l'évacuation de l'immeuble. A l'initiative du rapporteur de sa commission des Affaires économiques, l'Assemblée nationale a, en première lecture, tenu à préciser que cette mesure ne devait être prononcée que si elle revêtait un caractère « nécessaire », ce qui découlait déjà, au demeurant, de l'économie du présent texte.
Le présent article prévoit en outre la possibilité pour le maire de faire exécuter d'office et aux frais des propriétaires les travaux d'urgence nécessités par l'état du bâtiment. Contrairement à la procédure de droit commun visée par le texte proposé pour l'article L. 129-2 du code de la construction et de l'habitation, l'intervention du juge administratif n'est ici pas exigée.
La dernière phrase du second alinéa du présent article du projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, dispose qu'« il est ensuite procédé conformément à l'article L. 129-2 ». En effet, seul le recours à la procédure prévue à ce dernier article permet au maire de prescrire des mesures présentant plus qu'un caractère provisoire. Cependant, dans ce cas, le litige est directement porté devant le juge administratif qui déterminera les mesures à réaliser et les délais d'exécution. Le cas échéant, il pourra autoriser le maire à exécuter d'office les travaux dépassant le caractère de travaux d'urgence, rendus nécessaires par l'état de l'immeuble.
Article L. 129-4 nouveau
Avance et recouvrement des frais
afférents à l'exécution d'office de travaux
L'article L. 129-4 nouveau du code de la construction et de l'habitation préciserait les modalités de financement des travaux effectués d'office par le maire sur les équipements défectueux .
L'exécution d'office des travaux sur les équipements communs peut intervenir à deux stades : lorsque des travaux sont prescrits conformément à l'article L. 129-2 nouveau du code de la construction et de l'habitation ou lorsqu'ils sont ordonnés sur la base de l'article L. 129-3 nouveau du même code. Selon ces deux dispositions, les frais occasionnés par cette exécution d'office sont mis à la charge des propriétaires.
L'article L. 129-4 prévoit que les frais afférents à l'exécution d'office des mesures prescrites sont avancés par la commune et recouvrés comme en matière d'impôts directs . La procédure de recouvrement des produits communaux par le comptable public, en vertu d'un état rendu exécutoire par le maire, 17 ( * ) serait donc applicable.
Cette solution est déjà celle retenue par l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation relatif aux bâtiments menaçant ruine.
Article L. 129-5 nouveau
Dispositions particulières applicables
à Paris
Cet article tend à prendre en compte la spécificité de la répartition des compétences en matière de police administrative à Paris. Les compétences en la matière y sont en effet partagées entre le maire de Paris et le préfet de police.
Le présent article prévoit, en conséquence, que les compétences attribuées au maire par les articles L. 129-1 à L. 129-4 sont exercées, à Paris, par le préfet de police.
Cette disposition conforte d'ailleurs, au niveau législatif, la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière d'édifices menaçant ruine, aux termes de laquelle ce pouvoir de police spéciale relève à Paris de la compétence du préfet de police agissant au nom et pour le compte de la ville de Paris. 18 ( * )
Article L. 129-6 nouveau
Renvoi à un décret en Conseil
d'Etat
Cet article, après amélioration rédactionnelle de l'Assemblée nationale, prévoit que les conditions d'application de l'article L. 129-1 du code de la construction et de l'habitation seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.
En outre, le texte prévu pour cet article énonce, à titre purement illustratif, que ce texte de nature réglementaire précisera notamment la nature des équipements communs concernés.
La formulation retenue implique que les équipements communs qui pourront faire l'objet de l'intervention de l'autorité municipale ou, le cas échéant, préfectorale, au titre du présent chapitre, seront limitativement énumérés par ce décret d'application.
Lors de la rédaction du décret, il conviendra que les dispositions réglementaires soient insérées dans la partie réglementaire du code de la construction et de l'habitation.
II. La position de votre commission des Lois
Votre commission constate que notre législation comportait déjà un certain nombre de dispositifs visant à assurer la sécurité des immeubles et permettant l'intervention des pouvoirs publics dans le but de restaurer les conditions d'un habitat correct pour les occupants d'immeubles dégradés.
Ainsi qu'il l'a été précédemment souligné, le présent article du projet de loi vise ainsi à créer un nouveau dispositif dont le champ d'application se limite aux immeubles à usage principal d'habitation , en reproduisant presque à l'identique la procédure actuellement prévue aux articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation relatifs aux édifices menaçant ruine.
Votre commission comprend l'intention du gouvernement ayant guidé la création de cette nouvelle procédure, et partage la même volonté de garantir une meilleure sécurité des immeubles à usage d'habitation.
Toutefois, dans la mesure où le dispositif prévu au présent article s'appliquerait à l'ensemble des immeubles collectifs à usage principal d'habitation et que lesdits immeubles ne sont pas tous nécessairement recensés, il apparaît utile de réserver cette procédure aux cas pour lesquels le conseil municipal a constaté, par une délibération motivée, l'existence d'immeubles collectifs à usage principal d'habitation dont certains équipements communs présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants. Votre commission des Lois vous propose par conséquent un amendement à cet effet.
Votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 15, ainsi modifié.
Article 16
(art. 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965
fixant le statut de la copropriété des immeubles
bâtis)
Assistance de l'administrateur provisoire de
copropriété
par un tiers pour l'exercice de ses fonctions
Le présent article a pour objet de préciser l'article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis afin d' autoriser l'administrateur provisoire de la copropriété à se faire assister par un tiers lors de l'accomplissement de sa mission . L'Assemblée nationale a apporté, en première lecture, des précisions rédactionnelles à cet article.
Lors de l'adoption de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, le législateur a souhaité instituer un mécanisme d'administration provisoire au profit des copropriétés en difficulté. Le dispositif a été partiellement modifié par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain.
Le régime de l'administration provisoire des copropriétés est ainsi désormais fixé par les articles 29-1 à 29-6 de la loi précitée du 10 juillet 1965. Il est propre aux copropriétés, les règles relatives à la prévention et au règlement des difficultés des entreprises, ainsi que celles relatives au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ne leur étant pas applicables 19 ( * ) .
Le président du tribunal de grande instance, saisi par le syndic de la copropriété, le procureur de la République ou des copropriétaires représentant ensemble au moins 15 % des voix du syndicat, peut désigner un administrateur provisoire « si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ».
Cependant, l'administrateur provisoire nommé est, en principe, un administrateur judiciaire qui seul peut, en vertu des articles L. 811-1 et L. 811-2 du code de commerce, être désigné en justice pour administrer les biens d'autrui ou exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens. Or, comme le relevait le rapport du Conseil économique et social sur les copropriétés en difficulté, rendu en septembre 2002, les administrateurs judiciaires ne maîtrisent pas nécessairement tous les problèmes spécifiques des copropriétés 20 ( * ) .
L'alinéa 2 de l'article L. 811-1 du code de commerce autorise certes les tribunaux à désigner, « à titre exceptionnel » et par décision motivée, des personnes physiques ayant une expérience ou une qualification particulière. Mais cette possibilité apparaît particulièrement restrictive.
Le présent article ne renforce pas les règles de compétence des administrateurs judiciaires pouvant être nommés administrateurs provisoires de copropriétés. Il précise seulement les conditions d'exécution par l'administrateur provisoire de la mission qui lui a été confiée par le tribunal, en posant le principe de l'exécution personnelle, par l'administrateur, de sa mission.
Toutefois, l'article 16 du présent projet de loi donne à ce principe une portée toute relative, en permettant à l'administrateur provisoire de se faire assister par un tiers. Cette nouvelle disposition offre donc à l'administrateur la possibilité de se faire assister par une personne dotée de compétences particulières en matière de copropriété. Par ce biais, le travail de l'administrateur dans la gestion d'une copropriété en difficulté sera facilité.
Le recours de l'administrateur à un tiers est cependant encadré. Deux conditions doivent être satisfaites :
- d'une part, une condition de fond : le bon déroulement de la mission de l'administrateur provisoire doit requérir l'intervention d'un assistant ;
- d'autre part, une condition de forme : la faculté pour l'administrateur de se faire assister par un tiers doit être autorisée par le président du tribunal de grande instance, qui statue par décision motivée.
Sur ce point, la présente disposition donne au président du tribunal de grande instance saisi un pouvoir d'appréciation sur la nécessité de ce concours. Il faut cependant conclure de l'économie du dispositif retenu que le juge sera enclin à autoriser la nomination d'un tiers chargé d'assister l'expert lorsque les difficultés rencontrées par la copropriété sont particulièrement complexes et exigent, de ce fait, l'intervention d'une personne bénéficiant d'une compétence spécifique.
En tout état de cause, le choix laissé à l'administrateur sur l'identité de son assistant apparaît tout à fait discrétionnaire. Or, votre commission des Lois estime qu'il devrait revenir au juge de déterminer l'identité de la personne chargée d'assister ce mandataire.
Elle vous soumet, en conséquence, un amendement tendant à prévoir que le juge désigne la personne assistant l'administrateur de copropriété, sur proposition de ce dernier.
Le texte précise, en outre, que le tiers que peut s'adjoindre l'administrateur provisoire est rétribué directement par ce dernier, sur sa propre rémunération.
Votre commission vous propose d' adopter l'article 16 ainsi modifié .
Article 17
(art. L. 615-6 et L. 615-7 nouveaux
du code de la
construction et de l'habitation)
Etat de carence dans la gestion
d'un
immeuble collectif à usage d'habitation
Cet article tend à compléter le chapitre V du titre Ier du livre VI du code de la construction et de l'habitation par deux articles L. 615-6 et L. 615-7. Ce chapitre, inséré par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, institue des mesures de sauvegarde visant à restaurer le cadre de vie des occupants et usagers d'immeubles ou de groupes d'immeubles bâtis.
Dans ce cadre, les articles L. 615-1 à L. 615-5 du code de la construction et de l'habitation permettent la création de plans de sauvegarde ayant notamment pour objet de clarifier et simplifier les structures et les règles d'administration des immeubles concernés et de réaliser des travaux de conservation ou des travaux tendant à réduire leurs charges de fonctionnement.
L'article 17 du présent projet de loi complète ce dispositif en prévoyant la possibilité de constater l'état de carence de l'entité gestionnaire d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation, en vue de procéder à son expropriation pour cause d'utilité publique .
Article L. 615-6 nouveau
Etat de carence dans la gestion d'un immeuble
collectif
à usage principal d'habitation
La constatation d'une carence grave dans la gestion d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation est un préalable indispensable à l'intervention publique.
1. L'état de carence dans la gestion de l'immeuble collectif à usage principal d'habitation
Aux termes du premier alinéa du texte proposé par cet article, l'état de carence peut être déclaré à l'égard des personnes morales chargées d'assurer la gestion d'immeubles collectifs à usage principal d'habitation. En vertu du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation, il s'agirait :
- d'un syndicat de copropriétaires , régi par les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
- d'une société d'attribution . Une telle société, régie par les articles L. 212-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, a pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété et en jouissance. L'objet social comprend nécessairement la gestion et l'entretien des immeubles concernés, jusqu'à la mise en place d'une organisation différente ; 21 ( * )
- d'une société coopérative de construction . Ce type de société, régi par les articles L. 213-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, par les dispositions non contraires du titre III de la loi du 24 juillet 1867 et de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ainsi que par les articles L. 212-2 et L. 212-6 du code susmentionné, a pour objet la construction d'un ou plusieurs immeubles en vue de leur division par lots ou d'un ensemble de maisons individuelles groupées à usage professionnel et d'habitation destinées à être attribués ou vendus aux associés. Son objet inclut également la gestion et l'entretien des immeubles jusqu'à la mise en place d'une organisation différente. 22 ( * )
Il convient donc de noter que l'état de carence ne pourrait être constaté à l'égard d'une personne physique, unique propriétaire d'un immeuble à usage collectif d'habitation, qui serait dans l'incapacité d'exercer ses missions de gestion. Cette exclusion peut s'expliquer par le fait que l'objet essentiel du projet de loi est d'offrir un dispositif destiné à « sauver » des immeubles ayant plusieurs propriétaires, soit dans le cadre d'une copropriété régie par la loi précitée du 10 juillet 1965, soit par l'une des sociétés susmentionnées.
Aux termes du présent article, dans sa rédaction antérieure à la première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale, l'état de carence consistait seulement en l'incapacité d'exercer des missions de gestion . Cette formulation était susceptible de diverses interprétations mais était éclairée par la suite de l'alinéa premier qui énonçait qu'un expert peut être chargé de « constater la nature et l'importance des travaux à mettre en oeuvre ainsi que le grave déséquilibre financier du syndicat ».
L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Affaires économiques, a cependant reformulé les conditions du déclenchement de la procédure prévue à cet article.
Désormais, pour qu'il y ait incapacité d'exercer les missions de gestion au sens de cet article, il est nécessaire de constater :
- l'incapacité pour le syndicat des copropriétaires, la société d'attribution ou la société coopérative de construction d'assurer ses missions de gestion et la conservation de l'immeuble ;
- ou que la sécurité des occupants de l'immeuble est gravement menacée.
Aux termes de l'article, ces conditions sont satisfaites lorsque sont relevées des « difficultés financières ou de gestion » et compte tenu de la « nature et l'importance des travaux à mettre en oeuvre » dans l'immeuble.
Pour votre commission, cette énumération est inutile : préciser que des difficultés de gestion entraînent une incapacité d'exercer des missions de gestion ou que, compte tenu de l'importance des travaux à mettre en oeuvre, la conservation de l'immeuble ou la sécurité des occupants n'est pas assurée, relève de la tautologie. La précision concernant le niveau d'endettement des propriétaires de l'immeuble n'apparaît, quant à elle, guère convaincante, dans la mesure où cet endettement n'est pas caractérisé et que, ce qui importe est l'état financier de la personne chargée de la gestion de l'immeuble (syndicat ou société) et non celui de l'ensemble des propriétaires .
Il reviendra, en tout état de cause, à l'expert désigné par le juge de constater l'état financier du syndicat ou de la société assurant la gestion de l'immeuble ainsi que la nature et l'importance des travaux à accomplir.
2. La déclaration de l'état de carence
La constatation de la carence dans la gestion de l'immeuble est soumise à l'intervention de l'autorité judiciaire .
Pour ce faire, le président du tribunal de grande instance doit être saisi aux fins de voir nommer un expert .
Les personnes susceptibles de saisir le juge sont limitativement énumérées par le texte. Il s'agit, avant tout, du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sur le territoire duquel est implanté l'immeuble. Un tel établissement peut en effet avoir reçu de ses membres compétence en matière de logement.
Votre commission des Lois estime cependant nécessaire de préciser que seul un établissement public de coopération intercommunale compétent en cette matière peut saisir le juge.
Le préfet, le procureur de la République, le syndic de copropriété de l'immeuble concerné ou des copropriétaires représentant au moins 15 % des voix du syndicat peuvent également saisir le président du tribunal de grande instance aux mêmes fins. Néanmoins, dans cette hypothèse, le présent article prévoit que cette saisine ne sera recevable que si elle a été effectuée avec l'accord du maire ou du président de l'établissement public concerné.
Ce régime d'autorisation s'explique par le fait que, en vertu du texte proposé pour insérer un article L. 615-7 dans le code de la construction et de l'habitation, seuls la commune et l'établissement public de coopération intercommunale peuvent poursuivre l'opération d'expropriation après que l'état de carence a été constaté.
Compte tenu de l'économie du texte, le président du tribunal de grande instance se voit donner une faculté d'appréciation sur la nécessité de l'expertise.
Le juge statuera « comme en matière de référé ou sur requête ». Il faut en déduire que le président du tribunal de grande instance rend un jugement au fond en la matière, et non une simple décision provisoire. Un choix entre la procédure de référé et la procédure sur requête est donc offert : dans un cas, la procédure sera contradictoire, alors que dans l'autre, le juge rendra sa décision non contradictoirement.
Compte tenu des observations qu'elle vous a présentées sur le premier alinéa du texte proposé par cet article, votre commission des Lois vous soumet un amendement de réécriture de la première phrase de cet alinéa afin de préciser :
- que la procédure de déclaration de l'état de carence peut être entamée lorsque le syndicat des copropriétaires, la société d'attribution ou la société coopérative de construction est dans l'incapacité d'exercer ses missions de gestion et d'assurer la conservation de l'immeuble en raison de son grave déséquilibre financier ou lorsque la sécurité des occupants est gravement menacée, et que l'expert désigné a pour mission de constater la nature des travaux à accomplir ainsi que l'état financier du syndicat ou de la société assurant la gestion de l'immeuble ;
- que, outre le maire, seul un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement peut saisir le juge dans le cadre de la présente procédure.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 615-6 précise que les résultats de l'expertise sont notifiés au syndicat des copropriétaires, le cas échéant, à l'administrateur provisoire de la copropriété ou au gérant de la société d'attribution ou de la société coopérative de construction, avec mention du délai dans lequel le rapport de contre-expertise peut être présenté.
Votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à prévoir que la notification est faite, non au gérant de la société d'attribution ou de la société coopérative de construction, mais à son représentant légal dans la mesure où ces sociétés peuvent revêtir toute forme de société prévue par la loi. Or, les sociétés anonymes, par exemple, ne disposent pas, à proprement parler, d'une gérance.
En second lieu, aux termes du troisième alinéa du texte prévu pour l'article L. 615-6, « en cas de désaccord », le président du tribunal de grande instance statue sur les conclusions de l'expertise, après avoir entendu les parties dûment convoquées et peut, au terme de cette procédure, déclarer l'état de carence du syndicat de copropriétaires, de la société d'attribution ou de la société coopérative de construction.
On peut s'étonner que l'intervention du juge ne soit prévue qu'en cas de désaccord. La constatation de l'état de carence doit nécessairement se faire par la voie judiciaire et sur la base des rapports déposés par les experts commis, quand bien même il n'y aurait aucun désaccord entre les parties concernant les conclusions de l'expertise. Votre commission vous soumet, en conséquence, un amendement de clarification rédactionnelle à cet alinéa.
Le quatrième alinéa du texte prévoit que la décision du président du tribunal de grande instance est notifiée :
- au syndicat des copropriétaires, à l'administrateur provisoire ou au gérant de la société d'attribution ou de la société coopérative de construction. Par cohérence avec l'amendement qu'elle vous a présenté au deuxième alinéa de ce texte, votre commission des Lois vous soumet un amendement visant à remplacer le terme gérant par les mots « représentant légal » ;
- à chacun des copropriétaires ;
- au maire de la commune ou au président de l'établissement de coopération intercommunale ;
- ainsi qu'à « la personne à l'origine de la saisine ». Votre commission des Lois vous soumet un amendement afin de substituer la notion d' « auteur » de la saisine.
En première lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur de sa commission des Affaires économiques, a précisé qu'en cas d'impossibilité d'identifier ou de déterminer l'adresse des personnes susmentionnées, cette notification était valablement effectuée par un double affichage : sur l'immeuble lui-même, d'une part ; à la mairie de la commune ou, à Paris, Lyon et Marseille, à la mairie de l'arrondissement concerné, d'autre part.
Article L. 615-7 nouveau
Expropriation de l'immeuble
pour lequel
l'état de carence a été déclaré
Cet article vise à tirer les conséquences de la déclaration de l'état de carence par le président du tribunal de grande instance. Une fois l'état de carence déclaré, une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique peut être engagée .
Ainsi peut être assurée la maîtrise publique de bâtiments collectifs à usage d'habitation, lorsque seule cette solution permet de remédier à leur détérioration continue.
L'expropriation sera effectuée sur la base des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui prévoit une phase administrative au cours de laquelle l'utilité publique d'un projet est déclarée et une phase judiciaire - devant le juge de l'expropriation - qui assure le transfert de propriété du bien soumis à expropriation et l'indemnisation de la personne expropriée.
Toutefois, deux différences doivent être relevées par rapport au droit commun de l'expropriation.
En premier lieu, aux termes du texte proposé par le projet de loi, le bénéficiaire de la procédure d'expropriation ne peut être que « la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale ».
En second lieu, l'utilité publique est ici perçue restrictivement puisque l'opération d'expropriation ne peut avoir pour objet que de « mettre en oeuvre des actions ou opérations concourant à la réalisation d'objectifs de rénovation urbaine et de politique locale de l'habitat ».
Les personnes publiques susmentionnées ne pourront, en conséquence, entreprendre l'expropriation qu'en vue de satisfaire à cet objet unique. Elles ne pourront poursuivre d'autres finalités que celle prévue par le texte qui leur laisse cependant une marge d'appréciation relativement large pour déterminer, en pratique, ce qui peut constituer une action ou opération concourant à la réalisation d'objectifs de rénovation urbaine et de politique locale de l'habitat.
Votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 17, ainsi modifié.
Article 18
(art. L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique)
Cession ou concession des immeubles
expropriés pour cause d'utilité publique à la suite d'une
déclaration d'état de carence
Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, vise à modifier l'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique afin de prévoir que les immeubles expropriés pour lesquels l'état de carence a été déclaré en application de l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation peuvent faire l'objet d'une cession de gré à gré ou d'une concession temporaire .
L'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique donne en effet à la personne publique expropriante la faculté d'exproprier des biens immobiliers pour le compte de personnes auxquelles la qualité d'expropriant n'appartient pas, par le biais de deux techniques juridiques :
- d'une part, la cession de gré à gré du bien exproprié. Dans ce cadre, la transmission de la propriété du bien de la collectivité expropriante à l'acquéreur se fait sans formalité ou procédure particulière ;
- d'autre part, la concession temporaire de ce bien. Il s'agit d'un contrat par lequel l'administration - concédante - confère, pour une durée limitée, à une personne privée - concessionnaire - des droits et avantages spéciaux sur le domaine de la personne publique, moyennant le respect de certaines obligations particulières.
Dans les deux cas, les contrats de cession ou de concession sont assortis d'un cahier des charges énumérant les obligations et contraintes qui pèsent sur les personnes cessionnaires ou concessionnaires des biens expropriés lors de l'utilisation de ces derniers. Les cessionnaires et concessionnaires doivent respecter le cahier des charges sous peine de voir le contrat résolu pour inexécution. 23 ( * )
Ce mécanisme, initialement défini par la loi n° 53-683 du 6 août 1953 tendant à accorder des facultés supplémentaires en vue de l'expropriation de terrains nécessaires à la construction d'habitation et à l'aménagement de zones affectées à l'habitation ou à l'industrie a été étendu à plusieurs types d'opérations d'expropriation limitativement énumérées à l'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Plus particulièrement, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain a inséré dans cet article un paragraphe 2° bis permettant l'utilisation de la procédure de cession ou de concession susvisée, entre autres, aux « immeubles expropriés et situés dans un ensemble immobilier faisant l'objet d'un plan de sauvegarde en application de l'article L. 615-1 du code de la construction et de l'habitation ».
L'article 18 du présent projet de loi complèterait ce dispositif en ajoutant la faculté de recourir au mécanisme de cession ou de concession prévu par l'article L. 21-1 du code de l'expropriation à l'égard des immeubles pour lesquels l'état de carence a été déclaré en application de l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation .
Grâce à cet ajout, la personne expropriante sera ainsi en mesure de confier la réhabilitation des immeubles expropriés après déclaration d'un état de carence à des personnes privées qui pourront rapidement effectuer les travaux nécessaires à l'amélioration de l'habitat.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18 sans modification.
Article 19
(art. 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative
à l'aide juridique)
Octroi du bénéfice de l'aide
juridictionnelle
aux syndicats de copropriétaires
Cet article vise à faire bénéficier certaines copropriétés en difficulté des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
L'article 2 de cette loi dispose qu'une aide juridictionnelle peut être octroyée aux personnes « dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice ». Si cette possibilité a été spécialement conçue au bénéfice des personnes physiques, des personnes morales sont également susceptibles de profiter de ce dispositif.
L'alinéa 2 de l'article 2 de la loi précitée prévoit en effet que le bénéfice de l'aide juridictionnelle « peut être exceptionnellement accordé aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France et ne disposant pas de ressources suffisantes ».
Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, en 2002, sur 689.000 dossiers admis par les bureaux d'aide juridictionnelle au titre de l'article 2 de la loi susvisée, seuls 20.600, soit environ 3 %, ont concerné des personnes morales, la plupart émanant d'associations dans le cadre de procédures de constitution de partie civile.
Face à cet état de fait, il convenait donc de s'interroger sur la possibilité offerte aux copropriétés en difficulté, en l'état actuel du droit, de bénéficier du dispositif de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991. En réponse à une question écrite, le ministre du logement avait estimé, dès septembre 1996, que cette base juridique permettait aux copropriétés en difficulté de bénéficier du régime de l'aide juridictionnelle. 24 ( * )
En l'état actuel du droit, les copropriétés en difficulté, comme toutes les personnes morales, sont donc susceptibles de bénéficier du dispositif prévu par l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Toutefois, certains acteurs souhaitaient aller plus loin dans la reconnaissance expresse du bénéfice de l'aide juridictionnelle aux copropriétés en difficultés. Le Conseil économique et social, notamment, dans un avis adopté le 24 septembre 2000 sur les copropriétés en difficulté, s'était déclaré favorable à la reconnaissance expresse du droit à l'aide juridictionnelle pour le syndicat de copropriétaires reconnu en difficulté 25 ( * ) .
L'article 19 du présent projet de loi s'inscrit dans cette problématique et tend à faciliter l'accès des copropriétés en difficulté à l'aide juridictionnelle en précisant expressément que certaines d'entre elles pourront bénéficier de ce dispositif . Il s'agit :
- des copropriétés d'immeubles faisant l'objet d'un plan de sauvegarde en application de l'article L. 615-1 du code de la construction et de l'habitation . Un plan de sauvegarde peut en effet, en vertu de cette disposition, être proposé au préfet par une commission en vue de restaurer le cadre de vie des occupants ou usagers d'un groupe d'immeubles bâtis, lorsque celui-ci est dégradé ;
- des copropriétés faisant l'objet d'une administration provisoire, en application de l'article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée . En première lecture à l'Assemblée nationale, après des débats sur l'utilité même de la présente disposition, le Gouvernement a, par amendement, opportunément substitué ce cas d'ouverture à celui initialement prévu par le projet de loi qui accordait le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux copropriétés d'immeubles faisant l'objet d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat, en application de l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation. Une convention peut en effet être conclue, sur la base de cet article, entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, et l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ainsi que l'Etat, afin d'améliorer l'offre de logements et de maintenir ou développer les services de voisinage.
Enfin, à la suite de l'amendement présenté par le Gouvernement, il découle du texte proposé que le bénéfice de l'aide juridictionnelle pourra être accordé « pour l'exercice des actions de recouvrement des créances, tant en demande qu'en défense ».
L'ajout opéré par l'article 19 du présent projet de loi ne fait, en tout état de cause, que confirmer une faculté qui s'offrait déjà aux copropriétés. Cependant, la rédaction actuellement retenue par cet article est ambiguë.
D'une part, le caractère exceptionnel de l'accès de ces copropriétés au bénéfice de l'aide juridictionnelle paraît ne plus être exigé. D'autre part, les copropriétés concernées ne semblent pas tenues de démontrer qu'elles ne disposent pas de ressources suffisantes pour leur permettre d'exercer les actions en justice nécessaires pour obtenir le respect de leurs droits.
Votre commission des Lois estime cependant que ces deux conditions, exigées pour l'ensemble des personnes morales, en vertu du second alinéa de l'article 2 de la loi précitée du 10 juillet 1991 doivent également être satisfaites pour que les copropriétés visées par l'article 19 du présent projet de loi bénéficient de l'aide juridictionnelle. Elle vous soumet, en conséquence, un amendement à cet effet.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .
* 13 Voir l'article 3, alinéa 1 er de la loi ainsi que ses articles 10 et 14-1 qui énoncent la répartition des charges et dépenses concernant les équipements communs de l'immeuble en copropriété.
* 14 Voir notamment, CE, 18 janvier 1974, Commune de Boigne-Ville c. Dame Dufour ; CE, 4 décembre 1995, Préfet de police de Paris.
* 15 Voir CAA Nancy, 19 mars 1992, Cochard, req. n° 91NC00126.
* 16 Voir notamment, CAA Lyon, 25 janvier 1993, Epoux Duhamel.
* 17 Voir, d'une part, l'article L. 2343-1 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, l'article L. 281 du livre des procédures fiscales.
* 18 Voir notamment, CE, 31 mai 1985, Ville de Paris c. Ribes et Karajan ; CE, 6 mars 1987, Etablissements Roth.
* 19 Article 29-6 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
* 20 « Copropriétés en difficulté », Rapport présenté au nom de la section du Cadre de vie du Conseil économique et social par Mme Frédérique Rastoll, 24 septembre 2002.
* 21 Alinéa 2 de l'article L. 212-1 du code de la construction et de l'habitation.
* 22 Alinéa 2 de l'article L. 213-1 du code de la construction et de l'habitation.
* 23 Article L. 21-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
* 24 Réponse à la question écrite n° 39710 de M. André Gérin, député, JOAN Questions du 2 septembre 1996, p. 4714.
* 25 Op. cit., p. I-12.