TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de M. André Lardeux sur le projet de loi n° 116 (2002-2003) relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages .
M. André Lardeux, rapporteur pour avis , a rappelé que la commission des affaires sociales avait souhaité se saisir pour avis de certaines dispositions de ce projet de loi, dans la mesure où le risque industriel restait, avant tout, un risque au travail : lors de la catastrophe de Toulouse, sur les 30 personnes ayant trouvé la mort, 22 étaient des salariés occupés sur le site de l'Usine Grande Paroisse. Il s'est donc félicité que ce texte comporte un volet substantiel sur l'amélioration de la sécurité au travail dans les établissements à risques.
Il a souligné que les événements récents, quelles que soient leur gravité et l'émotion qu'ils ont pu susciter, ne devaient cependant pas masquer les progrès réalisés, depuis trente ans, en matière de sécurité au travail.
Il a observé que ces progrès relatifs étaient intervenus parallèlement à un renforcement progressif et significatif de la réglementation, notamment sous l'influence croissante de la législation communautaire.
Il s'est également félicité de l'implication croissante des partenaires sociaux en matière de sécurité au travail. A cet égard, il a rappelé que le 13 septembre 2000, avait été conclu l'accord national interprofessionnel sur la santé au travail et que, dans les branches, et notamment celles les plus exposées au risque industriel, plusieurs accords importants avaient été conclus ou étaient en cours de négociation.
Pour autant, il a considéré que ces progrès ne pouvaient conduire au risque zéro et qu'il importait d'améliorer encore la législation applicable en matière de sécurité au travail.
Il a ainsi insisté sur l'apport des différents groupes de réflexion mis en place dans le cadre de la préparation du projet de loi, dont les travaux ont permis de mettre en lumière une triple insuffisance de notre politique de prévention.
Il a d'abord estimé que notre législation prenait encore insuffisamment en compte les conséquences de l'externalisation et du recours croissant à la sous-traitance.
Il a aussi jugé que l'association des salariés et de leurs représentants à la maîtrise des risques n'était sans doute pas optimale. A cet égard, il a précisé que les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) constituaient des instruments reconnus et utiles, mais que leur fonctionnement demeurait encore très inégal et surtout, que leur capacité à appréhender le risque industriel dans les établissements les plus dangereux restait limitée.
Il a enfin estimé que la coordination des services de l'Etat compétents en matière de prévention des risques industriels demeurait insuffisante.
M. André Lardeux, rapporteur pour avis, a alors indiqué que le présent projet de loi s'inspirait largement de ces analyses et cherchait en cela à apporter quelques réponses concrètes aux insuffisances mises en évidence.
Observant que le projet de loi reprenait, pour l'essentiel, dans son volet social, la trame, le champ d'application et les principales dispositions du projet de loi déposé par le précédent gouvernement en février dernier, il a considéré qu'il marquait néanmoins une inflexion importante dans sa philosophie, le changement essentiel résidant dans un recours accru au dialogue social.
Il a estimé que cette orientation se justifiait pleinement en matière de sécurité au travail, sans doute plus encore que dans d'autres domaines. Il a ainsi rappelé que, dans le cadre des groupes de réflexion mis en place après la catastrophe de Toulouse, les partenaires sociaux étaient largement convenus qu'un certain nombre de règles pouvaient difficilement être fixées, de manière uniforme, par la loi ou le décret face à la diversité des situations et qu'il était dès lors souhaitable de privilégier les accords collectifs pour mieux responsabiliser les acteurs et pour garantir une meilleure adaptation de la réglementation applicable aux spécificités des branches et des entreprises.
Rappelant que le volet social du projet de loi, en cohérence avec les autres dispositions du texte, visait les 672 établissements classés Seveso « seuils hauts », employant directement environ 150.000 salariés, et concernait donc les établissements qui présentent le risque industriel le plus important, il a indiqué que les articles 5 à 11 du projet de loi visaient principalement à mieux prévenir les conséquences de l'externalisation, à améliorer la capacité d'intervention des représentants du personnel et à garantir une meilleure formation aux risques.
M. André Lardeux, rapporteur pour avis, a alors indiqué souscrire très largement aux orientations générales du projet de loi qui répondaient, de manière équilibrée, au souci de renforcer la sécurité des personnes dans les établissements à risques, sans pour autant multiplier des contraintes inutiles et coûteuses pour les entreprises.
Il a jugé que tout renforcement de la législation en matière de prévention des risques industriels ne pourrait en pratique produire des résultats concrets que s'il répondait à une triple exigence de partenariat, de simplicité et d'équité. Il a estimé que le projet de loi lui semblait souscrire, pour l'essentiel, à cette triple exigence, même s'il a cru souhaitable de le modifier ou de le compléter sur certains points.
Il a considéré qu'un renforcement effectif de la sécurité au travail passait d'abord par un approfondissement des partenariats entre l'ensemble des acteurs présents sur le site à risque, préalable indispensable à leur responsabilisation respective.
Sur ce point, il a jugé que le projet de loi comportait des mesures fortes et innovantes, en encourageant la concertation entre les entreprises donneuses d'ordre et les entreprises sous-traitantes, notamment par une évaluation conjointe des risques et une définition commune des mesures de prévention ou par la mise en place d'une « formation d'accueil » aux risques pour les salariés des entreprises sous-traitantes, et en permettant de développer plus encore l'implication des salariés dans la sécurité par le renforcement, pour la prévention des risques industriels, du rôle et des moyens du CHSCT et par la mise en place d'une formation spécifique des membres du CHSCT sur les risques liés à l'activité de l'entreprise.
Il a toutefois jugé possible de favoriser plus encore les partenariats que ne le prévoyait le projet de loi, dans une double direction : mieux associer le CHSCT et l'inspection des installations classées et renforcer le rôle du CHSCT en cas d'incident qui aurait pu entraîner des conséquences graves et à développer ainsi le retour sur expériences.
M. André Lardeux, rapporteur pour avis, a estimé qu'en matière de sécurité au travail, la réglementation devait, avant tout, viser la simplicité afin d'être directement applicable et de permettre ainsi de prévenir efficacement les risques.
Il a observé que le projet de loi apportait déjà quelques éléments de clarification en confirmant par exemple le rôle de « chef de file » que doit jouer l'entreprise donneuse d'ordre.
En revanche, il a regretté qu'il comporte aussi des éléments de grande complexité, citant notamment la double formation du CHSCT.
Sur ce point, il a proposé, sans revenir sur le nécessaire principe de l'élargissement du CHSCT à des représentants des entreprises extérieures, de simplifier sensiblement le dispositif proposé, en renvoyant plus largement encore aux accords de branche et en permettant aussi un tel élargissement à tous les établissements comportant une installation soumise à autorisation -et notamment les établissements Seveso « seuils bas »- dès lors que les partenaires sociaux de la branche l'estiment souhaitable.
M. André Lardeux, rapporteur pour avis, a enfin estimé que l'exigence de sécurité au travail s'accommodait mal de quelconques inégalités de traitement fondées sur la taille de l'établissement ou le statut de l'intervenant, le format de la politique de prévention devant être avant tout fonction du risque.
A ce titre, il a proposé que le projet de loi prenne en considération non seulement la situation des salariés des entreprises extérieures, mais aussi celle des entrepreneurs individuels et des chefs d'entreprises non salariés qui sont également directement exposés et parties prenantes au risque, jugeant notamment souhaitable de leur permettre de bénéficier de la « formation d'accueil ».
Il a également souhaité aller vers une plus grande équité, quelle que soit la taille de l'établissement. Observant que le projet de loi renforçait le rôle du CHSCT en matière de prévention des risques industriels, il a indiqué que, parmi les établissements classés Seveso « seuils hauts » et malgré les risques encourus, un nombre non négligeable d'établissements ne comportait que peu de salariés et ne disposait pas toujours d'un CHSCT. Il a alors jugé nécessaire de favoriser l'implantation des CHSCT dans les « petits » établissements à risques.
M. Nicolas About, président , a salué la qualité du premier rapport sur un projet de loi que présentait M. André Lardeux devant la commission et en a partagé pleinement les orientations.
M. Michel Esneu a tenu à soulever deux points, tirés de son expérience d'élu local. D'abord, il s'est étonné du fait que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, le personnel ne dispose pas de représentants compétents en matière d'hygiène et de sécurité. Ensuite, il s'est déclaré surpris par le fait que l'élaboration des études de danger n'associe pas à la fois les entreprises et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) pour permettre une appréciation concertée des dangers répertoriés dans ces entreprises.
Mme Nelly Olin a déclaré partager largement les orientations retenues par le rapporteur. Se faisant écho des propos de M. Michel Esneu, elle a également suggéré d'associer les DRIRE à l'élaboration des études de danger.
Mme Sylvie Desmarescaux a exprimé les inquiétudes des habitants de la région de Dunkerque, vivant à proximité d'installations classées qui font face à une dépréciation de leurs biens et sont réticents à quitter leur logement dans le cadre des procédures d'expropriation mises en oeuvre.
Citant l'exemple de son département, M. Louis Souvet a évoqué la présence d'installations dangereuses au coeur même des zones résidentielles. Il a préconisé le déplacement de ces usines en dehors de ces zones, assurant qu'une telle opération serait plus protectrice et moins coûteuse que des mesures de prévention.
M. André Vantomme a rappelé la complexité du sujet abordé. Il a observé que la fermeture d'un site industriel nécessitait d'importants travaux de dépollution, dont témoignait le cas de Métaleurop sans que les responsabilités des uns et des autres soient clairement établies.
Il s'est demandé, en conséquence, si le projet de loi apportait des réponses à cette question.
M. Jean Chérioux , tout en partageant les préoccupations de ses collègues, a mis en garde contre un excès de réglementation qui fournirait aux entreprises industrielles un prétexte pour se délocaliser à l'étranger.
Mme Anne-Marie Payet a mis l'accent sur les risques naturels qui, selon elle, menaçaient davantage la Réunion que les risques industriels, malgré la présence, sur l'île, de quelques établissements classés Seveso.
M. Alain Vasselle s'est montré sceptique à l'égard d'un renforcement des moyens des DRIRE dont il a souligné les positions souvent « tatillonnes » et les exigences parfois excessives et variables de surcroît d'un département à l'autre.
M. Nicolas About, président, a constaté que de nombreuses interrogations des membres de la commission s'adressaient prioritairement au rapporteur de la commission des affaires économiques, saisie au fond du projet de loi. Il a suggéré au rapporteur pour avis de s'en faire l'écho auprès de son collègue rapporteur de cette commission.
Répondant aux intervenants, M. André Lardeux, rapporteur pour avis, a indiqué que certains des amendements qu'il proposait visaient à donner aux entreprises de moins de 50 salariés la possibilité de disposer de représentants compétents en matière de sécurité et d'hygiène. Il a ensuite précisé que l'Etat n'était pas entièrement exclu de l'élaboration des études de danger, observant qu'il avait la possibilité de demander aux entreprises d'approfondir, le cas échéant, le contenu de ces études.
Il a souligné que les salariés n'étaient généralement pas favorables aux déplacements de leur usine et a indiqué que le Gouvernement avait annoncé des initiatives quant aux responsabilités en matière de dépollution des sites industriels fermés.
Puis la commission a ensuite procédé à l'examen des articles 5 à 11 du projet de loi sur lesquels porte l'avis qu'elle présente, ainsi que des amendements proposés par M. André Lardeux, rapporteur pour avis.
A l'article 5 (rôle respectif du chef de l'entreprise utilisatrice et des chefs des entreprises extérieures dans les établissements Seveso « seuils hauts » en matière de sécurité), la commission a adopté un amendement de précision et un amendement visant à prendre en considération l'intervention de travailleurs indépendants dans l'établissement.
Après un large débat au cours duquel sont intervenus MM. Alain Vasselle, André Vantomme, André Lardeux, rapporteur pour avis, Nicolas About, président, et Mme Sylvie Desmarescaux , elle a également adopté un amendement visant à préciser le partage des responsabilités respectives entre le chef de l'entreprise utilisatrice et le chef de l'entreprise extérieure.
A l'article 6 (formation d'accueil des salariés des entreprises extérieures intervenant dans des établissements Seveso « seuils hauts »), elle a adopté, outre trois amendements rédactionnels et deux amendements rectifiant des erreurs matérielles, un amendement visant à ouvrir la formation d'accueil aux risques aux artisans et aux chefs d'entreprises extérieures pouvant intervenir directement dans l'établissement, et un amendement visant à préciser les conditions de financement de cette formation d'accueil.
A l'article 7 (information des autorités publiques en cas de mise en oeuvre du droit d'alerte), elle a adopté un amendement visant à rectifier une erreur matérielle.
A l'article 8 (moyens de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours), elle a adopté deux amendements de précision.
Avant l'article 9 , la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de favoriser l'implantation des CHSCT dans les établissements classés Seveso « seuils hauts » à l'initiative des représentants des personnels.
A l'article 9 (double formation du CHSCT dans les établissements Seveso « seuils hauts » et création d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail), outre un amendement de précision, la commission a adopté un amendement visant à supprimer la double formation du CHSCT au profit d'un élargissement de sa composition dans des conditions fixées par accord de branche et permettant d'étendre le champ d'application d'un tel élargissement, à l'initiative des partenaires sociaux, à l'ensemble des établissements comportant au moins une installation soumise à autorisation. Elle a également adopté un amendement tendant à renvoyer à un décret le soin de préciser les conditions de présidence du comité interentreprises de santé et de sécurité au travail.
A l'article 10 (nouvelles attributions du CHSCT dans les établissements classés Seveso « seuils hauts »), outre deux amendements de coordination, elle a adopté un amendement tendant à préciser l'obligation nouvelle d'établir une liste de postes relevant de fonctions de sécurité. Elle a également adopté un amendement tendant à confier au CHSCT le soin d'examiner tout incident qui aurait pu entraîner des conséquences graves et de favoriser ainsi le retour sur expériences.
A l'article 11 (composition et fonctionnement des doubles formations du CHSCT et formation spécifique aux risques des membres du CHSCT), elle a adopté deux amendements de coordination.
Après l'article 11 , la commission a adopté un amendement tendant à permettre à l'inspecteur des installations classées d'assister aux réunions du CHSCT.
La commission a enfin émis un avis favorable à l'adoption des articles 5 à 11 du projet de loi ainsi amendé.