SECONDE PARTIE
LES RELATIONS
FINANCIÈRES
ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES : UN BUDGET DE TRANSITION
Le montant total des ressources transférées par l'Etat aux collectivités territoriales en 2003 s'élèvera à 58,18 milliards d'euros , contre 56,5 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2002, soit une progression de 3,3 % .
En dépit de cette augmentation, la situation des finances locales appelle une réforme urgente, qui semble aujourd'hui enfin engagée.
I. DES CONCOURS DE L'ÉTAT EN AUGMENTATION
Les concours de l'Etat aux collectivités territoriales se répartissent en dotations, compensations d'exonérations d'impôts locaux et dégrèvements d'impôts directs locaux.
62 % d'entre eux sont des prélèvements sur recettes c'est-à-dire, aux termes de l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, des prélèvements destinés à « couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires 7 ( * ) ou [à] compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. »
Les crédits de la décentralisation inscrits au budget du ministère de l'intérieur s'élèveront à 9,7 milliards d'euros , en progression de 20 % par rapport à 2002. Ils représenteront la moitié des crédits de ce ministère (45 % en 2002), 83 % de leur augmentation entre 2003 et 2002, mais 16 % du montant total des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales .
Pour près de 95 % d'entre eux, ces crédits seront destinés à compenser des pertes de recettes fiscales ou des transferts de compétences, leurs gestionnaires ne disposant d'aucune marge de manoeuvre dans leur affectation. Comme le souligne notre collègue Michel Mercier rapporteur spécial de la commission des Finances, « leur transfert au sein des prélèvements sur recettes serait souhaitable ».
A. LA RECONDUCTION POUR UN AN DU CONTRAT DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITÉ
Depuis 1996, les principales dotations 8 ( * ) de l'Etat sont regroupées au sein d'une enveloppe dite « normée », dont l'évolution est contrainte par une indexation fixée à l'avance.
Dans le « pacte de stabilité », appliqué pour la période 1996-1998, cette indexation reposait sur l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac 9 ( * ) .
Le « contrat de croissance et de solidarité », institué pour les années 1999 à 2001 10 ( * ) , prévoyait quant à lui une évolution du montant de l'enveloppe normée en fonction d'un indice composé de l'évolution des prix de l'année à venir majorée d'une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut de l'année en cours : 20 % en 1999, 25 % en 2000, 33 % en 2001.
Ce dispositif visait à garantir une meilleure prévisibilité des ressources des collectivités territoriales et des charges de l'Etat, grâce à une programmation pluriannuelle des dotations . Il constituait également un instrument de maîtrise des dépenses publiques.
Au sein de l'enveloppe « normée », les dotations évoluaient selon leur propre règle d'indexation, à l'exception de la dotation de compensation de la taxe professionnelle qui en constituait la « variable d'ajustement » : le montant de cette dernière était déterminé de manière à assurer le respect de l'indexation de l'enveloppe.
A l'instar de la loi de finances pour 2002, l'article 29 du projet de finances pour 2003 reconduit pour un an le périmètre et le mode de calcul de l'évolution de l'enveloppe normée retenu en 2001 .
Compte tenu de son mode d'indexation, celle-ci aurait dû progresser de 1,9 % en 2003, soit 567 millions d'euros de plus qu'en 2002 11 ( * ) . En fait, les différents abondements dont bénéficieront les dotations qui la composent porteront son montant total à 30,85 milliards d'euros , soit un taux de croissance effectif de 3,5 %.
1. La dotation globale de fonctionnement
La dotation globale de fonctionnement constitue le principal concours financier de l'Etat aux collectivités locales (57 % du montant total des dotations et 33 % de l'ensemble des concours financiers). Dans le projet de loi de finances pour 2003, son montant s'élève à 18.872,2 millions d'euros , en progression de 1,8 % par rapport à 2002.
a) La structure de la dotation globale de fonctionnement
La dotation globale de fonctionnement est répartie entre les communes et leurs groupements, d'une part, et les départements, d'autre part.
La dotation des communes (15 milliards d'euros en 2002) est divisée en deux sous-dotations : une dotation forfaitaire (13 milliards d'euros en 2002) et une dotation d'aménagement (2 milliards d'euros 12 ( * ) ).
La dotation d'aménagement est elle-même divisée en trois enveloppes : la dotation d'intercommunalité (1,65 milliard d'euros en 2002), versée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la dotation de solidarité urbaine (592,7 millions d'euros) et la dotation de solidarité rurale (121,3 millions d'euros pour la fraction « bourgs-centres » et 263,6 millions d'euros pour la fraction péréquation en 2002), versées aux communes dites « défavorisées ».
La dotation d'aménagement remplit une fonction de péréquation, alors que la dotation forfaitaire est principalement destinée à donner à l'ensemble des communes les moyens nécessaires à leur fonctionnement.
La dotation globale des départements (3 milliards d'euros en 2002) est elle aussi répartie en une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation 13 ( * ) .
Le Parlement détermine en loi de finances l'enveloppe globale de la dotation globale de fonctionnement, qui est ensuite répartie entre ses différentes composantes, selon des normes de progression définies par la loi.
Le Comité des finances locales procède, en début d'année, à la répartition de la dotation globale de fonctionnement entre les départements, d'une part, et les communes et leurs groupements, d'autre part. Il décide quelle proportion de l'augmentation de la masse de la dotation des communes il va accorder à la dotation forfaitaire. Depuis la loi de finances rectificative pour 2001, cette proportion peut varier entre 45 % et 55 %.
Une fois défini le montant de la dotation forfaitaire, le solde constitue la dotation d'aménagement. Au sein de cette dotation, le Comité des finances locales fixe ensuite le montant de la dotation d'intercommunalité. Le solde des crédits disponibles est alors réparti entre la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.
Par conséquent, la dotation globale de fonctionnement étant une enveloppe fermée, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale y jouent le rôle de variable d'ajustement . L'augmentation de la dotation forfaitaire s'effectue au détriment de celle de la dotation d'aménagement. Au sein de la dotation d'aménagement, plus la dotation d'intercommunalité augmente, moins la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale sont importantes.
b) La dotation globale de fonctionnement pour 2003
Depuis 1998, le montant de la dotation globale de fonctionnement inscrit dans le projet de loi de finances dépend de deux facteurs : l'application des règles d'indexation prévues par l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales et le montant des « abondements exceptionnels » adoptés chaque année par le Parlement.
• L'application des règles d'indexation
En application de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales, la dotation globale de fonctionnement progresse comme le taux prévisionnel d'évolution des prix pour l'année à venir (2003), majoré de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut pour l'année en cours (2002). L' indice de la DGF pour 2003 est donc le suivant :
1,5 % + ½ de 1,2 % = + 2,1 %
Cet indice est appliqué au montant « recalé » de la dotation globale de fonctionnement de 2002. Celui-ci est obtenu en appliquant au montant définitif de la dotation de 2001, constaté par le Comité des finances locales au mois de juillet 2002, l'indice de la dotation de 2002 recalculé en tenant compte des derniers indices économiques connus.
Au mois de juillet 2002, l'estimation du Gouvernement concernant l'évolution des prix en 2002 n'était plus de 1,5 % (taux retenu en loi de finances pour 2002) mais de 1,7 %. L'estimation relative au taux de croissance du produit intérieur brut en 2001 n'était plus de 2,3 % mais de 1,8 %. Par conséquent, alors que la dotation globale de fonctionnement inscrite dans le projet de loi de finances pour 2002 avait été calculée à partir d'un indice s'établissant à 2,65 %, la dotation « recalée » est calculée en fonction d'un indice de 2,6 %.
Ce taux de 2,6 % est appliqué au montant de la dotation globale de fonctionnement définitive de 2001, qui s'établit à 17.655,672 millions d'euros, alors que dans le projet de loi de finances pour 2002, le taux de 2,65 % avait été appliqué au montant ouvert en loi de finances pour 2001, qui s'élevait à 17.519,252 millions d'euros.
En 2003, la détermination du taux de progression de la dotation globale de fonctionnement par rapport à l'année précédente nécessite une étape supplémentaire. Les articles 42 et 46 de la loi de finances pour 2002 ont en effet prévu l' incorporation dans la « base » de la DGF , c'est-à-dire dans le montant auquel est appliqué l'indice permettant de déterminer le montant de la dotation de l'année suivante, de deux majorations exceptionnelles dont la dotation a fait l'objet en 2002 :
- la première, d'un montant de 1,5 million d'euros, correspond à la compensation de la suppression de la prise en charge par l'Etat des frais d'état civil ;
- la seconde, d'un montant de 309 millions d'euros, correspond à la fraction du financement des communautés d'agglomération auparavant prélevée sur les recettes de l'Etat et sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Au total, le montant de la dotation globale de fonctionnement pour 2003 s'élèvera à 18.812,162 millions d'euros, en progression de 2,294 % par rapport au montant ouvert en 2002 14 ( * ) .
Ce taux n'est pas le taux d'indexation réel de la DGF car celui-ci dépend aussi du montant des abondements « extérieurs ». Il n'en est pas moins essentiel dans la mesure où il s'applique à toutes les dotations dont la loi prévoit qu'elles évoluent « comme la dotation globale de fonctionnement » : dotation générale de décentralisation, dotation spéciale instituteurs, dotation élu local, compensation de la suppression de la part « salaires » de l'assiette de la taxe professionnelle, compensation de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, compensation de la suppression de la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux entre autres.
Soulignons enfin que le montant de la dotation globale de fonctionnement pour 2003 fera l'objet, en application des dispositions de l'article L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales, d'une régularisation en 2005, à la hausse ou à la baisse, si les indices effectivement constatés en 2002 (croissance du produit intérieur brut) et en 2003 (évolution des prix) diffèrent des prévisions retenues pour calculer la dotation pour 2003.
• Les abondements exceptionnels
Depuis l'entrée en vigueur du contrat de croissance et de solidarité en 1999, les composantes de la dotation globale de fonctionnement destinées aux communes défavorisées (la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale) bénéficient de crédits exceptionnels.
L'article 59 de la loi de finances pour 1999 prévoyait ainsi que la DSU serait majorée de 76,22 millions d'euros pendant chacune des années d'application du contrat de croissance et de solidarité. En fait, pendant cette période, cette dotation a bénéficié de majorations supplémentaires, dont le montant a varié entre 53 et 76 millions d'euros. La fraction « bourgs-centres » de la dotation de solidarité rurale a, pour sa part, été majorée chaque année de 22,87 millions d'euros.
En 2002 , le montant de la majoration dont a bénéficié la dotation de solidarité urbaine s'est élevé à 121,96 millions d'euros et celui de la majoration de la dotation de solidarité rurale a atteint 22,87 millions d'euros, soit un total de 144,82 millions d'euros .
Pour 2003 , l'article 32 du projet de loi de finances prévoit de majorer la dotation de solidarité urbaine de 4 millions d'euros et la dotation de solidarité rurale de 33 millions d'euros, soit un total de 37 millions d'euros 15 ( * ) .
Deux dispositions ont par ailleurs pour objet de cibler sur les bénéficiaires de la DSU et de la fraction « bourgs-centres » de la DSR des sommes qui auraient dû être versées à un nombre plus important de collectivités :
- l'article 12 intègre dans la « base » du solde de la dotation d'aménagement de la dotation globale de fonctionnement la compensation de la suppression du droit de licence sur les débits de boissons , dont le montant s'élève à 23 millions d'euros ;
- l'article 32 réserve aux communes bénéficiaires de la DSU et de la DSR le bénéfice du versement par l'Etat de la fraction de la régularisation positive de la DGF de 2001 destinée aux communes et à leurs groupements, soit 100 millions d'euros , la fraction de cette régularisation revenant aux départements (36 millions d'euros) leur étant versée dans les conditions de droit commun.
Le montant de la fraction de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement de 2001 qui abondera la dotation globale de fonctionnement de 2003 ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2003. Les crédits seront ouverts dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui sera examiné à la fin de l'année par le Parlement.
De plus, au cours de sa séance du 22 octobre 2002, le Comité des finances locales , en application des dispositions de l'article L. 2334-13 du code général des collectivités territoriales issues de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, a décidé d'affecter à la dotation globale de fonctionnement de 2003 une partie des reliquats constatés sur la dotation spéciale instituteurs, d'un montant de 5 millions d'euros . Le montant réel de la dotation globale de fonctionnement de 2003 sera donc de 18.894,162 millions d'euros.
Le montant du prélèvement sur les recettes de
l'Etat au titre de la DGF figurant à l'état A du projet de loi de
finances pour 2003, qui s'établit à 18.872,162 millions d'euros,
est ainsi réparti :
Répartition de l'augmentation de la DGF en 2003
entre l'application
des règles légales d'indexation et les
abondements exceptionnels
(en millions d'euros)
DGF dans la LFI 2002 |
DGF dans le PLF 2003 |
2003/2002 en volume |
2003/2002 en % |
|
DGF résultant de l'indexation (et des abondements intégrés dans la base) |
18.390,190 |
18.812,1362 |
421,972 |
+ 2,29 % |
Abondements |
144,82 |
37 + 23* |
- 84, 82 |
- 59,57 % |
Total |
18.535,01 |
18.872,162 |
337,052 |
+ 1,81 % |
Source : commission des Finances du
Sénat
* La majoration de 23 millions d'euros ne constitue
pas un effort financier supplémentaire de l'Etat mais l'affectation
à la dotation globale de fonctionnement de la compensation de la
suppression d'un impôt local.
Votre commission des Finances a adopté un amendement à l'article 32 du projet de loi de finances, tendant à majorer de 23 millions d'euros la dotation de solidarité urbaine et de 6,5 millions d'euros la fraction bourgs-centres de la dotation de solidarité rurale.
En l'absence de toutes ces majorations exceptionnelles, les deux dotations de solidarité auraient baissé de 20 % par rapport à 2002.
* 7 Les Communautés européennes et les collectivités territoriales.
* 8 Les dotations concernées sont les dotations dites « actives », c'est-à-dire soumises à une indexation propre : la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation spéciale instituteurs (DSI), la dotation particulière élu local, les dotations de l'Etat au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au Fonds national de péréquation (FNP), la dotation globale d'équipement (DGE), les dotations générales de décentralisation (DGD, DGD Corse, DGD formation professionnelle), ainsi que les dotations d'équipement scolaire des départements et des régions (DDEC, DRES).
* 9 Article 32 de la loi de finances pour 1996.
* 10 Article 57 de la loi de finances pour 1999.
* 11 1,5 % + 33 % x 1,2 % = 1,896 %.
* 12 Hors abondements exceptionnels.
* 13 Les départements perçoivent également, le cas échéant, une dotation de fonctionnement et une garantie de progression minimales. Enfin, ils bénéficient d'un concours particulier du fait de la suppression des contingents communaux d'aide sociale.
* 14 En 2002, le taux résultant des règles d'indexation de la dotation globale de fonctionnement s'élevait à 4,07 %.
* 15 En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement portant de 33 à 35 millions d'euros le montant de la majoration de la dotation de solidarité urbaine, et donc à 39 millions d'euros le montant total des majorations, afin de prendre en compte le coût des dispositions de l'article 31 bis qu'elle a inséré dans le projet de loi de finances. Cet article 31 bis vise à rendre éligibles certaines communes à la dotation de solidarité urbaine.