TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 22 octobre 2002, sous la présidence de M. Nicolas About, présiden t, la commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , sur le projet de budget de son ministère pour 2003 .
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer , a rappelé que le budget de l'outre-mer pour 2003 s'élevait à 1,084 milliard d'euros, en augmentation de 0,56 % par rapport à 2002. Elle a précisé qu'à périmètre constant, l'augmentation réelle était de 1,5 % du fait des transferts de crédits vers le ministère de l'intérieur, à hauteur de 10,5 millions d'euros dans le cadre d'une expérimentation de la gestion des crédits de la préfecture de la Martinique. Elle a souligné que le projet de budget était une première étape dans l'attente du vote d'une loi-programme sur quinze ans, actuellement en préparation. Cette loi-programme ne recevra sa traduction budgétaire que dans le budget pour 2004, de sorte que le présent budget peut être considéré comme un budget de transition.
Mme Brigitte Girardin a mis l'accent sur les trois axes de son projet de budget :
- premièrement, celui-ci opère une réorientation des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) vers la création de vrais emplois durables, c'est-à-dire par un retour à l'esprit de la loi Perben ;
- deuxièmement, le projet de budget concrétise le principe de continuité territoriale au travers de la mise en place d'un passeport-mobilité au profit de 11.000 étudiants et 5.000 jeunes en formation. Ce passeport aura pour objet de faciliter la formation des jeunes dans le cadre de leur formation par une prise en charge intégrale de leurs billets d'avion vers la métropole ou d'autres collectivités territoriales ;
- troisièmement, le projet de budget apporte des moyens supplémentaires pour le développement économique et social des collectivités nécessitant un effort particulier de rattrapage. A cet effet, deux conventions de développement pour Mayotte et Wallis et Futuna seront préparées.
Mme Brigitte Girardin a souhaité insister sur les deux priorités budgétaires du ministère qui regroupent près des trois quarts des moyens du budget : l'emploi, l'insertion et la formation d'une part, le logement d'autre part.
S'agissant de la première priorité, elle a déclaré vouloir rétablir la vocation première du FEDOM en favorisant la création d'emplois durables dans les entreprises par le biais des contrats d'accès à l'emploi (CAE), dont le nombre avait été divisé par trois entre 1996 et 2002. Elle a indiqué avoir constaté, dès son arrivée au ministère, que le nombre des mesures affichées pour les CAE n'était pas en passe d'être réalisé et avoir voulu en conséquence inverser la tendance, en mai dernier, en demandant au comité restreint du FEDOM de mobiliser pleinement le dispositif CAE et de faire en sorte que l'objectif soit atteint. Pour 2003, elle a affirmé accentuer cette tendance par une augmentation de plus de 11 % des contrats, soit 5.000 mesures. Elle a précisé que cette première orientation des crédits du FEDOM se faisait sans rupture, puisque les crédits consacrés aux contrats emploi-solidarité (CES) et aux contrats emploi-consolidé (CEC) étaient augmentés. Au total, entre 2002 et 2003, le nombre de mesures pour l'emploi passerait de 74.825 à 80.545.
Elle a estimé à cet égard qu'elle héritait d'une situation difficile (il y a environ 10.000 emplois-jeunes outre-mer) et que la situation de l'emploi restait encore très tendue. C'était la raison pour laquelle une part importante des moyens du FEDOM restait encore consacrée aux emplois aidés afin d'assurer une transition harmonieuse avec le futur dispositif de la loi-programme.
Concernant plus particulièrement les emplois-jeunes, Mme Brigitte Girardin a tenu à rappeler que tous les contrats iraient à leur terme. Dans l'attente des effets bénéfiques des mesures visant à offrir de vrais emplois durables, elle a déclaré qu'elle avait veillé à ce que les moyens consacrés aux emplois-jeunes soient préservés en 2003 et qu'une solution de reclassement soit trouvée pour chacun. Elle a précisé que les crédits consacrés aux emplois-jeunes s'élevaient à 150 millions d'euros (soit près de 15 % de son budget), complétés par un dispositif d'accompagnement des jeunes en fin de contrat.
Quant aux mesures prévues par la loi d'orientation du gouvernement précédent, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a souligné qu'elles étaient loin d'avoir eu les résultats escomptés. Elle a observé que son prédécesseur avait affiché, de façon peu réaliste, 23.000 mesures, dont 10.000 bénéficiaires du projet initiative-jeune (PIJ), 3.000 jeunes recrutés au titre du congé solidarité et 10.000 allocataires du retour à l'activité. Or, les résultats montraient qu'un tiers, seulement, de ces mesures devrait se réaliser (7.550).
Aussi, pour tirer les conséquences de l'expérience de cette année, elle a annoncé que les prévisions pour 2003 avaient été fixées avec pragmatisme et réalisme. Dans cet esprit, les mesures de la loi d'orientation avaient été réajustées à hauteur de 9.300 et que plus de 46 millions d'euros seraient consacrés à leur mise en oeuvre, soit, par rapport à ce qui allait être réalisé en 2002, une augmentation de 23 %. Elle a jugé que cette approche lui paraissait raisonnable dans l'attente de la mise en oeuvre de la loi-programme.
Elle a assuré que les moyens concernant la formation seraient renforcés afin de faciliter les débouchés vers l'insertion professionnelle.
Elle a annoncé que, sur le plan de la formation initiale, les dotations allouées pour l'allocation des bourses en faveur des étudiants des territoires d'outre-mer, de Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, seraient doublées en 2003. Quant à la formation professionnelle, 7,7 millions d'euros seraient destinés au financement du programme « cadre-avenir » en Nouvelle-Calédonie et à la formation des cadres à Wallis et Futuna.
Mme Brigitte Girardin a ajouté que le service militaire adapté (SMA), qui a pour principale mission d'insérer dans la vie active les jeunes d'outre-mer par une formation professionnelle adaptée et spécifique, avait eu un réel succès, qui justifiait l'augmentation des moyens alloués. Ainsi, le nombre de volontaires était augmenté de 500 par rapport à 2002. Au total, 3.000 jeunes d'outre-mer seraient formés et insérés en 2003.
Elle a jugé que l'objectif prioritaire du Gouvernement était de faire baisser significativement le niveau de chômage et, en particulier, celui des jeunes, et de faciliter leur formation et leur insertion. Le passeport-mobilité s'inscrivait dans cette logique, car il allait permettre aux bénéficiaires d'élargir leurs perspectives de formation et de postuler plus facilement à des emplois, notamment en métropole.
Mme Brigitte Girardin a ensuite indiqué que la deuxième priorité du budget était le logement, volet essentiel de l'action du ministère. Elle a considéré que l'axe d'effort pour 2003 était l'amélioration de l'offre de logements afin de mieux répondre aux besoins résultant de la forte croissance démographique et de l'insuffisance manifeste du parc de logements. Elle a ajouté que cet effort serait d'autant plus important que l'action en faveur du logement social contribuait à la lutte contre l'exclusion et la précarité, lutte qui constituait un engagement essentiel du Premier ministre.
Elle a expliqué que cet objectif se concrétiserait par le déploiement des actions en faveur de la construction de logements sociaux et de l'accession sociale et très sociale pour un montant de 287,5 millions d'euros. Les moyens seraient complétés par la reconduction du dispositif d'aide au logement évolutif social, mis en place début 1997, qui arrivait normalement à échéance en 2002 et qu'elle avait souhaité reconduire compte tenu de son succès et de l'importance qu'elle attachait à favoriser l'accession à la propriété, élément de dignité pour nos compatriotes d'outre-mer. Les engagements de l'Etat en matière de logement seraient donc maintenus et poursuivis.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a noté que la priorité en faveur du logement s'illustrait par une progression des moyens destinés à la résorption de l'habitat insalubre qui s'élevaient à 30 millions d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport à 2002. Enfin, d'une façon plus générale, les crédits de paiement pour la ligne budgétaire unique (LBU) progresseront de 7,5 % en 2003, pour s'établir à 173 millions d'euros.
Sur ce dossier du logement, elle a souligné que sa préoccupation était moins celle du niveau de la ressource budgétaire que celle de la consommation de cette ressource. Aussi bien son objectif était-il de consommer effectivement l'ensemble de ces moyens et de ne plus avoir des reports aussi importants que les années passées, notamment en crédits de paiement (reports de 75 millions d'euros pour une dotation globale de la ligne budgétaire unique de 161 millions d'euros, soit près de la moitié de cette enveloppe).
Mme Brigitte Girardin a insisté, à cet égard, sur le contexte budgétaire dans lequel s'inscrivait la construction de son budget. En effet, si les moyens accordés au budget de l'outre-mer ces dernières années ont augmenté de manière régulière et importante, ils n'ont été consommés que de manière très insuffisante. Ainsi, le montant cumulé des reports s'élève à 727 millions d'euros (dont 423 millions d'euros sur les deux dernières années), soit près de 4,8 millions d'euros. Aussi Mme Brigitte Girardin a-t-elle exprimé le souci de consommer dans la totalité les moyens accordés à l'outre-mer.
Elle a rappelé, en conclusion, que les moyens du ministère de l'outre-mer ne regroupaient pas l'ensemble de l'effort que l'Etat consacrait à l'outre-mer. Ils ne représentent qu'un dixième de l'action de l'Etat dans ce domaine. La ministre a fait valoir qu'il était de sa responsabilité d'intervenir auprès des autres ministères pour qu'ils mettent en place les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer qui relèvent de leur compétence. Elle a assuré, à cet égard, qu'elle veillerait continuellement à la cohérence de l'action de l'Etat au sein de l'outre-mer et à la prise en compte de ses particularités.
Répondant ensuite aux questions de Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a reconnu que la sous-consommation des crédits était un phénomène désespérant, particulièrement en matière d'emploi et de logement. Elle a qualifié dans ce domaine les précédentes lois de finances de budgets virtuels, relevant de l'affichage politique sans adéquation entre les besoins et crédits mobilisés. Elle a réaffirmé que son projet de budget relevait d'une démarche réaliste et pragmatique.
Mme Brigitte Girardin a fait état de deux mesures susceptibles de mettre fin à la sous-consommation des crédits :
- une cellule de contrôle de gestion au sein du ministère, qui aurait pour mission de procéder à un examen précis du niveau de consommation des crédits de l'outre-mer mois après mois ;
- plus spécifiquement, dans le domaine du logement, l'utilisation du levier fiscal aurait pour objet de mobiliser le foncier en faveur d'une revitalisation des centres villes. Cette mesure serait intégrée dans le projet de loi-programme, mais serait complétée par l'action des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU), désormais généralisés à l'ensemble des DOM. Elle a précisé que son intention était de concilier la construction de logements avec les contraintes du foncier. Au total, elle a estimé qu'en 2003, l'ensemble de la ligne budgétaire unique serait consommé grâce à ces mesures.
Puis Mme Brigitte Girardin a exposé les raisons pour lesquelles son projet de budget ne procédait pas à une réallocation, en faveur du secteur marchand, des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM). D'une part, la vocation initiale du FEDOM avait été dénaturée, d'autre part, une vaste réallocation serait opérée dans le projet de loi-programme. Elle a précisé qu'un dispositif de relance de l'investissement par des exonérations de charges sociales serait mis en place, que les effets de seuil introduits par la loi d'orientation pour l'outre-mer pour les petites entreprises seraient supprimés et qu'un revenu minimum d'activité serait créé. Elle a souligné que sa démarche reposait ainsi sur une réduction du coût du travail dans les DOM, et estimé à nouveau que le projet de budget pour 2003 était un budget de transition, dans l'attente du vote d'une loi-programme sur quinze ans, qui pourrait intervenir l'été prochain, pour une entrée en vigueur dès l'automne 2004.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a expliqué que le passeport-mobilité, créé par le projet de budget 2003, pourrait s'accompagner de deux mesures complémentaires :
- la refonte de l'Agence nationale pour la promotion des travailleurs de l'outre-mer (ANT). Cette Agence ne fonctionne plus et se trouve quasiment en dépôt de bilan. Un nouveau président a été désigné afin d'en rénover le fonctionnement ;
- la mise en place de quotas de logements sur la part réservée de l'Etat pour les travailleurs ultramarins en métropole. Cette mesure, similaire au dispositif existant en faveur des travailleurs étrangers, pourrait être mise en oeuvre en partenariat avec les organismes de logements sociaux de la métropole.
En réponse à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, qui l'interrogeait sur la nécessité de rendre l'aide à la pierre plus incitative afin d'accélérer la construction de logements neufs adaptés aux spécificités de l'outre-mer, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a rappelé que, dans les départements d'outre-mer, le dispositif d'aide était fondé sur deux principes :
- l'aide à la pierre étant trois fois plus importante dans les DOM qu'en métropole, elle ne nécessitait pas une revalorisation particulière ;
- à l'inverse, l'aide à la personne, inférieure de 25 % à celle de la métropole, gagnerait à être relancée.
Puis elle a présenté trois mesures susceptibles d'accélérer la construction de logements sociaux. En premier lieu, elle a annoncé la signature prochaine d'un décret alignant l'aide à la personne sur le niveau 2 (intermédiaire) de la métropole. En deuxième lieu, elle a insisté à nouveau sur les dispositifs contenus dans le projet de loi-programme, à savoir la politique de défiscalisation et la suppression des lourdeurs introduites par la loi solidarité renouvellement urbain (SRU) en faveur de la résorption de l'habitat insalubre.
Cette politique passerait par la déconcentration des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) et la simplification des procédures.
Enfin, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a annoncé la construction de 13.000 à 14.000 logements sociaux grâce à la reconduction du dispositif fiscal favorable au logement évolutif social, mis en place en 1996, qui arrivait normalement à échéance en 2002.
M. Gérard Roujas a jugé excessive la critique de la ministre, selon laquelle le budget de son prédécesseur était virtuel. Il a considéré que ce qualificatif pouvait s'appliquer au projet de budget pour 2003, au regard notamment des hypothèses macroéconomiques qu'il retient. Il a relevé que les crédits du FEDOM pour l'outre-mer étaient réduits de 5 % par rapport à 2002. En particulier, les dotations du contrat d'insertion par l'activité baissent de 4 %, celles du projet initiative-jeune de 45 % et les contrats d'accès à l'emploi de 2 %. Il a constaté qu'une partie des crédits affectés aux emplois-jeunes par le projet de loi de finances pour 2002 n'avait pas été consommée et s'est interrogé, dans ces conditions, sur les raisons d'une augmentation des dotations affichée en 2003.
M. Michel Esneu s'est déclaré agréablement surpris par le succès du service militaire adapté. Il a insisté sur le volet insertion du revenu minimum d'insertion (RMI), et s'est interrogé sur l'existence d'offres d'emplois non satisfaites dans les départements et territoires d'outre-mer, ainsi que sur le devenir des emplois-jeunes.
M. Guy Fischer s'est étonné de la rudesse des critiques formulées par la ministre à l'égard des budgets de ses prédécesseurs. Il a relevé que la situation sociale des DOM était difficile, citant leur croissance démographique, la jeunesse de la population et la proportion importante d'emplois aidés. Il a souhaité obtenir davantage de précisions sur le projet d'un passeport-mobilité et sur l'annonce d'un revenu minimum d'activité (RMA). Il a douté du bien-fondé d'une politique centrée sur les seules exonérations fiscales ou de charges sociales.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a répondu qu'il n'était pas dans ses intentions de dénigrer ses prédécesseurs. Elle a réaffirmé le réalisme de son budget, rappelant que, depuis 1998, près d'un budget annuel de l'outre-mer n'avait pas été consommé. Elle s'est attachée à démontrer que les crédits de l'outre-mer pour 2003 ne baissaient pas mais, qu'au contraire, ils augmentaient de 23 %, si l'on tenait compte de la consommation effective des dotations.
En réponse à M. Michel Esneu, elle a exprimé son souci de sortir les jeunes de la précarité. Elle s'est dite consciente de l'impossibilité, pour le secteur marchand, d'absorber la totalité des emplois aidés, mais a affirmé parallèlement sa volonté d'offrir à la jeunesse d'outre-mer des perspectives d'emplois durables. C'est pourquoi, conformément au principe d'identité législative, les contrats « jeunes en entreprises » seraient pleinement applicables dans les départements d'outre-mer. En outre, la création du RMA devrait faciliter l'embauche des jeunes dans les entreprises. Soulignant les effets pervers du RMI, Mme Brigitte Girardin a cité le cas des entreprises guyanaises du bâtiment et des travaux publics, faisant appel à une main-d'oeuvre immigrée du Surinam.
A contrario, elle s'est réjouie du succès du SMA, qu'elle a considéré comme le moyen le plus efficace de formation et d'insertion dans le secteur productif. Elle a cité l'exemple de Mayotte où 100 % des jeunes du SMA, formés dans l'aquaculture, avaient trouvé un emploi à l'issue de leur formation.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a précisé que le passeport mobilité n'avait pas pour objet de vider les îles de leur jeunesse, mais de créer une mobilité susceptible de permettre aux jeunes de trouver des filières de formation plus accessibles en France et même en Europe. Elle a ainsi observé que le voyage Paris - Saint-Denis de la Réunion coûtait trois fois plus cher que le trajet Paris - Los Angeles. Or, les collectivités locales n'avaient pas la capacité financière de prendre en charge un tel coût.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est félicitée du discours objectif et réaliste de la ministre. Elle a demandé si l'Agence nationale pour l'emploi à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) possédait des relais dans les départements métropolitains.
M. Jean Chérioux s'est dit frappé par la sincérité, le pragmatisme et le réalisme du projet de budget présenté par la ministre. Il a ensuite souhaité savoir si le niveau de consommation des crédits différait d'un DOM à l'autre et si, par ailleurs, des moyens de lutte contre l'immigration clandestine avaient été mis en oeuvre en Guyane.
Mme Anne-Marie Payet s'est réjouie de l'intention de la ministre de préférer le réalisme au virtuel, en mettant fin à la sous-consommation des crédits. Elle a dressé un tableau de la situation sociale dans les DOM, et plus particulièrement à la Réunion. En ce qui concerne l'emploi, elle a relevé que les fortes créations d'emplois dans ce département n'avaient pas suffi à absorber le dynamisme démographique. En effet, si 4.000 emplois avaient été créés en 2001 à la Réunion, 7.000 jeunes étaient entrés sur le marché du travail.
En conséquence, le seul recours avait été la signature de contrats aidés dont le nombre avait été cinq fois supérieur aux contrats signés dans le secteur marchand. Mais elle a affirmé compter sur l'action de la ministre pour renverser progressivement cette tendance en faveur des emplois marchands.
En ce qui concerne le logement, elle a constaté avec satisfaction que l'aide au logement augmentait de 8 % et l'aide à la résorption de l'habitat insalubre de 10 % dans le projet de budget pour 2003.
Cependant, elle a reconnu que cet effort n'était pas à la mesure de l'ampleur des besoins, notant que 7.000 logements sociaux restaient à construire pour satisfaire les besoins de la Réunion, quand le Gouvernement en prévoit 10.000 pour l'ensemble des DOM.
Elle a souligné, à cet égard, que les obstacles à la construction de logements sociaux tenaient à trois facteurs : le dynamisme démographique -la Réunion compterait 1 million d'habitants en 2020-, l'insuffisance des réserves foncières et la nécessité de préserver les terres agricoles et les zones naturelles sensibles.
Elle a conclu en rappelant le caractère réaliste de la progression des crédits pour l'outre-mer, indiquant que cette progression reflétait la situation financière de l'Etat. Comparant le budget de l'Etat à celui d'une famille, elle a convenu qu'un bon père de famille ne peut dépenser plus d'argent qu'il n'en dispose.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a précisé que l'ANT disposait d'antennes dans chaque DOM et d'une dizaine de délégations régionales en métropole (Paris, Rouen, Lille, Nantes, Lyon, Marseille, Mulhouse, Toulouse) et estimé que ses missions devaient être réactivées et prolongées sur le territoire métropolitain. Elle a ajouté que le Comité national de l'action des Réunionnais en mobilité (CNARM) pouvait constituer une référence, dans la mesure où il est parvenu, grâce à une politique active d'aide à la mobilité, à favoriser l'insertion professionnelle des travailleurs réunionnais en France mais aussi dans les autres Etats de l'Union européenne.
Elle a précisé à M. Jean Chérioux qu'aucun DOM n'était plus vertueux qu'un autre en matière de consommation des crédits, et a souligné, en matière d'immigration clandestine en Guyane, l'échec qu'avait constitué la construction d'un hôpital à Albani, de l'autre côté de la frontière, et les effets pervers de l'allongement à quinze jours du délai de reconnaissance en paternité.
Elle a répondu à Mme Anne-Marie Payet qu'étant donné que seuls 5 % des fonds européens alloués aux DOM étaient consommés, elle allait proposer d'en affecter une partie à un fonds de continuité territoriale dont l'objet serait de réduire le coût de la desserte aérienne. Cette proposition figurerait dans le projet de loi-programme. Plus largement, elle a affirmé être en concertation avec MM. Michel Barnier et Jean-Paul Delevoye pour alléger les procédures administratives en ce sens.
S'agissant du devenir de la créance de proratisation du RMI, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a confirmé que la part insertion de la créance ne fera pas l'objet de compensation ; en effet, l'alignement du RMI des DOM sur celui de la métropole était devenu effectif depuis le 1 er janvier 2002 et les agences départementales d'insertion (ADI), qui financent les mesures d'insertion, disposaient déjà d'un important fonds de roulement (60,7 millions d'euros pour la Réunion, 21,3 millions d'euros pour la Guadeloupe, 22,4 millions d'euros pour la Martinique et 6,9 millions d'euros pour la Guyane), ne nécessitant pas de dotations budgétaires supplémentaires.
En revanche, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a confirmé que la part logement de cette créance serait compensée, en réponse à l'ampleur des besoins répertoriés dans les DOM et conformément aux engagements du Président de la République.