III. LES MÉTIERS DE VILLE, UN BESOIN À PRENDRE EN COMPTE MAIS UN SYSTÈME À RÉFORMER
A. UN SYSTÈME COMPLEXE ET LACUNAIRE
1. Un système complexe
Les différents métiers de la ville, rouages indispensables au bon fonctionnement de la politique de la ville, apparaissent trop souvent comme une nébuleuse aux fonctions mal définies.
L'appellation « métiers de ville » regroupe en effet une réalité variée et en perpétuel mouvement, intégrant les chefs de projet et les équipes opérationnelles, les fonctionnaires de l'Etat (dont les 31 sous-préfets à la ville) qui oeuvrent dans ces quartiers, ou encore les métiers de l'animation et de la médiation.
Le CIV du 30 juin 1998 a réaffirmé le rôle de ce fonctionnaire : sous l'autorité du préfet, il donne impulsion et cohérence à l'action des services de l'État. Il organise le travail interministériel local, il anime l'équipe des responsables de la politique de la ville des services déconcentrés. Par sa fonction d'animation et de coordination, le sous-préfet ville doit contribuer à mobiliser les services extérieurs autour d'une politique interministérielle. Le sous-préfet ville est donc amené à collaborer, au sein du corps préfectoral, avec la plupart de ses collègues au titre du territoire ou d'un thème. Son rôle et sa marge de manoeuvre seront différents selon l'organisation administrative de l'État (existence ou non d'un sous-préfet d'arrondissement par exemple) ou suivant la répartition des dossiers décidée par le préfet (le préfet peut, par exemple, confier entièrement la prévention de la délinquance au sous-préfet ville ou au directeur de cabinet). Les sous-préfets ville occupent pour plus de la moitié d'entre eux d'autres fonctions : secrétaire général, secrétaire général adjoint, chargé de l'arrondissement. Par ailleurs, ils sont chargés de tout ou partie des questions d'insertion et de logement. A travers sa fonction d'animation et de coordination, le sous-préfet ville joue essentiellement un rôle de transformation de l'action publique. Les sous-préfets ville qui ont pu mener à bien leur mission ont joué un rôle important dans la structuration des administrations déconcentrées en pôles de compétences, en fonction des politiques et non plus selon un strict découpage sectoriel.
Outre cette fonction d'animation et de coordination, le sous-préfet ville assure le dialogue avec les collectivités locales. La décentralisation a modifié les relations entre les collectivités locales et l'État dont l'enjeu est aujourd'hui la définition en commun d'un projet de territoire. L'État, avec la politique de la ville et en grande partie grâce au sous-préfet ville, s'est mis ainsi en situation « d'interpellation réciproque » avec les collectivités locales. Les élus ont trouvé un interlocuteur direct en la personne du sous-préfet ville, qui a la confiance du préfet et parle au nom de l'ensemble des services de l'État. Pour impulser et coordonner l'action des services de l'État, le sous-préfet ville s'appuie sur la « cellule inter-services départementale ». Cette cellule est composée de correspondants « ville » des principaux services de l'État dans le département, parfois de représentants de services de l'État dans la région à vocation interdépartementale (direction régionale des affaires culturelles par exemple), ainsi que de représentants de la Caisse des dépôts et consignations et du Fonds d'action sociale. Cette cellule est le lieu privilégié où s'élabore « la position » de l'État : elle a joué un rôle déterminant dans la préparation des contrats de ville 2000-2006 (élaboration « du point de vue de l'État » sur les territoires concernés). Dans certains départements, le sous-préfet ville s'entoure des délégués de l'Etat qui composent le noyau restreint de la cellule inter-services. Pour exercer leurs missions au quotidien, les sous-préfets ville disposent pour la moitié d'entre eux d'une équipe au sein des services de la préfecture, appelée « mission ville ». |
De même, les sources d'emploi sont multiples : collectivités locales, Etat, associations (du bénévolat au secteur parapublic) ou bien encore les autres partenaires traditionnels de la politique de la ville (La Poste, la Caisse nationale d'allocations familiales, les transports publics, les organismes HLM).
Votre rapporteur regrette en particulier la complexité des différents métiers de la médiation et de l'animation.
Le développement des fonctions de médiation apparaît comme le révélateur de besoins nouveaux, notamment au niveau des établissements scolaires et des transports en commun, en faveur de la lutte contre les « incivilités ».
Les missions de la médiation sont variées :
- le rétablissement de la tranquillité publique ;
- l'organisation de la prévention ;
- la veille sociale ;
- la restauration du lien social dans le quartier ;
- l'éducation à la citoyenneté.
Elles recouvrent des réalités professionnelles très différentes : emplois-jeunes, adultes-relais ou encore correspondants de nuit.
Sans nier l'utilité de certaines de ces missions dans le cadre de la politique de la ville, votre rapporteur relève cependant la multiplicité des statuts, le manque de formation des personnels concernés, et l'insuffisante précision des missions , ce qui peut laisser la place à toutes les dérives possibles, et génère parfois un sentiment d'inutilité.
En effet, la multiplicité des programmes et des intervenants constitue souvent une déperdition d'énergie pour les acteurs de la politique de la ville, en particulier dans le domaine de la prévention de la délinquance.
Ainsi que le note le rapport LARSEF ( « L'oppression quotidienne --Recherches sur une délinquance des mineurs », janvier 2002 ), « le partenariat de terrain s'épuise à des rencontres répétées que bien des intervenants finissent d'ailleurs par bouder et ces réunions se bornent souvent, à part la mise au point de quelques happening spectaculaires et parfois illusoires, à une reconnaissance mutuelle qui montre souvent que, dans leur quotidien, bien des acteurs, en fait, ne se rencontrent pas ».
Ce rapport poursuit en notant que « ce type de réunion se borne parfois à n'être que des réunions de coordinateurs (contrats de ville, CLS, ZEP, REP, bassin de formation, etc.) se coordonnant, c'est-à-dire réaffirmant leur champ de responsabilité ».
La critique de cette complexité est en outre la même dans le domaine de l'animation, où l'on dénombre aujourd'hui plus de 72 appellations génériques différentes pour les métiers certifiés par les diplômes relevant du secteur de l'animation.
Par ailleurs, la tendance actuelle croissante, qui consiste à conférer l'appellation d'« animateurs » à toute personne dès lors qu'elle est en contact avec le public, qu'elle soit diplômée ou non, paraît regrettable pour la crédibilité de ces métiers.