B. LE PROJET « ITER » : LA PRODUCTION DE L'ÉNERGIE DU FUTUR
1. Principe de la fusion nucléaire
L'énergie contenue dans les noyaux atomiques est l'énergie de liaison des atomes et des noyaux. Elle peut être libérée de deux façons, suivant qu'il s'agit de noyaux très légers ou très lourds. Les noyaux très lourds tels que l'uranium peuvent se désintégrer spontanément en plusieurs fragments : noyaux mi-lourds et neutrons. C'est le principe de la fission actuellement utilisé pour produire de l'électricité dans les réacteurs nucléaires en entretenant la réaction de fission. Pour les noyaux très légers, au contraire, c'est la fusion de deux noyaux qui libère de l'énergie.
La réaction de fusion qui libère le plus d'énergie est celle qui correspond à la fusion de deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium. Lorsque ces deux noyaux fusionnent, il se forme un noyau d'hélium 4 et il se libère un neutron. La réaction libère une énergie considérable et constitue d'ailleurs le principe de la bombe à hydrogène.
La maîtrise de la fission a été acquise assez rapidement, mais les premières recherches sur la fusion ont considérablement sous-estimé les difficultés qu'il fallait résoudre pour maîtriser la production d'énergie par la fusion. La construction d'un réacteur basé sur le principe de la fusion est infiniment plus complexe que celle d'un réacteur à fission. En effet, pour utiliser la fusion, il faut réaliser, de façon industrielle, une installation suffisamment grande pour obtenir des conditions de densité et de température du milieu adéquates.
Toutefois, l'abondance du combustible, la sûreté du fonctionnement d'un réacteur à fusion et le recyclage possible des matériaux constitutifs constituent les avantages essentiels de la fusion comme source d'énergie.
2. Un progrès rapide des recherches en ce domaine
Les travaux de recherche ont débuté au milieu des années 1950-1960. La construction de la plus grande installation européenne, le JET (Joint European Torus) a été décidée par l'Union Européenne dans le cadre du traité Euratom en 1973 et le JET a été mis en service en 1978. En 1997, le JET a atteint le record de puissance et est actuellement l'installation la plus performante au monde. Dans les années soixante-dix le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) a construit à Cadarache le réacteur Tore-Supra, un tokamak à aimants supra-conducteurs. Le CEA a ainsi réalisé une grande percée qui a contribué à donner à l'Europe un leadership indiscutable dans le domaine de la fusion. Les progrès des recherches depuis vingt ans ont donc été spectaculaires; tant dans la compréhension des mécanismes physiques que dans celle des différents problèmes technologiques.
Pour construire un réacteur à fusion qui produise de l'énergie, les recherches actuellement en cours auprès des installations en exploitation (JET, Tore Supra, etc.) doivent être nécessairement suivies par l'étude d'un « plasma en combustion ». La taille du dispositif nécessaire à cette étude et sa complexité conduisent à un coût dépassant les possibilités d'investissement des programmes de chacun des grands pays acteurs, et exigeant un accroissement substantiel de leur niveau de ressources. Ce coût a justifié sa réalisation en coopération multinationale.
L'accord international ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) a été signé en 1988 dans le cadre de l'AIEA entre les quatre partenaires majeurs de ces recherches (Europe, Etats-Unis d'Amérique, Japon, Union Soviétique). Cette collaboration multinationale a constitué le point de départ d'une étude devant aboutir à la démonstration scientifique de l'énergie de fusion par confinement magnétique.
En 1996, la collaboration ITER se proposait de démontrer la faisabilité d'un réacteur pour produire de l'énergie en une seule étape. Cela aurait nécessité la construction d'un appareillage expérimental d'une taille considérable et d'un coût de l'ordre d'une dizaine de milliards de dollars. La décision de construire ITER n'a pas été prise par les partenaires à l'issue de la période de conception détaillée mais a été repoussée dans une phase de trois ans destinée à préparer la négociation entre les partenaires des conditions de la construction et du choix du site (1998-2001). Les Etats-Unis, déçus par l'absence de décision, se sont alors retirés de la coopération, pour des raisons de « politique interne », non scientifiques.
Les trois partenaires restant ont alors décidé de réduire les ambitions techniques du projet, pour diviser son coût prévisionnel par deux et, devant les problèmes techniques, financiers et politiques qui se posaient alors, il a paru nécessaire de définir une nouvelle stratégie qui, sans réduire les ambitions techniques, a ramené ainsi le projet à des dimensions mieux adaptées aux défis techniques à résoudre et à un rythme de financement compatible avec les possibilités des partenaires.