2. Les difficultés juridiques liées à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000
Le Gouvernement souhaite faire de Natura 2000 un outil de développement durable des territoires concernés garantissant la préservation de la faune, de la flore et des habitats naturels, tout en permettant l'exercice d'activités économiques. Pour y parvenir, l'ambition est de relancer l'information et la concertation à tous les stades de la procédure, depuis la désignation des sites jusqu'à leur gestion et de mettre en oeuvre une politique contractuelle de gestion des sites avec les propriétaires et les usagers.
En effet, les risques de contentieux persistent s'agissant de la désignation des sites. Malgré les envois effectués au printemps et à l'automne 2001, la Commission européenne considère que les propositions françaises sont insuffisantes, notamment en région alpine pyrénéenne, et en région continentale. En décembre 2001, et sur la base des propositions du muséum naturel d'histoire naturel, il a été donné instruction aux préfets d'instruire des propositions complémentaires sur environ 160 sites nouveaux et de reprendre le périmètre d'une trentaine de sites déjà proposés.
Au 31 juillet 2002, la liste des propositions françaises comporte 1.166 sites couvrant une superficie d'environ 4.038.000 ha, soit 7,3 % du territoire (dont 3.487.000 ha terrestres et 485.000 ha marins) . Il convient de noter que 350 de ces 1.166 sites proposés restent à renotifier à la Commission, à l'issue des nouvelles consultations menées à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 22 juin 2001, annulant quelque 350 sites déjà transmis à la Commission pour vices de forme ayant pu entacher les consultations locales réalisées en application du décret du 5 mai 1995.
Sur la base des transmissions des quinze Etats membres effectuées au 18 mars 2002, les 14.973 propositions recensées représentent une superficie de l'ordre de 439.000 km², soit plus de 13 % du territoire de l'Union européenne.
Le retard pris par la France dans l'envoi de ses propositions à la Commission a conduit celle-ci à engager en 1999 une procédure d'infraction en manquement au titre de l'article 226 du traité. Bien que des transmissions successives aient été faites durant la procédure précontentieuse, la Commission a estimé que la France n'avait pas satisfait à ses obligations en n'ayant pas présenté une liste nationale complète de ses propositions dans les délais impartis et comme exigé par l'article 4 de la directive. Un arrêt en date du 11 septembre 2001 a condamné la France pour insuffisance de désignation de sites . Les envois de propositions complémentaires en 2002 ont pour objet d'exécuter cet arrêt et d'éviter à la France le paiement d'astreintes financières.
En outre, d'autres procédures en manquements viennent sanctionner la France pour non-respect des directives en matière de protection de la biodiversité, et la place sous la menace d'astreintes pour inexécution de la Cour de Justice des Communautés européennes.
Cinq arrêts en manquement rendus par la Cour doivent être exécutés : Estuaire de la Seine, Marais Poitevin, transposition art. 6 de la directive Habitats, Basses Corbières, insuffisance de propositions de sites « Habitats ». Une procédure en manquement risque d'aboutir à une condamnation d'ici fin 2002 : insuffisance de désignation de zones de protection spéciale pour les oiseaux en France et en particulier insuffisance de désignation dans la plaine des Maures. Deux dossiers risquent d'être portés devant la Cour : Basses plaines de l'Aude et Baie de Canche, pour insuffisance de désignation en zone de protection spéciale ou mauvaise gestion. |
Enfin, il convient de signaler que plusieurs recours ont été déposés au Conseil d'Etat émanant soit des collectivités locales, soit des organisations socio-professionnelles du monde rural, qui n'ont pas encore donné lieu à une décision.
Deux recours ont été déposés au Conseil d'Etat contre l'ordonnance du 11 avril 2001 ayant transposé la directive « Habitats ». L'un de ces recours, émanant de l'association des élus de la montagne dans le département des Pyrénées atlantiques et de 71 communes des Pyrénées et des Alpes, est principalement dirigé contre la directive elle-même, que les requérants estiment contraire aux principes du droit communautaire. 162 communes alpines sont intervenues auprès du Conseil d'Etat pour appuyer ce recours. Le second recours contre l'ordonnance émane de l'association « Coordination nationale Natura 2000 » et porte sur l'exactitude de la transposition. Deux recours ont également été déposés au Conseil d'Etat contre le décret du 8 novembre 2001 portant sur la procédure de désignation des sites Natura 2000 : - l'un par 6 organisations socio-professionnelles du monde rural. Les requérants soulèvent deux moyens principaux : selon eux, le décret méconnaît à la fois la Constitution en raison des atteintes disproportionnées au droit de propriété qui seraient générées par la désignation des sites et un principe général du droit imposant la participation de la population à toute décision administrative ayant des effets sur l'environnement ; - l'autre par l'association « Coordination nationale Natura 2000 » et l'union des citoyens pour le respect de leurs droits constitutionnels. Les requérants évoquent aussi les atteintes au droit de propriété et le manque de consultation préalable des propriétaires et usagers. Enfin, un recours a également été déposé par ces derniers requérants contre le décret du 21 décembre 2001 portant sur la gestion des sites Natura 2000, en invoquant des atteintes au droit de propriété. |
Source : Ministère de l'Ecologie et du développement durable.
Ce rapide bilan montre que la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 est loin de faire l'unanimité, alors même qu'il s'agit d'une obligation communautaire à laquelle la France ne peut se soustraire.
Il convient donc de tout mettre en oeuvre pour faire du processus Natura 2000, une réelle opportunité de développement durable pour les territoires ruraux. La proposition à l'inscription d'un site dans le réseau Natura 2000 ne doit pas être vécue comme l'arrêt de toute possibilité de développement mais bien plutôt comme la labellisation de la mise en valeur, réussie et harmonieuse, d'un territoire.
Pour réussir, votre rapporteur pour avis considère qu'il est urgent de relancer effectivement une véritable concertation tant avec les élus locaux qu'avec les acteurs socio-professionnels de terrain . Rien ne pourra se faire sans eux, y compris la délimitation des périmètres, car bien souvent les inventaires scientifiques ayant servi à la délimitation des sites doivent être mis à jour et actualisés.
S'agissant de la gestion de ces territoires, à travers les documents d'objectifs et la contractualisation avec les gestionnaires des terrains, les interrogations demeurent fortes s'agissant des financements disponibles. En effet, la disparition annoncée des contrats territoriaux d'exploitation fait tomber le principal support juridique par lequel devraient être financés les contrats Natura 2000.
En outre, sur le plan communautaire, la réforme des fonds structurels peut-elle entraîner une remise en cause des cofinancements prévus par la directive Habitats naturels ?