C. LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES : L'ENGAGEMENT PRIS PAR LE PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT N'A PAS ÉTÉ TENU

1. Des retards dans la mise en place du FRR

Seule mesure concrète du précédent gouvernement en matière de retraites , le fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Il a été géré jusqu'au 31 décembre 2001 par le FSV, au sein d'une section comptable spécifique. L'article 6 de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel a rendu autonome le FRR à compter du 1 er janvier 2002.

La gestion administrative du fonds est assurée par la Caisse des dépôts et consignations, sous l'autorité d'un directoire composé de trois membres, présidé par le directeur général de la Caisse.

La mise en place effective de l'établissement public était prévue à la fin de la période transitoire, c'est-à-dire dans un délai de trois à quatre mois. Or, la période transitoire a pris fin le 30 juin 2002, sans que les instances dirigeantes de l'établissement public aient été nommées.

Toutefois, le gouvernement précédent, en s'abstenant de procéder à la nomination des instances dirigeantes du fonds (conseil de surveillance, membres du directoire), a rendu impossible le respect de l'échéance (30 juin 2002) qu'il avait pourtant lui-même fixée.

Le FRR a maintenant été doté d'un agent comptable. Toutefois, dans l'attente de la mise en place de la délégation de gestion financière aux établissements financiers, les sommes continuent d'être collectées sur un compte de dépôt au Trésor, rémunéré dans les mêmes conditions que précédemment.

Compte tenu des délais nécessaires pour la passation des appels d'offres, la délégation financière ne devrait être effective que dans le courant du 1 er semestre 2003. Dans le cadre de cette gestion financière déléguée, les ressources du fonds pourront alors être placées, conformément à l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale, en actions, titres de créances, parts ou actions d'organismes de placement collectifs et instruments financiers à terme.

2. La situation financière du FRR

Au 30 juin 2002, le FSV a transféré :

- la trésorerie détenue sur le compte ouvert à l'Agence comptable centrale du Trésor (ACCT), soit 7,89 milliards d'euros ;

- un portefeuille de BTAN d'une valeur nominale de 499 millions d'euros à échéance du 12 juillet 2002.

Depuis le 1 er juillet 2002, les fonds sont détenus sur un compte ouvert au titre du nouvel établissement public à l'ACCT. Ce compte est rémunéré en application d'une décision du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 28 juin 2002. L'ensemble des recettes de l'établissement public est désormais directement versé sur ce compte.

Dans ce cadre, ont été encaissés par le FRR, entre le 1 er juillet et le 31 août 2002 :

- 46,82 millions d'euros au titre du prélèvement social de 2 % pour la part assise sur les produits de placement ;

- 19,31 millions d'euros au titre du prélèvement social de 2 % pour la part assise sur les produits du patrimoine ;

- 22,46 millions d'euros au titre des intérêts sur le BTAN échu le 12 juillet 2002 ;

- 44,99 millions d'euros au titre de la rémunération du compte ACCT (intérêts échus des mois de juin et juillet).

Le montant en trésorerie cumulé au 31 août 2002 s'élève donc à 8,53 milliards d'euros.

Les versements au profit du fonds de réserve pour les retraites devant intervenir à compter du mois de septembre 2002 jusqu'à la fin de l'année 2002 s'établissent comme suit :

- versement au titre des caisses d'épargne : mi-décembre pour un montant de 718 millions d'euros ;

- versement de l'excédent 2001 de la CNAVTS pour 1,52 milliard d'euros : la date précise de ce versement n'a pas encore été fixée ;

- versement au titre des licences UMTS pour 619,2 millions d'euros : la date précise de ce versement n'a pas encore été fixée ;

- solde du versement au titre des privatisations : sur les 1,24 milliard d'euros prévus, un versement de 1,1 milliard a déjà été effectué mais la date précise de versement du solde n'a pas encore été fixée ;

- versement au titre du prélèvement social de 2 % pour la part assise sur les revenus du patrimoine : une part importante de ce prélèvement est attendue aux alentours de la mi-décembre, soit environ 640 millions d'euros, le reste étant versé « au fil de l'eau » ;

- versement au titre du prélèvement social de 2 % pour la part assise sur les produits de placement : un versement d'environ 168 millions d'euros est attendu vers le 10 octobre, environ 48 millions d'euros sont attendus aux alentours du 10 décembre, le reste étant versé « au fil de l'eau » ;

- versements au titre de la rémunération du compte ACCT (intérêts mensuels versés au début du mois suivant).

Compte tenu de ces ressources, le montant cumulé des réserves du FRR devrait s'élever à 12,6 milliards d'euros fin 2002. Le montant prévu par le précédent gouvernement, soit 13,2 milliards d'euros, ne sera pas atteint, compte tenu de la souscription d'un seul opérateur - contre deux prévus - aux licences de téléphonie mobile de 3 ème génération (UMTS).

Les recettes du FRR

Les différentes catégories de ressources du fonds de réserve, mentionnées à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale, sont les suivantes :

1°) une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S)

Ce solde dépend de la situation financière des régimes de « non-non » (ORGANIC, CANCAVA, CANAM), puisque, en priorité, la CSSS doit équilibrer les comptes de ces régimes, ainsi que de la part de C3S qui est affectée chaque année depuis 1999 au financement du BAPSA, et éventuellement au FSV.

2°) le versement de tout ou partie des excédents du FSV

La situation du FSV en 2001, 2002 et 2003 devrait interdire tout reversement au titre de ces exercices. A terme, le FSV devrait toutefois fournir une part importante des ressources du FRR puisqu'il doit devenir structurellement excédentaire (diminution des sommes consacrées au minimum vieillesse ou encore à la validation des périodes de service national, et dynamique de la CSG, sa principale recette).

3°) le versement de l'excédent de la CNAVTS au titre du dernier exercice clos, une partie de ce versement pouvant être anticipée en cours d'exercice

Ce versement dépend directement de la situation financière de la CNAVTS, actuellement excédentaire.

4°) une fraction égale à 65 % du prélèvement social de 2 % portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

5°) le versement du produit des licences UMTS (téléphonie mobile de 3 ème génération) affecté au fonds ;

Les rendements attendus pour cette recette ont été révisés à la baisse compte-tenu du changement des conditions d'attribution des licences UMTS décidé par le précédent gouvernement fin 2001.

6°) toute autre ressource affectée au FRR, soit, actuellement, les recettes suivantes :

- une partie des recettes liées à l'ouverture du capital des autoroutes du sud de la France (ASF), ainsi qu'à d'autres opérations de privatisation ;

Cette recette, prévue par l'article 34 de la loi de finances pour 2002, vise à compenser, à hauteur de 1,24 milliards d'euros, la diminution du montant des recettes UMTS en 2002.

- l'affectation du produit de la vente des actifs des caisses d'épargne ;

Cette affectation est prévue à l'article 26 de la loi du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière. Le paiement doit avoir lieu en quatre fois, de 2000 à 2003.

- des ressources secondaires, créées par la loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale ;

Leur rendement devrait être relativement faible : il s'agit, d'une part, de la contribution de 8,2 % sur la part de l'abondement de l'employeur supérieur à 2.300 euros au plan partenarial d'épargne salariale volontaire, et, d'autre part, des montants d'intéressement et de participation non réclamés par les salariés et reçus par la Caisse des dépôts et consignations au terme du délai de prescription trentenaire.

7°) les produits des placements financiers effectués jusqu'en 2020

Ils devraient contribuer pour une large part (plus de 25 %) à atteindre l'objectif financier attendu à cette échéance.

Le gouvernement considère que l'objectif initial de 152 milliards d'euros sera quasiment atteint à l'horizon 2020, « en raison d'une forte augmentation des excédents du FSV ».

Par ailleurs, le fonds de réserve pour les retraites devrait recevoir en 2003 une nouvelle ressource puisque l'ordonnance relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte du 27 mars 2002 a prévu le versement des réserves de la caisse de prévoyance sociale de Mayotte constituées avec les excédents des exercices antérieurs au 1 er janvier 2003. Ces sommes, d'un montant de 71,5 millions d'euros au 31 décembre 2001, ne devraient pas dépasser 75 millions d'euros à la fin de l'année 2002.

Le respect de règles prudentielles

Les placements effectués dans le cadre du FRR devront respecter un certain nombre de règles prudentielles :

- le fonds ne doit pas placer plus de 5 % de son actif en instruments financiers d'un même émetteur sauf s'il s'agit d'effets publics d'un Etat membre de l'UE/EEE ou de la CADES ou des parts d'organismes de placement dont le portefeuille est composé exclusivement de tels actifs ;

- il ne doit pas placer plus de 25 % de l'actif en actions ou titres de propriété d'une entreprise ayant son siège hors de l'UE/EEE ou non négociés sur un marché membre de l'UE/EEE ou de l'OCDE ;

- il ne doit pas employer plus de 3 % des actions ou titres participatifs d'un même émetteur.

En outre, le fonds a accès aux marchés à terme à condition de ne pas engager plus d'une fois son actif sur ces marchés  et l'exposition au risque de change ne peut excéder 20 % du total de l'actif du fonds.

Enfin, il est expressément prévu par la loi que les orientations de la politique de placement du FRR prennent en compte des considérations sociales, environnementales et éthiques, ce dont le directoire devra rendre régulièrement compte au conseil de surveillance.

La situation financière du FRR a évolué de la façon suivante depuis 1999 :

Entre la fin de l'année 2002 et la fin de l'année 2003, les réserves accumulées par le FRR devraient augmenter de 31,8 %. Il convient du reste de constater la forte diminution des recettes du fonds prévue l'année prochaine, soit - 28,3 %, ainsi que l'importance des intérêts des placements dans l'abondement du fonds, en hausse de près de 120 %, à plus de 500 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis ne peut toutefois qu'exprimer son inquiétude quant à la régularité de l'alimentation du FRR et à la capacité à tenir l'engagement initial d'une mise en réserve de 152 milliards d'euros en 2020.

En effet, le fonds est alimenté par de nombreuses « recettes de poche » , dont le produit, eu égard à l'objectif final, est relativement modique. En fait, l'essentiel de ses recettes est constitué des excédents de la CNAVTS (41,3 % du total des recettes en 2003), qui va disparaître dans les années à venir pour des raisons démographiques, et de recettes , d'un montant certes important, mais qui revêtent un caractère exceptionnel plutôt que pérenne , à l'exemple des recettes issues de la vente des licences UMTS (22,2 % en 2002 mais 15,5 % en 2003) ou même de celles engendrées par les privatisations (31 % en 2003 mais rien les années précédentes).

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