B. LES REMÈDES PROPOSÉS
1. Les remèdes relatifs aux effectifs
a) La création de 13.500 emplois supplémentaires
L'article 2 du présent projet de loi prévoit la création de 6.500 emplois dans la police et de 7.000 emplois dans la gendarmerie sur la période 2003-2007.
Alors que la base de référence pour les crédits supplémentaires également prévus par cet article a été précisée par l'Assemblée nationale, il n'en a pas été de même pour ces créations d'emplois.
Cependant, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ces créations d'emplois s'ajoutent bien à la reconduction des moyens en personnels existants : l'apport des emplois jeunes (adjoints de sécurité et gendarmes auxiliaires) aux forces de sécurité sera maintenu, sous une forme et selon des modalités qui restent cependant à définir.
Les 13.500 emplois dont la création est prévue seront donc bien des emplois supplémentaires .
Par ailleurs, l'annexe II précise la répartition prévue pour ces emplois supplémentaires.
La répartition des créations d'emplois programmées
Police |
Gendarmerie |
Total |
|
Garantir la sécurité de proximité |
2.000 |
4.800 |
6.800 |
Renforcer les capacités d'investigation |
1.000 |
400 |
1.400 |
Renforcer la lutte contre la menace terroriste et la criminalité organisés |
300 |
300 |
600 |
Protéger plus efficacement les frontières |
700 |
- |
700 |
Lutter contre l'insécurité routière |
500 |
700 |
1.200 |
Renforcer les capacités d'administration, de formation et de contrôle |
2.000 |
800 |
2.800 |
Total |
6.500 |
7.000 |
13.500 |
Source : ministère de l'intérieur
Les emplois supplémentaires affectés aux forces de sécurité de proximité (2.000 pour la police et 4.800 pour la gendarmerie) devraient notamment leur permettre de renforcer leur présence nocturne, de consacrer plus de temps à l'information des élus, de la population et des plaignants, d'améliorer l'accueil des victimes, de renforcer leur présence dans les zones où la délinquance s'inscrit en forte progression, enfin de prendre en compte les besoins spécifiques des départements et territoires d'outre-mer.
Les emplois supplémentaires destinés à renforcer les capacités d'investigation (1.000 pour la police et 400 pour la gendarmerie) devraient notamment permettre le renforcement des services de police judiciaire, ainsi que des unités de recherche et des plates-formes techniques judiciaires de la gendarmerie. En outre, les effectifs de la police technique et scientifique devraient être accrus.
Les emplois de la police aux frontières seraient renforcés de 700 unités, en réponse au développement de l'immigration clandestine, à l'agrandissement programmé de plusieurs aéroports internationaux, dont Roissy-Charles-de-Gaulle, et aux besoins de renforts pour le réseau ferré et pour certaines frontières sensibles comme le tunnel trans-Manche et la frontière guyanaise.
La lutte contre l'insécurité routière devrait bénéficier de nouveaux moyens d'une ampleur sans précédent, puisque l'équivalent de 1.200 emplois supplémentaires (500 pour la police et 700 pour la gendarmerie) y seraient affectés.
Par ailleurs, 600 emplois supplémentaires (300 pour la police et 300 pour la gendarmerie) devraient permettre l'intensification de la lutte contre la menace terroriste et contre la criminalité organisée.
Enfin, votre rapporteur pour avis se félicite de ce que l'annexe II prévoit de renforcer les capacités d'administration , de formation et de contrôle à hauteur de 2.800 emplois supplémentaires (2.000 pour la police et 800 pour la gendarmerie) : ces créations d'emplois répondent plus particulièrement au constat du manque de personnels administratifs dans la police nationale, mais elles permettront également d'améliorer le soutien médical, psychologique et social des personnels , « notamment pour l'assistance aux personnels ou aux familles victimes d'actes d'agression, l'aide à l'emploi des conjoints et l'accompagnement social de la mobilité ».
Au delà de ces créations d'emplois, il convient également de préciser que l'article 4 du présent projet de loi devrait faciliter la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale en permettant à des militaires atteints par la limite d'âge de 55 ans qui en font la demande d'être maintenus en activité pendant une année supplémentaire, sous réserve de leur aptitude physique et de l'intérêt du service.
b) Des crédits de rémunération supplémentaires à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2003-2007
L'article 2 et l'annexe 2 du présent projet de loi prévoient des crédits de rémunération supplémentaires à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2003-2007, dont 1,57 milliard d'euros pour la police et 1,13 milliard d'euros pour la gendarmerie.
Ces crédits s'ajouteront à la reconduction annuelle des crédits de rémunération ouverts par la loi de finances initiale pour 2002, à la reconduction annuelle des crédits de rémunération supplémentaires demandés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002 pour remettre à niveau le budget de la gendarmerie, et aux conséquences sur les rémunérations des mesures générales d'augmentation (notamment les mesures de revalorisation du point de la fonction publique), ainsi qu'à celles des ajustements techniques pour tenir compte de la situation réelle des personnels.
En pratique, ces crédits financeront donc notamment :
- le coût des rémunérations des 13.500 emplois supplémentaires prévus dans la police et dans la gendarmerie, et selon les informations transmises à votre rapporteur, le premier équipement destinés aux policiers et aux gendarmes supplémentaires ainsi recrutés (tenue, armement, paires de menottes, bâtons de protection, etc.) ;
- le complément de financement des mesures destinées à limiter les conséquences des « 35 heures » dans la police nationale (rachat de jours d'ARTT et paiement d'astreintes) décidées par le précédent gouvernement sans que les crédits afférents aient été intégralement prévus dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2002 ;
- les crédits nécessaires aux nouvelles mesures de rachat de jours d'ARTT envisagées par le nouveau gouvernement afin de limiter les pertes de capacités opérationnelles des forces de police. Selon les informations transmises à votre rapporteur, l'ordre de grandeur des mesures en cours de discussion pourrait correspondre à près de 2.500 équivalent-temps plein annuels : au total, le présent projet de loi permettrait ainsi de restaurer les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité à hauteur de près de 16.000 emplois équivalent-temps plein (13.500 + 2.500) ;
- de nouvelles mesures indemnitaires en faveur des personnels, destinées notamment, selon l'annexe II du présent projet de loi, « à la revalorisation de la qualification d'officier de police judiciaire (OPJ), à mieux inciter les personnels à rester en poste dans les zones les moins attractives et à reconnaître la pénibilité accrue des métiers de la sécurité intérieure » ;
- enfin, aux mesures éventuelles de « repyramidage » de la structure des emplois qui pourraient être prises afin notamment de renforcer l'encadrement supérieur des forces, en particulier pour la gendarmerie nationale, dont le taux d'encadrement supérieur est sensiblement inférieur à celui des autres armes comme à celui de la police.
c) L'accélération de l'externalisation de certaines fonctions
Afin que les forces de police et de gendarmerie se consacrent pleinement à leurs missions, les annexes I et II du présent projet de loi prévoient, outre la création de 2.800 emplois d'administration, de formation et de contrôle :
- d'une part, que certaines des tâches techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes de statut actif, seront, chaque fois que cela sera possible, transférées à d'autres catégories d'agents publics ou au secteur privé. Parmi les tâches susceptibles d'être davantage externalisées figurent notamment, selon l'annexe II, l'entretien du parc automobile, mais aussi, selon les informations transmises à votre rapporteur, le nettoyage des locaux et l'entretien des bâtiments. Certaines expériences, comme l'externalisation de l'entretien de la zone d'attente de Roissy et de la maintenance de l'Hôtel de police de Strasbourg, montrent qu'il s'agit là d'une piste d'autant plus prometteuse que la souscription de contrats pluriannuels avec des entreprises privées évite que l'entretien et la maintenance ne demeurent les variables d'ajustement du budget. Cependant, le recours croissant à l'externalisation sera en tout état de cause très progressif, compte tenu du caractère spécifique des marchés afférents comme des nécessités de gestion des personnels des corps techniques de la police et de la gendramerie ;
- d'autre part, que les gardes statiques confiées aux policiers et aux gendarmes, qui non seulement obèrent les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité intérieure, mais aussi sont un puissant facteur de démotivation, seront réduites au strict minimum. Pour ce faire, « il sera plus largement fait appel à l'externalisation de cette mission » (auprès de sociétés privées de gardiennage), aux mesures de protection passive et aux moyens techniques de surveillance (comme la vidéosurveillance). Au total, ces mesures pourraient libérer plusieurs centaines de policiers et de gendarmes pour d'autres tâches et surtout, renforcer l'attractivité des métiers de la police et de la gendarmerie. On peut toutefois souligner que ces mesures, quoique sans doute source d'économies de fonctionnement pour l'Etat dans son ensemble, pourraient conduire à des transferts de charge interministériels.
En outre, l'annexe I prévoit « qu'une réflexion sera lancée sur les moyens de transférer à l'administration pénitentiaire la charge des extractions et transfèrements de détenus, ainsi que la surveillance de détenus hospitalisés. Des premières propositions devront être faites dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi » ». On peut en effet rappeler que ces missions mobilisent plus de 2.200 policiers et gendarmes équivalent-temps plein par an.
Cependant, ce souhait est formulé de manière beaucoup moins volontariste dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice, dont l'annexe indique seulement : « les conditions de transfert à l'administration pénitentiaire de missions nouvelles (surveillance des détenus hospitalisés et, plus généralement, gardes et escortes des détenus) feront l'objet d'une réflexion interministérielle ».
Pour regrettable qu'elle soit, cette discordance de rédaction illustre bien l'enjeu de cette réflexion interministérielle : il ne s'agit pas de déshabiller Pierre (l'administration pénitentiaire) pour rhabiller Paul (la police et la gendarmerie). Votre rapporteur pour avis a d'ailleurs souligné à quel point le manque de moyens du ministère de la Justice pesait sur l'efficacité et sur les conditions de travail des forces de sécurité intérieure.
En conséquence, votre rapporteur souhaite :
- que des expériences de transfert à l'administration pénitentiaire de certaines opérations de transfèrement de détenus soient mises en place à l'échelle locale et accompagnées bien évidemment de moyens nouveaux spécifiques. Cette expérimentation , qui s'inscrirait parfaitement dans le cadre de la démarche préconisée par M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, lors de la déclaration de politique générale du gouvernement, devra notamment avoir pour objectif d'évaluer dans quelles mesure ce transfert est source d'économies et favorise un meilleur fonctionnement de la Justice ;
- que soit également étudiée et expérimentée l'externalisation du transfèrement des détenus les moins dangereux à des entreprises privées, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans certains pays étrangers ;
- que soient engagées des réformes de la procédure pénale visant à supprimer des obligations formelles qui ne concourent pas à la sauvegarde des droits de la défense, tout en nécessitant de nombreuses opérations de transfèrement ;
- enfin et surtout, que les magistrats acceptent davantage de tenir des audiences « foraines » , c'est à dire dans des lieux de Justice spécialement aménagés à l'intérieur des lieux de détention, ce qui leur permettrait par surcroît de mieux connaître l'état des prisons de leur ressort.