CONCLUSION
Appelant de ses voeux depuis plusieurs années l'abandon du statut de service industriel de l'Etat, totalement inadapté aux exigences d'une entreprise de défense dans le monde d'aujourd'hui, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère que la transformation de DCN en société de droit privé est une condition minimale de son maintien comme grand industriel de la construction navale.
En lui-même, ce changement de statut juridique emportera des conséquences positives. Il ne peut cependant à lui seul garantir la viabilité de l'entreprise. Compte tenu du poids du passé et du contexte difficile des industries d'armement, une telle réforme, pour réussir, ne doit pas s'envisager « à l'économie », avec des demi-mesures.
Or, telle qu'elle se présente aujourd'hui, la réforme reste marquée par certaines insuffisances . Elle renvoie la constitution effective de la société à 2003 au plus tôt et ne permet pas, à ce stade, l'ouverture du capital. Elle ne s'accompagne pas d'un engagement clair et ferme de l'Etat sur les moyens qu'il consentira pour donner à la société toutes les chances de réussir.
C'est donc avec un certain sentiment d'insatisfaction, mais dans l'unique souci de sortir statu quo actuel, et en insistant sur la nécessité d'un engagement fort de l'Etat pour garantir à la future société les moyens de sa viabilité, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 36 , sous réserve de l'adoption d'un amendement permettant une éventuelle ouverture du capital, majoritairement détenu par l'Etat, postérieurement à la constitution de la société.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis au cours de sa réunion du 12 décembre 2001.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès a souligné les multiples insuffisances relevées dans la gestion de DCN au cours des dernières années et a estimé que la réforme proposée, compte tenu des multiples contraintes qu'elle maintenait sur DCN, ne permettrait pas d'y remédier. Il a tout particulièrement déploré que le texte fige la détention à 100 % du capital par l'Etat, empêchant l'ouverture à des capitaux extérieurs pourtant nécessaires afin de nouer des alliances industrielles et de faire évoluer les performances de DCN. Il a estimé qu'il serait opportun de modifier l'article 36 sur ce point.
M. Christian de la Malène a estimé que la réforme conçue par le Gouvernement ne permettait pas à DCN d'affronter avec de réelles chances de succès l'environnement extrêmement concurrentiel dans lequel elle devra évoluer. Il a interrogé le rapporteur pour avis sur le statut des personnels recrutés après la mise en oeuvre de la réforme et sur la possibilité, pour la Marine, de recourir à un autre fournisseur que DCN.
M. Serge Vinçon a insisté pour que l'Etat s'engage fermement pour donner à DCN les meilleurs atouts de réussite. Il a par ailleurs souligné l'absolue nécessité de compenser le surcoût pour la Marine de l'application de la TVA aux opérations effectuées par DCN.
A l'issue de ces interventions, M. Jean Faure , rapporteur pour avis, a précisé que les personnels embauchés après la mise en oeuvre de la réforme relèveraient de la convention collective de DCN et du droit privé. Il a également indiqué que l'Etat apporterait une garantie d'activité pour les prochaines années à DCN, mais que celle-ci n'obtiendrait pas le monopole des commandes de la Marine. S'agissant de la composition du capital de la future société, il a convenu qu'elle ne permettait pas les indispensables alliances industrielles avec des partenaires extérieurs, sous forme de participations croisées de capital. Il a précisé que, sur ce point, le texte ne répondait pas aux attentes initialement exprimées par la direction de la DCN, mais qu'il résultait d'un compromis établi par le Gouvernement.
M. Xavier de Villepin, président , a souligné l'importance d'un engagement clair de l'Etat sur la dotation en fonds propres, à une hauteur suffisante, de la nouvelle société. Il a lui aussi déploré que l'association de partenaires extérieurs au capital soit écartée, ce qui privait largement la réforme de son intérêt.
M. Michel Caldaguès a suggéré qu'un amendement soit déposé afin de prévoir une diminution, avec le temps, de la part de capital détenue par l'Etat.
M. André Boyer a rappelé que l'exportation ne constituait qu'une part marginale du chiffre d'affaires de DCN et a estimé que les partenariats les plus probables ne seraient pas mis en oeuvre avec des sociétés étrangères, mais avec des industriels français. Il a souligné sur ce point la lenteur la constitution d'une société commune entre Thalès et DCN.
M. Robert Del Picchia a évoqué le projet d'exportation en Malaisie du sous-marin Scorpène.
A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 36 du projet de loi de finances rectificative, tout en demandant au rapporteur pour avis d'étudier, en liaison avec la commission des finances, un éventuel amendement permettant l'ouverture du capital de la société, l'Etat restant actionnaire majoritaire.
Au cours d'une seconde réunion tenue le jeudi 13 décembre 2001 sous la présidence de M. Xavier de Villepin, président , la commission a repris la discussion sur cet article.
M. Michel Caldaguès a proposé à la commission d'examiner un amendement consistant à prévoir que le capital de la future société sera détenu en majorité, et non en totalité, par l'Etat. Estimant que la perspective d'une privatisation de DCN n'était sans doute pas envisageable à moyen terme, ni même peut-être opportune, il a en revanche souligné que le principe d'une détention de la totalité du capital entre les mains de l'Etat présentait de multiples inconvénients, car il conduirait à limiter en pratique la portée du changement de statut tout en privant la société des possibilités offertes par une ouverture du capital. Il a ajouté que l'amendement proposé visait à permettre à l'Etat, le moment venu et lorsqu'il le souhaitera, de disposer d'un moyen de rendre la société plus efficace en fonction des exigences de la concurrence.
M. Jean-Pierre Masseret a rappelé le contexte difficile dans lequel évoluait DCN depuis plusieurs années et il a estimé que la réponse proposée par le Gouvernement constituait déjà une étape très significative dans l'évolution de l'établissement. Il a jugé que l'amendement proposé rompait l'équilibre bâti par le Gouvernement pour faire évoluer DCN.
Mme Hélène Luc a souligné la volonté des personnels de DCN de faire évoluer leur entreprise mais a déploré que la décision de transformation en société ait été prise sans tenir compte de leur opposition. Tout en reconnaissant la nécessité d'améliorer l'efficacité de cette entreprise publique, elle a estimé qu'une telle réforme ne pouvait s'engager sur la base d'un simple article du projet de loi de finances rectificative. Elle a précisé que son groupe déposerait un amendement de suppression de l'article 36 et qu'il s'opposerait à l'amendement tendant à permettre l'ouverture du capital de la société. Par ailleurs, elle a regretté que lors du débat budgétaire, le Gouvernement n'ait pas fourni d'éléments sur la perspective de constitution d'une société commune entre DCN et Thalès. Elle a souhaité que l'Etat prenne des engagements beaucoup plus fermes sur l'avenir de DCN, notamment en terme de garanties de commandes.
M. Robert Del Picchia a estimé que le Gouvernement aurait porté une lourde responsabilité s'il n'avait pas pris l'initiative d'une évolution du statut de DCN. Il a par ailleurs souligné que l'amendement proposé laissait à l'Etat le pouvoir de contrôle sur la société. Il a ajouté que cet amendement n'entraînait aucune incidence sur le statut des personnels.
M. Michel Caldaguès s'est défendu de vouloir, par son amendement, précipiter l'évolution de DCN, cette évolution étant au contraire caractérisée par une relative lenteur, la nouvelle société n'étant de surcroît constituée qu'en 2003. Reconnaissant que la négociation avec les personnels avait permis de définir certains principes de la réforme, notamment en terme de situation statutaire des agents, il a toutefois estimé que le Parlement avait toute latitude pour juger de la nature de la société qui allait se créer, et notamment de la composition de son capital. Il a estimé que la possibilité d'associer un actionnaire extérieur au capital de la société contraindrait l'Etat à respecter ses engagements envers DCN.
M. Hubert Durand-Chastel a remarqué que l'amendement laissait à l'Etat toute liberté de décider d'ouvrir ou non le capital, et qu'il offrait donc une utile marge de manoeuvre au Gouvernement.
Mme Hélène Luc a rappelé la disponibilité de personnel pour discuter d'une évolution concertée de DCN.
A l'issue de ce débat, la commission, à sa majorité, a adopté un amendement à l'article 36 du projet de loi tendant à préciser que la majorité -et non la totalité- du capital de la future société serait détenue par l'Etat.