III. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS PROPRES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE SUR LE PLAN NORMATIF
Votre commission des Lois procède traditionnellement à un examen détaillé de l'application des lois concernant les territoires d'outre-mer relevant de sa compétence au fond et fait le point sur les évolutions du cadre juridique de l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à l'Union européenne.
A. L'APPLICATION DES LOIS RELATIVES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LES RÉFORMES EN SUSPENS
1. L'application des lois relatives aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie
Après la
loi du 5 juillet 1996
portant
dispositions
diverses relatives à l'outre-mer et les
vingt ordonnances prises sur
le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998
et ayant donné
lieu à quatre projets de loi de ratification définitivement
adoptés au mois de décembre 1999, une
nouvelle loi
d'habilitation n° 99-899 du 25 octobre 1999
est venue autoriser le
Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives
nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer.
Un
nouveau train de dix-huit ordonnances
a ainsi été
publié dans les délais requis par l'habilitation au début
de l'année et au printemps 2000 mais les trois projets de loi de
ratification déposés sur le bureau du Sénat au mois de
juillet 2000 n'ont toujours pas été inscrits à l'ordre du
jour. Les réponses au questionnaire budgétaire évoquent le
début de l'année 2002 ... Cette absence de ratification formelle
n'a d'ailleurs pas empêché le gouvernement d'obtenir une
nouvelle habilitation par la loi n° 2001-503 du 12 juin
2001
.
Outre ces mesures d'actualisation du droit applicable outre-mer, les deux
lois n° 99-209 et 99-210 du 19 mars 1999
, l'une organique l'autre
ordinaire, qui définissent le
statut de la
Nouvelle-Calédonie
, sont aujourd'hui
très largement
applicables
. Seuls deux articles de la loi organique ayant prévu des
mesures réglementaires d'application restent inappliqués :
l'article 1
er
(répartition du territoire de la commune de
Poya entre la province Nord et la province Sud) et l'article 182
(détermination des conditions de l'octroi par une province à une
personne privée d'une garantie d'emprunt ou d'un cautionnement). En
2001, ont été pris quatre nouveaux décrets :
- le décret n° 2001-165 du 20 février fixant les
conditions exceptionnelles d'intégration des agents non titulaires de
l'État et de ses établissements publics administratifs en
Nouvelle-Calédonie dans différents corps de fonctionnaires
relevant du ministère de l'intérieur ;
- le décret n° 2001-219 du 8 mars portant création
d'un lycée technologique d'État en
Nouvelle-Calédonie ;
- le décret n° 2001-579 du 29 juin portant publication du
code des communes de la Nouvelle-Calédonie (partie législative)
et relatif à la partie réglementaire de ce code. Notons que
l'article 4 de la loi n° 99-210 relative à la
Nouvelle-Calédonie, issu d'un amendement sénatorial, avait
fixé la date butoir de publication de ce code au 31 décembre
1999 ;
- le décret n° 2001-884 du 20 septembre relatif au
comité consultatif du crédit en Nouvelle-Calédonie.
2. Des réformes législatives en suspens
Les
réformes législatives dont le déroulement a
été suspendu concernent essentiellement la Polynésie
française. Rappelons que
la Polynésie française
était sur le point de devenir un « pays
d'outre-mer »
au début de l'année 2000, un projet
de loi constitutionnelle ayant été adopté en termes
conformes par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999 et par le
Sénat le 12 octobre 1999. Cette réforme devait permettre la mise
en oeuvre de nouveaux transferts de compétences de l'État
à la Polynésie française et l'institution d'une
citoyenneté polynésienne offrant des avantages spécifiques
aux populations autochtones en matière d'accès à l'emploi,
de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité
économique et d'accession à la propriété
foncière. La réunion du Congrès du Parlement à
Versailles le 24 janvier 2000 ayant été annulée, la
mise en oeuvre de ce nouveau statut est suspendue.
Par ailleurs, le programme législatif pour 1999 concernant les
territoires d'outre-mer devait intégrer l'examen du
projet de loi
organique et du projet de loi simple le complétant relatifs au
régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie
française
. Ces deux textes, répondant à la
nécessité de moderniser l'institution communale qui ne
bénéficie pas encore du régime de la
décentralisation, furent déposés au Sénat le 26 mai
1998 mais n'ont
jamais été inscrits à l'ordre du
jour
.
B. LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS SPÉCIFIQUES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER DANS LEURS LIENS AVEC L'UNION EUROPÉENNE
Les pays
et territoires d'outre-mer (PTOM) ne font pas partie intégrante de
l'Union européenne mais lui sont associés. Les objectifs et les
moyens de cette association sont définis par les dispositions de la
quatrième partie du Traité de Rome (articles 182 à 188).
Des décisions successives du Conseil, dites « décisions
d'association », précisent et mettent en oeuvre ce
régime, caractérisé par une coopération commerciale
avec libre accès des produits originaires des PTOM au marché
communautaire et une coopération financière reposant en
particulier sur le Fonds européen de développement (FED) ainsi
que la mise en oeuvre réciproque des principes de libre
établissement et de libre prestation de services. S'applique
actuellement aux PTOM la décision d'association du 25 juillet 1991,
qui a fait l'objet d'une révision à mi-parcours. Cette
révision, adoptée par le Conseil au mois de novembre 1997
après plusieurs années de négociations, a essentiellement
apporté des modifications au régime d'accès de certains
produits (riz, sucre) au marché communautaire et procédé
à la répartition du 8
ème
FED. La
décision d'association du 25 juillet 1991, modifiée le
24 novembre 1997
, puis prorogée d'un an le 29 février
2000 est
arrivée à expiration le 28 février 2001
.
La Commission européenne n'a présenté sa proposition de
révision qu'au mois de novembre 2000. Le caractère tardif de
cette proposition et la complexité des négociations ont conduit
le Conseil des ministres de l'Union européenne à décider
une
nouvelle prorogation
.
Le processus semble cependant devoir
aboutir très prochainement (la date du 1
er
décembre
est évoquée), le Conseil européen des affaires
générales venant d'approuver, le 20 novembre dernier, le
renouvellement du statut d'association
.
La proposition de la Commission constitue l'une des plus importantes
réformes auxquelles ont été soumis les accords
d'association depuis l'entrée en vigueur du Traité de Rome. Elle
s'inspire de la «
déclaration concernant les Pays et
Territoires d'Outre-Mer
» annexée à l'acte final du
Traité d'Amsterdam et de la communication de la Commission
intitulée
« Réflexions sur le statut des PTOM
associés avec la CE et orientations sur PTOM 2000
» en
date du 20 mai 1999. La proposition de décision d'association pour la
période 2001-2007
comporte
trois axes
:
- une promotion plus efficace du développement économique et
social des PTOM : une aide soutenue serait accordée aux PTOM les
moins avancés, fondée sur une répartition du IXème
FED prenant largement en compte le PIB par habitant et la population, et les
PTOM seraient éligibles à un nombre élargi de programmes
communautaires ;
- un approfondissement des relations économiques entre les PTOM et
l'Union européenne ;
- une meilleure prise en compte de la diversité et de la
spécificité de chaque PTOM, y compris en ce qui concerne la
liberté d'établissement.
La
répartition de l'aide programmable
au titre du IXème
FED est en outre la suivante concernant les PTOM
français :
En millions d'euros |
VIIIème FED |
IXème FED |
Nouvelle-Calédonie |
15,8 |
13,75 |
Polynésie française |
14,1 |
13,25 |
Wallis-et-Futuna |
6,4 |
11,5 |
Mayotte |
10 |
15,2 |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
4 |
12,4 |
Total pour les PTOM français |
50,3 |
66,1 |
Montant global pour l'ensemble des PTOM |
105 |
126,5 |
Part revenant aux PTOM français |
47,9% |
52,3% |
Si les
PTOM français voient globalement leur part accrue dans la
répartition de l'aide programmable, cette augmentation profite
exclusivement à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie
française voient en effet les montants qui leur sont alloués
baisser en valeur absolue.
S'agissant des liens entre les PTOM et l'Union européenne,
précisons enfin que
le
passage à l'euro
n'est
pas prévu pour ces territoires
et que le protocole n° 13
du Traité de Maastricht permet à la France de conserver une
monnaie qui leur est spécifique. Le franc CFP, émis par
l'Institut d'émission d'outre-mer, dont la parité a
été fixée le 31 décembre 1998 à
8,38 euros pour 1.000 francs CFP, continuera à avoir cours
légal.
*
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis de rejet des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet de budget du secrétariat d'État à l'Outre-mer pour 2002.