B. UNE MULTIPLICATON DES INÉGALITÉS INJUSTIFIÉE

Les 35 heures ont multiplié les inégalités entre salariés et entre les entreprises de façon injustifiée, ce qui rend d'autant plus urgente la modification de la loi Aubry II du 19 janvier 2000.

1. Des inégalités entre les salariés

Les 35 heures obligatoires ont eu pour conséquence de renforcer les inégalités entre salariés. C'est le cas du point de vue de leur temps de travail tout d'abord puisque selon le taille de l'entreprise, la durée du travail comme son organisation pourra être amenée à varier considérablement.

Les 35 heures renforcent les disparités entre hommes et femmes 18( * )

Des disparités importantes apparaissent dans l'appréciation des 35 heures en fonction du sexe des salariés concernés. Si près de trois femmes cadres sur quatre évoquent une amélioration de leur vie quotidienne, c'est seulement le cas de 40 % des femmes occupant un emploi non-qualifié. Pour les hommes, l'écart entre cadres et non qualifiés est bien inférieur (65 % contre 57 %).

Une analyse de cas fait apparaître que les femmes reçoivent moins de propositions lors de la réorganisation de l'entreprise suite à l'application des 35 heures que les hommes. Par ailleurs, les nouvelles fonctions et les promotions concernent surtout les hommes.

Enfin, surtout dans les entreprises de main-d'oeuvre, les 35 heures entraînent un surcroît de flexibilité qui déstabilise et désorganise la vie des salariés et de leurs familles, ce qui fragilise là encore plus les femmes que les hommes.

Ces inégalités tiennent ensuite à la rémunération, car selon le moment du passage de leur entreprise aux 35 heures et la date de leur embauche, les salariés payés au SMIC ne voient pas leur heure de travail payée de la même façon. Salariés à temps partiel sous un régime de 39 heures, salariés passés aux 35 heures avant le 1 er juillet, salariés passés après le 1 er juillet... La situation se complexifie de façon inéluctable. Le système du « double SMIC » se transforme au fur et à mesure des nouveaux coups de pouce en un système à SMIC multiple.

Si l'on poursuit sur le rythme d'évolution qui a été appliquée au mois de juillet 2001 19( * ) , l'écart de rémunération mensuelle entre les salariés rémunérés au SMIC restés à 39 heures et ceux passés à 35 heures avant juillet 2000 pourrait atteindre 6 % en 2005. D'ici là, il existera un niveau de SMIC et six niveaux différents de garanties mensuelles, soit sept niveaux différents de salaire minimum.

Les inégalités concernent également les conditions de travail. Selon la nature de l'emploi et la fonction du salarié, les 35 heures se sont traduites soit par une amélioration de sa vie quotidienne, soit par une détérioration de ses conditions de travail. Environ la moitié des salariés constatent une exigence de polyvalence accrue, plus de 40 % considèrent qu'ils ont moins de temps pour effectuer les mêmes tâches et près du tiers des salariés, au premier chef des cadres, déplorent une augmentation du stress 20( * ) .

Auditionnée par votre rapporteur, la CFE-CGC a considéré que « les 35 heures se sont traduites pour les cadres par un supplément de jours de repos (10 à 11) mais aussi par une charge de travail supérieure » . Pour l'IFEC, « les 35 heures ont renforcé les tensions entre cadres et non-cadres » car « les cadres n'ont pas connu de véritable réduction du temps de travail du fait des forfaits jours » .

2. Des inégalités entre les entreprises

Bien sûr, la principale inégalité entre les entreprises concerne la taille puisque le Gouvernement a prévu des dates d'application et des modalités différentes selon que l'entreprise a plus ou moins de 20 salariés.

Mais les inégalités concernent également le secteur d'activité. Toutes les entreprises sont en effet en concurrence pour bénéficier des meilleures conditions de financement. Dans la mesure où les résultats des entreprises de main-d'oeuvre seraient pénalisés par l'application des 35 heures, ces dernières pourraient connaître un renchérissement du coût de leur crédit et pour celles qui sont cotées, une baisse du cours de leurs actions.

Une telle situation ne pourrait que renforcer une autre inégalité, celle qui sépare les entreprises françaises des entreprises étrangères. Comme cela a déjà été évoqué 21( * ) , la perte de compétitivité des entreprises françaises s'est accélérée depuis 1998 notamment du fait de la dégradation de l'environnement juridique, social et fiscal de notre pays.

Aujourd'hui, les entreprises françaises qui disposent de filiales à l'étranger n'hésitent plus à arbitrer en faveur de l'Espagne ou du Royaume-Uni pour contourner l'obstacle de la réglementation française, ce qui constitue une nouvelle inégalité entre les entreprises hexagonales.

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