III. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DES CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL
Comme le
faisait M. Jean Chérioux chaque année, votre rapporteur a
souhaité que cet avis continue de permettre de faire le point sur
l'évolution des dépenses d'aide sociale prise en charge par les
départements dans le cadre des lois de décentralisation.
En effet, aux termes de l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983, le
département s'est vu transférer une
compétence de droit
commun
dans le domaine des prestations
d'aide sociale légale
,
dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance, de l'aide sociale aux
familles, de l'aide sociale aux personnes âgées et de l'aide
sociale aux personnes handicapées adultes, comprenant notamment
l'hébergement en établissements.
S'agissant des données chiffrées exposées ci-après,
votre rapporteur souligne l'importance du travail de
l'Observatoire national
de l'action sociale décentralisée
(ODAS) dont la
qualité est incontestable. Il a recouru également aux travaux de
l'Assemblée des départements de France sur les budgets primitif
2001.
A. L'ANNÉE 2000 CONFIRME LA RELATIVE STABILITÉ DES DÉPENSES CONSTATÉE DEPUIS CINQ ANS
Avant de
présenter les données les plus récentes sur
l'évolution des dépenses d'aide sociale départementale et
les divers facteurs d'évolution
11(
*
)
, il convient de rappeler au
préalable quelques précisions terminologiques.
Les données rassemblées par l'ODAS sont établies à
partir des informations fournies par les responsables des services financiers
de 29 départements, Paris inclus.
Elles portent sur les
dépenses nettes
d'aide sociale
qui
sont égales aux dépenses brutes -c'est-à-dire au montant
total des prestations versées par les départements-
diminuées des recettes ultérieurement encaissées
auprès des bénéficiaires de l'aide sociale, de leurs
obligés alimentaires et des organismes de sécurité
sociale. Cette donnée apparaît en effet la plus proche de la
charge financière réelle qui pèse sur les
départements.
Les
dépenses indirectes
d'aide sociale, correspondent aux
dépenses de fonctionnement liées à l'exercice de leurs
compétences par les départements.
1. La croissance des budgets sociaux départementaux en 2000
En 2000,
les dépenses départementales d'action sociale se sont
élevées à
77 milliards de francs
: hors
les dépenses d'aide médicale qui ont été
retirées de la compétence départementale par la loi du 27
juillet 1999 relative à la CMU, la hausse est de 1,5 % par rapport
à l'année dernière, ce qui montre que l'année 2000
s'inscrit toujours dans le cycle de ralentissement de la hausse des
dépenses observé depuis 1996 (+ 3,5% en 1997 ;
+ 2,2 % en 1998 ; + 2 % en 1999).
Toutefois, les départements sont à la veille d'une reprise forte
du mouvement de progression des dépenses.
Dépenses nettes d'aide sociale départementale (France métropolitaine)
(en milliards de francs)
|
1984 |
1989 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Dépense nette totale |
38,3 |
45,3 |
73,0 |
75,7 |
78,3 |
81,0 |
83,2 |
77,5 |
Total hors aide médicale* |
36,0 |
42,7 |
66,6 |
69,4 |
71,4 |
73,8 |
75,3 |
76,5 |
* Ont été retranchées de la dépense totale : l'aide médicale au sens strict, ainsi que les cotisations d'assurance personnelle au titre du RMI formellement rattachées au chapitre de l'insertion.
Le caractère cyclique de la dépense sociale départementale
L'ODAS met en évidence que, sur la période 1984-1995, pendant laquelle la dépense d'action sociale départementale a plus que doublé, trois périodes distinctes peuvent être distinguées.
-
•
De 1984 à 1989,
la dépense annuelle augmente
de
3,5 % en moyenne
, soit moins vite que l'inflation qui demeure
à des niveaux relativement élevés : cette période
fait apparaître dans certains cas des baisses d'activité dans les
secteurs de l'aide sociale à l'enfance et de l'hébergement des
personnes âgées tandis que simultanément le recouvrement
des recettes est amélioré.
• De 1990 à 1995, la dépense sociale départementale augmente de plus de 8 % en moyenne en francs courants.
Cette période est marquée, dans un contexte de ralentissement de l'inflation, par la prise en charge de plus en plus lourde de l'insertion des bénéficiaires du RMI et de leurs frais d'assurance personnelle ainsi que par la mise en oeuvre, pour les personnels sous convention collective du secteur social et médico-social, des revalorisations exceptionnelles d'indice prévues dans le cadre des « accords Durafour ».
• Depuis 1996, s'est ouvert un cycle de progression ralentie de la dépense de l'ordre de 3,5 % par an tandis que l'inflation demeure à des niveaux modérés.
2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale
Le tableau ci-dessous, transmis par l'ODAS, permet d'analyser les différentes composantes de l'action sociale des départements en 1999.
Evolution des dépenses nettes d'aide sociale en 1999
(en milliards de francs)
|
Dépense nette 1999 |
Dépense nette 2000 |
Evolution 1999/2000 (en %) |
Aide sociale à l'enfance |
27,8 |
28,2 |
+ 1,44 |
Aide sociale en direction des personnes âgées |
11,6 |
11,2 |
- 3,45 |
Aide sociale en direction des personnes handicapées |
15,7 |
16,7 |
+ 6,37 |
Autres dépenses |
20,2 |
20,1 |
- 0,5 |
TOTAL |
75,3 |
76,5 |
+ 1,59 |
Source : ODAS
a) L'aide sociale à l'enfance
Les
dépenses d'ASE sont constituées par :
- les frais de prise en charge des enfants, faisant l'objet d'une
décision de placement en établissement d'éducation
spécialisée ou en famille d'accueil, financés par le
département. En 1997, ces dépenses représentent 70 %
des dépenses d'ASE ;
- les dépenses liées au soutien en milieu ouvert, qu'il
s'agisse des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), du
recours aux travailleuses familiales ou des aides aux associations.
L'ASE représente un peu plus de 28 milliards de francs en 2000 et
constitue encore le premier poste de
l'action sociale
départementale. La faible progression de 2000 semble due à une
baisse du nombre de signalements d'enfants en danger.
Dépense nette d'aide sociale à l'enfance (France métropolitaine)
(en milliards de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Dépense nette |
18,6 |
20,5 |
21,9 |
22,9 |
23,9 |
24,9 |
25,9 |
27,1 |
27,8 |
28,2 |
Source : ODAS
b) Les dépenses d'aide sociale aux personnes âgées
Selon
l'ODAS, l'aide sociale aux personnes âgées représente un
coût total de
11,2 milliards en 2000
en tenant compte du
montant de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) lorsque
celle-ci est versée à des personnes âgées de plus de
60 ans ainsi que de la PSD.
Sans empiéter sur l'excellent rapport de M. Dominique Leclerc
consacré à la vieillesse dans le cadre de l'examen du projet de
loi de financement de la sécurité sociale, les données
fournies par l'ODAS font apparaître :
- une stabilité des dépenses au titre de l'aide sociale en
établissement, au cours de la dernière année de
fonctionnement de la prestation spécifique dépendance (PSD) ;
- une baisse de l'aide sociale à l'hébergement à
domicile, en raison des difficultés de fonctionnement de la PSD.
Dépense nette d'aide sociale en direction des personnes âgées
(en milliards de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Aide sociale en établissement |
5,5 |
5,7 |
6,0 |
6,5 |
6,7 |
7,0 |
7,0 |
6,9 |
6,9 |
7 |
Aide sociale à l'hébergement |
4,8 |
4,9 |
5,1 |
5,5 |
5,7 |
6,0 |
6,0 |
5,9 |
5,7 |
5,5 |
Allocation compensatrice * |
0,7 |
0,8 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
0,6 |
0,4 |
0,3 |
PSD ** |
|
|
|
|
|
|
|
0,4 |
0,8 |
1,2 |
Aide sociale à domicile |
5,2 |
5,8 |
5,9 |
6,0 |
6,4 |
6,5 |
6,1 |
5,4 |
4,7 |
4,2 |
Aide ménagère |
1,5 |
1,5 |
1,4 |
1,3 |
1,3 |
1,2 |
1,1 |
1,0 |
0,9 |
0,9 |
Allocation compensatrice * |
3,7 |
4,3 |
4,5 |
4,7 |
5,1 |
5,3 |
4,9 |
3,5 |
2,1 |
1,3 |
PSD ** |
|
|
|
|
|
|
0,1 |
0,9 |
1,7 |
2,0 |
TOTAL |
10,7 |
11,5 |
11,9 |
12,5 |
13,1 |
13,7 |
13,3 |
12,3 |
11 ,6 |
11,2 |
Source : ODAS
* Estimation ODAS mars 2000.
c) L'aide sociale aux personnes handicapées
L'aide
sociale aux personnes handicapées donne lieu à une
répartition de compétence complexe entre l'Etat, l'assurance
maladie et les départements. La prise en charge des enfants
handicapés fait l'objet d'un financement intégralement
assuré par la sécurité sociale tandis que celui-ci est
partagé avec les départements pour l'hébergement des
personnes handicapées adultes.
Le département assure les frais d'hébergement des
handicapés adultes au sein de diverses structures telles que les foyers
de vie, les foyers occupationnels et les hospices, à l'exception
toutefois des maisons d'accueil spécialisé (MAS) qui, parce
qu'elles sont réservées aux handicaps les plus lourds, sont
financées par l'assurance maladie. Par ailleurs, les centres d'aide par
le travail (CAT) et les ateliers protégés, comme on l'a vu plus
haut, relèvent de la responsabilité de l'Etat.
De plus, les foyers dits à double tarification (FDT) connaissent, au
sein d'un même établissement, un financement assuré par
l'Etat pour la prise en charge des soins et par le département pour les
frais d'hébergement.
Le poste le plus important est celui des dépenses d'hébergement
qui s'élève à 13,3 milliards de francs en 2000.
Celles-ci connaissent un taux de progression de 6 % essentiellement
dû à la progression des dépenses en établissement de
créations de places à la fois pour accueillir un nombre croissant
d'adultes handicapés et moderniser les places des hospices.
En revanche, les dépenses d'allocations compensatrices -qui ne
recouvrent ici par convention que les dépenses d'ACTP versée aux
personnes âgées de moins de 60 ans- font preuve d'une relative
stabilité depuis la décentralisation.
Il convient de souligner l'effort considérable entrepris par les
départements, de manière volontariste en matière
d'ouverture d'établissements, qui a permis d'accroître
sensiblement le nombre de personnes hébergées qui a triplé
-de 39.000 à 92.000 places- entre 1986 et 1998.
Dépense nette d'aide sociale en direction des personnes handicapées
(en milliards de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Hébergement |
6,5 |
7,0 |
8,1 |
9,1 |
9,8 |
10,5 |
11,0 |
11,8 |
12,4 |
13,3 |
Allocation compensatrice (moins de 60 ans) |
2,7 |
2,8 |
2,9 |
3,0 |
3,0 |
3,0 |
3,1 |
3,2 |
3,2 |
3,4 |
TOTAL |
9,2 |
9,8 |
11,0 |
12,1 |
12,8 |
13,5 |
14,1 |
15,0 |
15,7 |
16,7 |
Source : ODAS
Il faut relever que, sur ces 53.000 ouvertures de places, près de la moitié (22.000) l'ont été en structure d'accueil de jour ou en milieu ouvert. Le développement de ces types d'accueil a permis de limiter les coûts des prises en charge, tout en permettant aux adultes handicapés une meilleure intégration sociale.
d) Les dépenses d'insertion
L'ensemble des dépenses d'insertion prises en charge
par les
départements s'élève à
20,1 milliards de
francs
en 1999. Ces dépenses comprennent deux postes :
- les dépenses d'insertion liées au RMI dans le cadre de
l'obligation qui est faite au département d'inscrire annuellement
à son budget un crédit au moins égal à 17 %
des sommes versées, au cours de l'exercice précédent, par
l'Etat au titre de l'allocation attribuée à des personnes
résidant dans le département : le montant de ces dépenses
est évalué à
4,0 milliards de francs
en
1999 ;
Les dépenses d'accompagnement social : Il s'agit des
dépenses des services de protection maternelle et infantile (PMI), du
service social départemental ainsi que sur les frais communs et d'action
sociale facultative. Ces dépenses sont évaluées à
16,1 milliards de francs en 2000.
Dépense nette d'insertion et d'accompagnement social
(en milliards de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
RMI |
1,3 |
1,8 |
2,2 |
2,7 |
3,1 |
3,2 |
3,5 |
4,0 |
4,5 |
4,0 |
Accompagnement social |
10,7 |
11,2 |
12,0 |
12,4 |
13,6 |
14,1 |
14,7 |
15,3 |
15,7 |
16,1 |
TOTAL |
12 |
13 |
14,2 |
15,1 |
16,8 |
17,3 |
18,2 |
19,3 |
20,2 |
20,1 |
Source : ODAS
3. Les budgets primitifs des départements pour 2001
A partir
des données fournies par 72 départements, l'Assemblée
des départements de France (ADF) a évalué les budgets
primitifs des conseils généraux en 2001
(source :
ADF-CEDI).
Les dépenses brutes totales d'action sociale représentent
56,4 % des dépenses de fonctionnement en 2001.
Elles s'élèvent à
89,5 milliards de francs en
2001
soit une progression de
1,9 %
par rapport en 2000.
Les dépenses directes passent de 73,5 milliards de francs en 2000
à
74,5 milliards de francs en 2001
, soit une hausse de
1 milliard de francs et les dépenses indirectes progressent de
0,7 milliard de francs.
Les départements devraient consacrer principalement :
- 26,8 milliards de francs pour la protection de l'enfance et de la
famille : l'aide sociale à l'enfance et à la famille reste
le premier poste de dépenses de l'action sociale, en progression de
5,5 % par rapport en 2000 ;
- 21,1 milliards de francs pour les personnes
handicapées ;
- 17,3 milliards de francs pour les personnes
âgées ;
- 4,3 milliards de francs pour l'insertion.