CHAPITRE III -
LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
DANS LA
TOURMENTE
I. DE FORTES TURBULENCES MALGRÉ UN NET DÉVELOPPEMENT DES USAGES
A. UN NET DÉVELOPPEMENT DES USAGES
1. Des signaux positifs
a) L'observatoire des marchés de télécommunications
La
demande de services de télécommunications reste soutenue, comme
le montre la cinquième édition de l'enquête trimestrielle
de l'ART, portant sur le 1
er
trimestre 2001,
menée auprès de 85 opérateurs.
Cette étude, récemment publiée, indique qu'en France, les
opérateurs de télécommunications génèrent un
chiffre d'affaires auprès des clients finals
de 8 milliards
d'euros, soit 2,3 % du PIB français, contre 2,1 % un an plus
tôt
. En termes de minutes, le marché des
télécommunications enregistre une
hausse
évaluée, en moyenne glissante annuelle, à 6,8 %.
En ce qui concerne la
téléphonie mobile
, le chiffre
d'affaires de ce segment représente, au
1
er
trimestre 2001,
29,3 % du chiffre d'affaires
total
du marché des télécommunications, en progression
de trois points par rapport au 1
er
trimestre 2000.
La synthèse des résultats de cette étude est reproduite
ci-dessous :
OBSERVATOIRE DES MARCHÉS DE L'ART
(chiffres
d'affaires en millions d'euros)
|
1er trim. 2000 |
2è trim. 2000 |
3è trim. 2000 |
4è trim. 2000 |
1er trim. 2001 |
Variation sur un trimestre |
Variation en glissement |
Téléphonie fixe |
3 872 |
3 765 |
3 741 |
3 835 |
3 956 |
+3,2 % |
+0,6 % |
Fourniture d'accès Internet |
20 |
29 |
39 |
40 |
64 |
+60 % |
+34,4 % |
Téléphonie mobile |
1 877 |
1 983 |
2 133 |
2 242 |
2 347 |
+4,7 % |
+5,7 % |
Ensemble téléphonie et Internet |
5 769 |
5 777 |
5 913 |
6 115 |
6 367 |
+4,1 % |
+2,5 % |
Services avancés |
435 |
422 |
448 |
435 |
432 |
-0,7% |
-0,2% |
Liaisons louées |
432 |
448 |
584 |
568 |
600 |
+5,6% |
+8,3% |
Transport de données |
121 |
146 |
144 |
136 |
175 |
+28,7% |
+9,9% |
Renseignements, annuaires et publicité |
105 |
115 |
78 |
100 |
87 |
-13,0% |
-4,5% |
Terminaux et équipements |
250 |
321 |
379 |
665 |
340 |
-48,9% |
+5,6% |
Hébergement et gestion de centres d'appels |
7 |
21 |
16 |
12 |
8 |
-33,3% |
+1,8% |
Ensemble du marché |
7 119 |
7 250 |
7 563 |
8 031 |
8 009 |
-0,3% |
+3,0% |
Source : ART
b) Le tableau de bord de l'innovation
Le
tableau de bord de l'innovation
est un indicateur périodiquement
publié par le Secrétariat d'Etat à l'industrie, qui
synthétise l'ensemble des données de la nouvelle
économie : nouveaux investisseurs, nouvelles technologiques,
nouveaux usages...
La dernière version du tableau de bord, parue en avril 2001, donne
des signaux très encourageants quant au développement des usages.
Elle montre ainsi qu'au cours du second semestre 2000, la progression du
nombre d'internautes en France
s'est accentuée. Le seuil de
huit millions d'utilisateurs de l'internet
(à domicile, sur le
lieu de travail ou dans un autre lieu public) aurait été atteint.
Selon les sondages de l'Eurobaromètre (Commission européenne), le
pourcentage des ménages disposant d'un accès à l'Internet
à domicile serait passé en France de 13 % à 19 %
entre mars et octobre 2000. Ce dernier pourcentage restant
inférieur à ceux atteints au Royaume-Uni (41 %), en
Allemagne (27 %) et en Italie (23 %).
NOMBRE
D'INTERNAUTES
(en millions)
Erreur ! Liaison incorrecte.
Source : tableau de bord de l'innovation
Le
nombre d'ordinateurs hôtes
(sous « .fr »)
connectés à Internet a augmenté en France
légèrement plus rapidement (+58 %) durant
l'été 2000, que la moyenne des autres pays de l'Union
Européenne (+44 %). Il s'agit toutefois d'un indicateur partiel, en
l'absence de calcul officiel intégrant les machines sous
« .com » relevant de la France.
NOMBRE
D'ORDINATEURS HÔTES EN FRANCE
(en millions)
Source : tableau de bord de l'innovation
Le taux de pénétration de la
téléphonie
mobile
, avec
34,6 millions
d'abonnés en septembre 2001
(soit plus d'abonnements mobiles que de lignes téléphoniques
fixes) a atteint
57,6 % de la population
. Au
31 décembre 2000, il était de 49,4 %, un taux
inférieur à celui des Allemands (58,7 %) à la
même date, alors qu'au début de l'année 2000, il
était encore supérieur (34,3 %) à celui des Allemands
(28,6 %).
NOMBRE
DE CLIENTS DU TÉLÉPHONE MOBILE
(en millions)
% taux
de croissance
--
Taux de diffusion en % sur la base d'une population
française de 60,1 millions de personnes (recensement 1998)
Source : Art
Les
ventes de micro-ordinateurs
aux entreprises et aux ménages
ont atteint
3,9 millions d'unités
en 2000, soit une
progression de 4 % par rapport à 1999. Au cours du second semestre
2000, plus de 2,2 millions de micro-ordinateurs ont été
vendus en France (+2 % par rapport au second semestre 1999). Dans ce
total, les ventes de micro-ordinateurs au grand public (près de
0,7 million d'unités) progressent de 1,7 % seulement par
rapport au second semestre 1999, reflétant un ralentissement de la
demande.
Entre mai 1999 et mai 2000, l'équipement des ménages en
micro-informatique a continué de progresser. Le parc d'ordinateurs
possédés par les ménages en France, s'est
élevé à
7,5 millions d'unités
(y.c les
portables), soit une augmentation de plus de plus de 18 % par rapport
à 1'année 1999. Ainsi, 27 % des ménages
résidant en France possèdent un ordinateur à leur
résidence principale. Ce niveau d'équipement informatique des
ménages reste largement inférieur aux taux constatés en
Allemagne (47 %), aux Etats-Unis (56 %) et en Suède (76 %
) pour l'année 2000.
2. Un acquis à développer : le service universel des télécommunications
a) Contenu et coût du service universel
La loi
de réglementation des télécommunications du
26 juillet 1996 affirme le principe du maintien d'un service public
des télécommunications et organise la compatibilité de sa
fourniture avec les objectifs de pleine concurrence. Elle en a ainsi
précisé le contenu.
Le service universel des
télécommunications
en est la principale composante, à
côté des services obligatoires et des services
d'intérêt général. France Télécom est
l'opérateur public chargé, par la loi, du service universel.
Le
service universel
est défini comme la fourniture à tous
d'un service téléphonique de qualité à prix
abordable. Il assure l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture
d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés sous forme
imprimée et électronique. Il garantit la desserte du territoire
en cabines téléphoniques sur le domaine public. Le service
universel prévoit des conditions tarifaires et techniques
spécifiques, adaptées aux personnes qui rencontrent des
difficultés d'accès au service téléphonique en
raison de leur handicap ou de leur faible revenu. Son financement est
partagé entre les opérateurs.
Le
coût du service universel
comporte cinq composantes :
le coût lié au
déséquilibre de la structure
courante des tarifs
de France Télécom : cette
composante, transitoire, couvre la phase de rééquilibrage des
tarifs de France Télécom par rapport à ses coûts,
déséquilibre supportable en situation de monopole mais
incompatible avec la concurrence. Cette composante, nulle depuis le
1er janvier 2000, était auparavant partagée -comme tous
les autres coûts- entre les opérateurs à l'exception des
opérateurs mobiles, exemptés en contrepartie d'engagements de
couverture du territoire ;
le coût de la
péréquation géographique
,
c'est-à-dire celui lié à la desserte du territoire et
à l'accès de tous au téléphone à un
même prix sur l'ensemble du territoire ;
les tarifs sociaux
: il s'agit de la charge liée
à l'obligation de fournir une offre de tarifs particuliers,
destinée à certaines catégories de personnes, en raison
notamment de leur faible niveau de revenu ou de leur handicap. A noter que leur
mise en place est récente ;
la desserte du territoire en
cabines
téléphoniques
;
l'annuaire universel
et le service de renseignements
correspondant, qui n'ont toutefois pas encore vu le jour.
Le coût net du service universel des télécommunications est
calculé par l'ART, puis constaté par le ministre. Il est
notamment basé sur l'utilisation d'un modèle permettant de
connaître le coût de la péréquation
géographique, à partir de celui de la desserte des zones non
rentables mais aussi de celui des abonnés non rentables dans les zones
rentables. Ce modèle reflète le comportement d'un
opérateur
qui développerait un réseau
téléphonique, à partir des zones les plus rentables,
supposées être celles de plus forte densité
démographique
. Pour chaque catégorie de zones locales, un
coût net apparaît dès lors que le coût
supplémentaire encouru par l'opérateur pour desservir cette
catégorie est supérieur aux recettes directes et indirectes
retirées de la desserte de cette catégorie de zones locales.
La loi a prévu que le coût de la prestation de service universel,
qui est supporté par France Télécom, soit
partagé et financé de manière équitable entre
l'ensemble des opérateurs
de télécommunications et
financé au prorata de leur trafic.
Le coût net prévisionnel du service universel des
télécommunications a été évalué par
l'Autorité de régulation des télécommunications
à
430,21 millions d'euros pour 2000
et à
415,72 millions d'euros pour 2001,
se décomposant de la
manière suivante :
COÛT NET DU SERVICE UNIVERSEL EN 2000 ET 2001
(MONTANTS
PRÉVISIONNELS)
en millions d'euros |
2000 |
2001 |
Péréquation géographique |
220,44 |
229,28 |
Autres obligations de service universel |
209,77 |
186,44 |
TOTAL |
430,21 |
415,72 |
D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, pour la dernière année liquidée (1999), si France Télécom, unique prestataire du service universel, est bien le seul opérateur créditeur du fonds de service universel géré par la Caisse des dépôts, les 78 opérateurs débiteurs recensés par le fonds apparaissent pour une contribution qui s'échelonne, en fonction de leur part dans le trafic total, de 0 à 434 millions d'euros.
b) Quelle évolution pour le service universel des télécommunications ?
Le
législateur a prévu, en 1996, que le contenu du service universel
des télécommunications soit, le cas échéant,
complété au cours du temps.
L'article L. 35-7
du
code des postes et télécommunications inséré par
cette loi a même précisé le mécanisme devant
conduire à l'extension du champ du service universel. Votre commission y
avait d'ailleurs particulièrement veillé.
La loi indique ainsi que, «
au moins une fois tous les quatre
ans
» -formulation destinée à donner une date
butoir tout en préservant la possibilité d'agir avant ce terme-,
le Gouvernement dépose au Parlement un
rapport
sur l'application
du chapitre du code des postes et télécommunications
consacré au service universel des télécommunications. Il
est précisé que ce rapport peut proposer
d'étendre le
champ du service universel
, en fonction des besoins de la
société et de l'évolution des technologies.
La loi a donc fixé un rendez-vous très précis pour
faire évoluer le service universel des télécommunications.
Votre commission déplore que le Gouvernement n'ait d'ailleurs pas
respecté l'échéance de juillet 2000 fixée par le
législateur pour le dépôt dudit rapport
20(
*
)
, dont la rédaction est
pourtant achevée
21(
*
)
.
Par ailleurs, votre commission est particulièrement attentive aux
discussions en cours au niveau européen, dans le cadre de la
révision du « paquet » de directives sur les
télécommunications. Des huit textes en discussion, c'est, en
particulier, le projet de directive concernant le service universel et les
droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services
de communications électroniques qui retient son attention.
Le Conseil des ministres du 27 juin 2001 a permis l'adoption d'un
accord politique
entre les quinze sur cette directive. Les discussions
ont principalement porté sur les mesures particulières en faveur
des utilisateurs défavorisés, le caractère abordable des
tarifs, le réexamen de la portée du service universel, les
obligations de diffuser, le financement des obligations de service universel et
les contrôles réglementaires concernant les services.
Dans le cadre du réexamen de cette directive, il est
ultérieurement prévu que l'extension du champ du service
universel devra être étudiée, notamment en terme de
mobilité et de débits plus élevés.
Votre commission regrette que la France n'ait pas obtenu de vos partenaires
un élargissement plus immédiat du service universel
.
3. Deux freins à lever : le dégroupage et l'accès forfaitaire illimité à Internet
a) La laborieuse mise en oeuvre du dégroupage
Présenté il y a plus de deux ans par le
Gouvernement
comme une réforme majeure pour faire entrer la France dans la
société de l'information, le « dégroupage de la
boucle locale »
22(
*
)
, après des
péripéties
23(
*
)
rappelées l'an dernier par votre rapporteur pour avis entre si
péniblement en oeuvre que
seuls quelques opérateurs persistent
à être candidats
au terme de négociations qui
s'apparentent à un véritable parcours du combattant.
A tel point que l'ART tient désormais, sur son site Internet, un
«
tableau de bord du dégroupage
» sur
l'état d'avancement de sa mise en oeuvre opérationnelle.
On peut y lire qu'«
au 20 octobre 2001 »
,
c'est à dire deux ans après la décision du
gouvernement de le mettre en oeuvre,
le
« dégroupage
commence à entrer en phase commerciale : le déploiement des
opérateurs dans les sites de France Télécom a
commencé et le dégroupage concret de lignes d'abonnés
démarre
». L'Autorité précise pudiquement
qu'elle «
travaille avec les acteurs concernés pour
résoudre les problèmes encore en suspens afin de permettre un
dégroupage effectif
».
Seuls neuf opérateurs sont désormais candidats au
dégroupage, contre plus de trente lorsque la décision de mettre
en oeuvre cette procédure parachevant l'ouverture à la
concurrence avait été annoncée.
Parmi eux, seuls cinq
ont réellement signé une convention de dégroupage avec
France Télécom
, leur permettant d'entrer en phase de
commercialisation d'une offre de dégroupage, compte tenu des conditions
tarifaires et techniques proposées. L'offre de référence
de France Télécom du 16 juillet 2001, base actuelle de
la mise en oeuvre du dégroupage, après plusieurs mises en
demeures du régulateur sur des offres précédentes, a en
effet été vivement critiquée par certains candidats au
dégroupage.
Votre commission regrette que les conditions (techniques,
opérationnelles et financières) du dégroupage
restreignent, de fait, son déploiement aux zones les plus rentables et
donc aux grandes agglomérations.
Les opérateurs vont ainsi être conduits, inévitablement,
à des arbitrages privilégiant les zones les plus denses au
détriment de l'aménagement du territoire. Il ressort des
données de l'ART que les premières salles de co-localisation, par
exemple, ont été commandées en régions parisienne,
lyonnaise et marseillaise, comme le montre le graphique ci-dessous :
SALLES
DE CO-LOCALISATION COMMANDÉES AU 20 OCTOBRE 2001
Source : Art
b) L'impasse de l'interconnexion forfaitaire illimitée à Internet
Un des
moyens les plus puissants pour diffuser l'usage d'Internet est de proposer des
forfaits dits « illimités », c'est-à-dire des
« abonnements tout compris » dont le
prix est
indépendant de la durée de la connexion.
Cette formule a
été expérimentée en France avec le lancement, en
août 2000, d'offres forfaitaires illimitées (99 francs
par mois tout compris pour 2 ans d'abonnement, 199 francs par mois
pour des engagements résiliables à la demande). Non viables
économiquement dans les conditions actuelles d'interconnexion entre
opérateurs, et ayant donné lieu à des problèmes de
saturation technique, ces offres ont été retirées du
marché.
Au cours de ces derniers mois, le Gouvernement, le régulateur et
plusieurs acteurs économiques se sont prononcés en faveur du
système d'interconnexion Forfaitaire illimitée (IFI) permettant
la mise en oeuvre de ce type de forfaits, dans des conditions
économiquement viables.
Le 11 janvier dernier, par exemple, le Premier ministre se prononçait en
faveur de cette solution lors de ses voeux à la presse, tandis que le
secrétaire d'Etat à l'industrie précisait le même
jour : «
les internautes pourront ainsi
bénéficier d'offres forfaitaires illimitées à
Internet dès l'été prochain, à des tarifs
inférieurs à 200 francs par mois
».
France Télécom a ainsi été
« invitée » à présenter
une offre
d'interconnexion à la capacité (et non la durée) au niveau
de ses commutateurs d'abonnés
. Or, les fournisseurs d'accès
à Internet estiment que ces tarifs d'interconnexion forfaitaire ne sont
pas orientés vers les coûts et font valoir qu'ils sont
jusqu'à 75 % plus élevés que les tarifs
équivalents proposés au Royaume-Uni.
Le secrétaire d'Etat à l'industrie a eu beau affirmer, lors de
son audition devant votre commission, avoir demandé à l'ART
«
d'étudier les solutions permettant de parvenir à
une offre d'accès illimité à moins de
200 francs
», le dossier reste, pour l'instant, au point
mort, aucune offre de ce type n'étant proposée.
Votre Commission des Affaires économiques souhaite vivement que de
nouvelles conditions tarifaires permettent la relance de la dynamique des
offres illimitées pour le grand public.
B. DE FORTES TURBULENCES
1. Un retournement particulièrement brutal
Depuis
le début de l'année 2000, le contexte boursier a
été très chahuté, caractérisé par des
cours d'actions très volatils, en particulier dans le secteur des
télécommunications et des technologies de l'information.
Au premier trimestre 2000, les valeurs dites « TMT »
(Technologies Médias Télécoms) ont connu
un fort
engouement
, lié principalement aux perspectives de croissance de ce
secteur. Cette effervescence a été suivie d'une
désaffection accentuée
, qui s'explique, en partie, par
l'ampleur des investissements financiers (compte tenu du prix exorbitant des
licences) et opérationnels à consentir, notamment pour l'UMTS.
L'« éclatement de la bulle Internet » a surtout
affecté les entreprises les plus fragiles, qui comptaient sur des
multiples de capitalisation très élevés pour financer leur
développement, et en particulier celles qui étaient
engagées dans une fuite en avant, vendant à perte pour se
constituer un portefeuille de clients important le plus rapidement possible,
dans l'espoir d'une revente, avec forte plus-value, de leur activité.
Mais ce retournement brutal n'a pas frappé que les
sociétés de la « nouvelle économie ».
Il a eu également de fortes répercussions sur les
sociétés du secteur des télécommunications, ce
dernier devenant, en outre, avec la défaveur soudaine de l'UMTS, un
secteur « à risque ».
La « gestion » -si l'on peut dire !- du dossier
« UMTS » par la Commission européenne et les
procédures d'enchères anglaises et allemandes portent une lourde
part de responsabilité en la matière.
Sans trop s'étendre sur un constat bien connu, votre rapporteur souhaite
toutefois reproduire ci-après un tableau éloquent, publié
sur le site Internet du
Financial Times
24(
*
)
, et qui
chiffre à
436.000 le nombre des suppressions d'emplois
(par licenciements et non
renouvellement d'emplois)
dans le secteur des
télécommunications depuis le début de
l'année 2001 :
SUPPRESSIONS D'EMPLOIS DANS LES TÉLÉCOMMUNICATIONS
DEPUIS LE 1
ER
JANVIER 2001
SOCIETES |
NOMBRE D'EMPLOIS SUPPRIMÉS |
Nortel Networks |
49 000 |
Lucent Technologies |
44 910 |
Motorola |
39 000 |
China Unicom |
34 478 |
Alcatel |
33 000 |
Ericsson |
22 000 |
Solectron |
20 700 |
Siemens |
17 000 |
JDS Uniphase |
16 000 |
Corning |
12 000 |
Philips |
11 570 |
ADC |
9 500 |
Cisco Systems |
8 500 |
Matsushita |
8 000 |
Worldcom Group |
8 000 |
Marconi |
7 000 |
KPN |
6 800 |
Sprint |
6 000 |
Agere Systems |
6 000 |
British Telecommunications |
6 000 |
3Com |
6 000 |
Cable and Wireless |
5 500 |
NTL |
5 000 |
Qwest |
4 000 |
France Telecom |
3 000 |
BellSouth |
3 000 |
Elcoteq |
3 000 |
Celestica |
2 900 |
Molex |
2 500 |
Epcos |
2 190 |
Level 3 Communications |
2 150 |
Oki Electric |
2 100 |
McleodUSA |
2 075 |
Conexant Systems |
2 075 |
Global Crossing |
2 000 |
Mitsubishi Electric |
2 000 |
Tellabs |
2 000 |
Winstar |
2 000 |
Flextronics |
1 500 |
ECI Telecom |
1 400 |
Nokia |
1 250 |
Covad Communications |
1 200 |
Sonera |
1 000 |
Vodafone |
960 |
Northpoint |
948 |
Teligent |
900 |
Atlantic Telecom |
895 |
Japan Telecom |
850 |
360networks |
800 |
Optus |
700 |
Exodus Communications |
675 |
Gemplus |
567 |
Excite@Home |
500 |
Zarlink (formerly Mitel) |
430 |
Comverse Technology |
400 |
Pacific Century Cyberworks |
340 |
Openwave |
300 |
Network Access Solutions |
295 |
Bookham Technology |
250 |
Corvis |
250 |
Globalstar |
175 |
Vitesse Semiconductor |
150 |
Juniper Networks |
104 |
Orchestream |
94 |
TOTAL |
435 881 |
Source : Financial Times (mise à jour du
2 novembre 2001)
L'évolution des cours de, respectivement, France Télécom
et Wanadoo, sommairement retracée dans le graphique ci-dessous, est,
elle aussi, particulièrement éloquente :
EVOLUTION DES COURS DE FRANCE TÉLÉCOM ET
WANADOO
(en euros
)
Nombre d'opérateurs européens se sont trouvés particulièrement déstabilisés par cette situation, au premier rang desquels BT, KPN, Deutsche Telekom, mais aussi France Télécom.
2. France Télécom fragilisé malgré une hausse d'activité
a) Une bonne tenue de l'activité et des résultats
Dans ce
contexte, les résultats consolidés du groupe France
Télécom du premier semestre 2001, rendus publics le
5 septembre dernier, font pourtant état d'un
chiffre d'affaires
consolidé
des six premiers mois en forte progression
(à 20,4 milliards d'euros, soit une progression de 33,3 %)
en raison du fort développement des mobiles, de l'Internet et de
l'international, et de la consolidation, pour la première fois sur six
mois, d'Orange Royaume-Uni et d'Orange Suisse. A taux de change,
périmètre et méthode de consolidation constants,
le
chiffres d'affaires augmente de 7,9 %
(contre 7,7 % au premier
semestre 2000).
Un tiers de l'activité de France Télécom est
désormais réalisé à l'international. Le chiffre
d'affaires contributif d'Orange progresse de 122,4 % et représente
un tiers du chiffre d'affaires consolidé. Le chiffre d'affaires
contributif de Wanadoo progresse de près de 50 %.
L'EBITDA
(résultat opérationnel courant avant
amortissement) du groupe, à 6,1 milliards d'euros, progresse de
14 %.
Le résultat net part du groupe
s'élève
à 1,95 milliards au 1
er
semestre 2001. La
comparaison avec le premier semestre 2000 n'est toutefois pas significative (en
raison de l'importante plus-value de cession de Telmex, qui s'élevait
à 2,6 milliards d'euros).
Les premiers résultats du
troisième trimestre de 2001
confirment cette bonne tenue.
Le chiffre d'affaires consolidé de France Télécom
au 30 septembre 2001 s'élève à
31,6 milliards d'euros, en progression de 31,9 % par rapport
à l'année précédente
. La croissance de
l'activité de France Télécom au
30 septembre 2001 demeure supérieure à la croissance
annuelle réalisée en 2000 (+23,7 %). Le nombre de clients de
France Télécom est également en progression. Il
s'établit, au 30 septembre 2001, à 88 millions contre
71 millions à la fin septembre 2000, soit une augmentation de
24 % en un an.
La croissance du chiffre d'affaires consolidé correspond au
développement des activités à l'international, dont le
chiffre d'affaires à la fin septembre 2001 est en progression de
106,4 %. Avec l'intégration d'Equant depuis le 1
er
juillet 2001, la part des activités à l'international sur le
chiffre d'affaires total atteint 38,2 % au troisième trimestre et
s'établit à 35,2 % du chiffre d'affaires total du groupe
France Télécom sur les neuf premiers mois de 2001, contre
25,8 % en 2000.
A périmètre et taux de change constants, la croissance à
la fin septembre 2001
s'élève à +7,3 %
.
Elle correspond, pour l'essentiel, à la poursuite du
développement des services mobiles et des activités liées
à l'Internet pour le grand public et les entreprises.
Si l'activité continue de croître, c'est le
niveau
d'endettement de l'opérateur
qui a, en grande partie,
entraîné à la baisse son cours de bourse,
dégradé sa cotation par les agences de
« rating » et fait sortir France Télécom de
l'indice de la bourse de Francfort des valeurs vedettes du secteur.
b) Le « boulet » de la dette
L'endettement net du groupe atteint, en effet, au
30 juin 2001, la somme impressionnante de 64,9 milliards
d'euros.
Le niveau d'endettement de France Télécom a connu une croissance
de 46 milliards d'euros en 2000. Les raisons principales en sont la
réalisation de l'important programme d'investissements financiers
réalisés dans le cadre de la stratégie de
développement international du groupe (dont l'acquisition d'Orange, la
prise de contrôle totale de Global One, les prises de participation dans
TPSA et dans Mobilcom en Allemagne) ainsi que le coût des licences UMTS,
en France, mais aussi dans le reste de l'Europe.
L'objectif de l'opérateur est de réduire l'endettement de 20
à 30 milliards d'Euros d'ici à 2003, de façon qu'il
ne représente plus, alors, que 2 ans à 2 ans et demi
d'excédent brut d'exploitation. Plusieurs leviers de réduction de
l'endettement sont envisagés :
- la croissance des résultats de l'entreprise et du
« cash flow » libre ;
- la cession d'actifs non stratégiques (pour 15 à
20 milliards) ;
- la remise sur le marché des 100 millions d'actions nouvelles
créées pour acheter Orange à Vodafone. Cette remise sur le
marché se fera en plusieurs opérations qui s'étaleront sur
les 2 prochaines années. L'objectif est de récolter 7
à 10 milliards d'euros.
La réussite de cette stratégie de désendettement, que
les analystes ont, dans un premier temps, remise en cause, est toutefois
fortement conditionnée par l'évolution de l'environnement
notamment boursier.
En 2001, une première étape de réduction de la dette sera
effectuée. D'ores et déjà, France Télécom a
cédé 2,5 milliards d'euros d'actifs (500 millions de
KPN Orange, 1 milliard de Sema et 1 milliard de Noos) et vient de
finaliser la cession de sa participation dans Sprint pour 1,9 milliard
d'euros. Au total, environ 4,5 milliards d'euros auront été
cédés au premier semestre 2001.
Le programme de cessions prévoit également 3 à
5 milliards d'euros de cessions dans le domaine de l'immobilier, dont 2
à 3 milliards d'euros cette année, suivant une
procédure d'enchères qui devrait transférer une bonne
partie du parc immobilier de France Télécom à un
consortium regroupant notamment la Caisse des dépôts et
consignations et Goldman Sachs. Enfin, la recherche d'un acquéreur est
en cours pour lui céder la participation détenue dans le capital
de ST Microelectronics, pour un montant visé de 3,5 milliards
d'euros.