2. Les questions comptables
a) Une manipulation comptable ouvrant « la porte à l'arbitraire »
La réouverture des comptes 2000 après leur clôture pour imputer sur cet exercice l'annulation de la créance détenue par les caisses de sécurité sociale sur le FOREC constitue, aux yeux de votre rapporteur pour avis, une manipulation comptable de la plus haute gravité qui, si elle avait été pratiquée dans les entreprises, aurait constitué un délit des comptables et dirigeants les rendant passible du tribunal correctionnel.
Le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, François Monnier, a fait part d'un sentiment assez proche dans son avant propos au rapport de la septembre 2001 de la commission, lui qui justifiait ainsi une imputation sur 2001 de l'annulation de la créance : « l'application de cette règle [de transparence totale et d'absence de retraitement des comptes] trouve une illustration dans la comptabilisation d'une charge exceptionnelle dans les comptes en droits constatés du régime général pour 2001. Les comptes 2000 des organismes sociaux, établis conformément aux dispositions législatives et réglementaires, comportent une créance à hauteur de la partie non compensée des exonérations de cotisations. Des décisions prises après l'arrêté des comptes rendent cette créance irrécouvrable. Elle sera annulée par la comptabilisation d'une charge exceptionnelle dans les comptes 2001 des organismes. Nous procéderons de la même façon dans nos comptes, nous interdisant tout retraitement des comptes 2000 qui justifierait inévitablement d'autres corrections et ouvrirait la porte à l'arbitraire ».
Le simple fait qu'une telle manipulation comptable ait été possible illustre à merveille le manque de rigueur dont fait preuve le gouvernement dans l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale et les limites intrinsèques de l'instrument. Imagine-t-on un instant que le projet de loi de finances pour 2002 décide de l'imputation sur l'exercice 2000 d'une charge nouvelle ? En dehors de l'impossibilité juridique d'une telle manipulation dans le cadre organique actuel, cette opération serait retraitée par les comptables européens et ne rendraient dupe personne. Même s'il est probable que les comptables européens retraiteront les comptes du régime général pour imputer sur 2001 l'annulation de la créance, le mal aura été fait et le gouvernement comme l'Assemblée nationale auront préféré la manipulation à la vérité des chiffres : les 35 heures auront dégradé le solde du régime général en 2001 pour le rendre déficitaire de plus d'un milliard d'euros. Et ce, sans prendre en compte les pertes de recettes nombreuses subies par les organismes de sécurité sociale pour le financement des 35 heures.
La transparence comptable voulue par Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales en 1993, mise en place par l'action de la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), devant se traduire enfin par une harmonisation du plan comptable, et par l'absence de retraitement entre les comptes des organismes, ceux publiés par la commission des comptes et les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale se retrouve ainsi mise à mal alors même qu'elle devait prendre forme.
b) Des questions comptables encore pendantes
Le nouveau plan comptable des organismes de sécurité sociale, mis au point par la MIRCOSS et dont l'application sera surveillée et actualisée par le Haut conseil de la comptabilité des organismes de sécurité sociale entrera pleinement en vigueur pour les organismes du champ de la loi de financement de la sécurité sociale le 1 er janvier 2002.
La nouvelle organisation comptable de la sécurité sociale Améliorer les délais de production des comptes de la sécurité sociale et mettre en place des structures pour traiter de la comptabilité des organismes de sécurité sociale : tels sont les deux objectifs d'un décret publié au Journal officiel du 20 septembre 2001. Il s'agit du décret d'application de l'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 47 ( * ) qui a posé le principe de la mise en oeuvre d'un « plan comptable unique ». Un texte qui répond en partie aux attentes de la Cour des comptes qui, dans son premier rapport annuel sur la sécurité sociale, s'est montrée critique sur la production des comptes de la sécurité sociale. En premier lieu, le décret met en oeuvre ce plan comptable unique des organismes de sécurité sociale et fixe les dates butoir de transmission ou d'arrêté de comptes : - 31 janvier pour les organismes de base de sécurité sociale ; - 28 février pour les organismes nationaux. Une dérogation est toutefois prévue pour les comptes annuels 2002, 2003 et 2004 qui seront transmis au plus tard le 31 mars suivant l'exercice comptable clos. Haut conseil interministériel Il est créé un Haut conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, placé auprès du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget. Il est chargé notamment de : - fixer les orientations et de superviser l'ensemble des travaux de la mission comptable permanente ; - donner un avis sur toute proposition de modification du plan comptable unique des organismes de sécurité sociale ; - présenter toutes recommandations nécessaires pour améliorer la lisibilité et la production des comptes des organismes de sécurité sociale. Il élaborera chaque année un rapport qui sera transmis au Parlement « en vue d'améliorer son information sur les principes et les règles qui régissent les comptes des organismes de sécurité sociale ». Cette instance consultative réunit diverses personnalités parmi lesquelles figurent un magistrat de la Cour des comptes, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, des hauts fonctionnaires, des représentants de l'ACOSS et des caisses nationales de sécurité sociale. Mission comptable permanente Autre instance créée par le décret : la mission comptable permanente des organismes de sécurité sociale rattachée pour sa gestion administrative aux services du ministère chargé de la sécurité sociale. Cette mission interministérielle est notamment chargée : - d'organiser les travaux nécessaires aux arrêtés de comptes annuels ; - de centraliser les comptes annuels et infra-annuels des organismes de sécurité sociale et de s'assurer de leur qualité ; - de mettre les informations comptables à disposition des destinataires habilités ; - de proposer toute évolution jugée nécessaire du plan comptable unique ; - de veiller à l'exacte application des principes comptables par les organismes de sécurité sociale. La mission peut faire tout commentaire et porter toute application jugée nécessaire sur la qualité des comptes produits par les organismes de sécurité sociale. Elle prépare le rapport annuel du Haut-Conseil et assure son secrétariat. Le secrétaire général de la mission est nommé, sur proposition du ministre chargé de la sécurité sociale, par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale. |
Source : Liaisons sociales , 21 septembre 2001
Néanmoins, ainsi que le montre le rapport 2001 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, de nombreuses questions restent en suspens :
• Quelle harmonisation avec les organismes ne faisant pas partie du champ de la loi de financement mais appartenant à la sphère de la protection sociale ?
• A quand des comptes infra-annuels et non plus des prévisions ?
• Quelles clefs de passage entre les différentes notions que sont le solde du régime général, le compte de la protection sociale et les comptes sociaux de la Nation ?
• Quelle harmonisation à l'intérieur de l'Etat dans le traitement comptable de concepts identiques comme celui des sommes que représente la prise en charge par l'Etat de cotisations sociales ?
Votre rapporteur pour avis, tout en saluant les avancées déjà réalisées en matière de comptabilité de la sécurité sociale, souhaite condamner une nouvelle fois la manipulation quasi-délictuelle consistant à faire rouvrir les comptes 2000 du régime général et restera particulièrement attentif à la poursuite de progrès en matière de comptabilité des organismes de sécurité sociale.
* 47 Décret n°2001-859 du 19 septembre 2001 (JO du 20 septembre).