IV. DES FONDS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE UNE NOUVELLE FOIS PONCTIONNÉS

De 1996 à 2000, ce sont plus de 4 milliards de francs qui ont été prélevés par l'Etat sur les fonds disponibles en matière de formation, qu'il s'agisse des fonds finançant l'alternance, le congé individuel de formation ou le capital de temps de formation.

Le projet de loi de finances pour 2001 n'échappe pas à la règle en prévoyant un nouveau prélèvement. Or ces ponctions sont loin d'être indolores et risquent de fragiliser l'ensemble de notre système de formation.

A. DES PRÉLÈVEMENTS RÉCURRENTS

Le financement du système français de formation professionnelle repose largement sur les entreprises au titre de leur obligation de participation à l'effort de formation professionnelle instituée en 1971, obligation devant représenter au minimum 1,5 % de la masse salariale pour les entreprises de 10 salariés et plus, et 0,25 % pour celles de moins de 10 salariés. Ces sommes sont pour partie collectées par les OCPA, qui sont également chargés de financer des engagements de formation. Les disponibilités des OCPA sont centralisées par des organismes chargés d'en assurer la mutualisation. Ce sont ces disponibilités qui constituent ce que l'on appelle " les fonds de la formation professionnelle ".

Ces " fonds " sont actuellement gérés par deux organismes :

- l'AGEFAL, au titre de l'alternance ;

- le COPACIF, au titre du congé individuel de formation et du capital de temps de formation.

1. Une pratique " exceptionnelle " devenue annuelle

Depuis 1996, ces fonds ont fait l'objet de prélèvements réguliers au profit de l'Etat.

L'article 29 de la loi de finances pour 1996 a inauguré ces prélèvements, en soumettant le COPACIF à une contribution exceptionnelle au budget de l'Etat qui s'est élevée à 1,465 milliard de francs .

Le COPACIF

L'article L. 961-13 du code du travail introduit par l'article 29 de la loi de finances pour 1996 a créé un fonds national habilité à recueillir les excédents financiers des organismes collecteurs gérant les contributions des employeurs au financement du CIF. L'organisation de ce fonds a été confiée aux organisations syndicales interprofessionnelles de salariés et d'employeurs représentatives au plan national.

Le COPACIF (Comité paritaire du congé individuel de formation), institué par les partenaires sociaux par l'avenant du 21 septembre 1982 pour veiller au bon fonctionnement de la gestion paritaire du dispositif du congé individuel de formation, et agréé par arrêté du 5 juin 1996 du ministre chargé de la formation professionnelle, a ainsi vocation à gérer les excédents financiers des OPACIF et à les réaffecter aux organismes déficitaires après constatation de besoins de trésorerie.

En outre, en application de l'article 131 de la loi de finances pour 2000, il est désormais compétent pour recevoir les disponibilités excédentaires dégagées au titre du capital du temps de formation, et les affecter aux OPACIF déficitaires.

Un commissaire du Gouvernement est désigné par le ministre chargé de la formation professionnelle auprès du COPACIF, qui adresse chaque année un compte-rendu d'activité à l'autorité administrative.

En 1999, il a recueilli 24 millions de francs de disponibilités excédentaires au titre de 1998 et versé 99 millions de francs au titre des besoins de trésorerie des OPACIF

L'article 40 de la loi de finances pour 1997 a poursuivi le mouvement, mais en visant cette fois l'AGEFAL. Une contribution exceptionnelle de 1,370 milliard de francs a ainsi été prélevée sur la trésorerie de l'organisme.

L'AGEFAL

Agréée par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle en vertu des dispositions de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1996, l'association de gestion du fonds des formations en alternance (AGEFAL), créée le 9 janvier 1987 par les partenaires sociaux, est chargée de la régulation du système de financement de l'alternance.

L'AGEFAL est alimentée par les disponibilités excédentaires des OPCA agréés au titre de l'alternance, la part des 35 % de la contribution alternance des entreprises non reversée par les OPCA de branches aux OPCA interprofessionnels en application de l'article 30 IV bis de la loi de finances pour 1985 modifié, les sommes versées au Trésor public, par les entreprises, à défaut de versement à un OPCA, au titre de la contribution alternance.

En contrepartie, l'AGEFAL garantit les engagements de financement de formation souscrits par les OPCA déficitaires auprès des entreprises et couvre les besoins constatés de trésorerie de ces derniers.

Un commissaire du Gouvernement est désigné par le ministre chargé de la formation professionnelle auprès de l'AGEFAL, qui adresse chaque année un compte rendu d'activité à l'autorité administrative.

Au titre de 1999, les produits de l'AGEFAL s'élèvent à 1.096 millions de francs et les dépenses à 1.652 millions de francs.

L'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a institué un nouveau prélèvement sur les disponibilités de l'AGEFAL de 500 millions de francs .

En 1999, une contribution de 500 millions de francs a été versée à l'Etat par l'AGEFAL. La nature du prélèvement avait cette fois cependant évolué car il était affecté, via la création d'un fonds de concours, au financement des primes d'apprentissage.

Les disponibilités au titre de l'alternance ou du congé individuel de formation commençant à s'épuiser, il importait de diversifier les sources de ces ponctions répétées. Aussi la loi de finances pour 2000, dans son article 131, a habilité le COPACIF à gérer les excédents financiers au titre du capital de temps de formation, mais a parallèlement permis leur affectation exceptionnelle aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle. Une nouvelle contribution de 500 millions de francs était alors programmée.

Mais cette fois, le conseil d'administration du COPACIF, composé des partenaires sociaux, a refusé de verser cette contribution au fonds de concours. Mais la rémission risque pourtant de n'être que de courte durée puisque l'article 32 du projet de loi de finances rectificative pour 2000 prévoit d'inscrire ce prélèvement d'autorité.

Au total, de 1996 à 2000, ce seront 4.335 millions de francs qui auront été prélevés par l'Etat sur les fonds de la formation professionnelle, 2.370 l'étant sur les disponibilités de l'AGEFAL et 1.965 sur celles du COPACIF.

2. Une nouvelle ponction sur les disponibilités du COPACIF

Sur ce plan, le projet de budget pour 2001 se situe dans la continuité de ses prédécesseurs, un nouveau prélèvement de 150 millions de francs étant prévu sur les excédents du COPACIF et devant être affecté au financement des primes d'apprentissage.

Mais cette année, un tel prélèvement n'a pas à être autorisé par une disposition législative spécifique car la loi de finances pour 2000 avait prévu, à son article 131, que les excédents du COPACIF peuvent " exceptionnellement concourir aux actions de l'Etat en matière de formation professionnelle ".

En ce domaine, l'exception est donc devenue la règle.

Votre commission des Affaires sociales a toujours été opposée à ces prélèvements. Le penchant du Gouvernement à considérer les fonds collectés par les partenaires sociaux comme une ressource budgétaire entretient en effet une dangereuse confusion des genres et ne peut masquer le détournement confiscatoire de l'effort fourni par les entreprises et leurs salariés au financement de la formation professionnelle que constitue en réalité cette pratique de régulation budgétaire.

Elle ne peut aujourd'hui que réaffirmer son opposition. Et cette année, même si le prélèvement prévu est moins élevé, il n'en est pas moins grave.

D'une part, il intervient dans une opacité budgétaire évidente.

D'autre part, il est opéré alors que les fonds tendent progressivement à s'assécher. Si le prélèvement est moins élevé, c'est parce que les fonds sont désormais moins importants comme l'a reconnu la ministre de l'Emploi et de la Solidarité lors de son audition par votre commission.

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