II. DES FORMATIONS EN ALTERNANCE FRAGILISÉES

Les formations en alternance, qu'elles se fassent sous statut scolaire ou sous contrat de travail, constituent un enjeu majeur de notre système de formation professionnelle.

Fondées sur la pratique, adaptées aux besoins des employeurs, susceptibles de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes souvent mal à l'aise dans un cursus scolaire trop classique, ces formations doivent être développées.

Mais le projet de budget risque à l'inverse de les fragiliser, qu'il s'agisse des contrats d'apprentissage ou des contrats de qualification.

A. L'APPRENTISSAGE : UN DÉVELOPPEMENT ENTRAVÉ

1. Une croissance désormais ralentie

Après avoir longtemps stagné aux alentours de 120.000-130.000, le nombre d'entrées en apprentissage a significativement augmenté ces dernières années, en s'accompagnant d'ailleurs d'une diversification importante des formations dispensées.

Flux annuels d'entrées en contrat d'apprentissage

1995

1996

1997

1998

1999

2000 1

2001 1

178.080

198.169

211.458

215.262

228.426

220.000

230.000

Source : MES - DARES

(1) Prévisions budgétaires

Cette croissance semble désormais devoir se ralentir. Ainsi, le projet de budget pour 2001 ne prévoit qu'une simple reconduction des 230.000 entrées en apprentissage constatées en 1999.

Les contrats d'apprentissage

Le contrat d'apprentissage, d'une durée au moins égale à celle du cycle de formation qui fait l'objet du contrat (1 à 3 ans), est destiné aux jeunes de 16 à 25 ans révolus ayant satisfait à l'obligation scolaire. Il peut aussi bénéficier aux jeunes d'au moins 15 ans, s'ils justifient avoir effectué la scolarité du premier cycle de l'enseignement secondaire. Dans tous les cas, l'apprenti suit une formation générale théorique et pratique en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique du second degré ou du supérieur, ou un ou plusieurs titres d'ingénieurs ou titres homologués. Dans l'entreprise, le maître d'apprentissage contribue à l'acquisition des compétences correspondant à la qualification recherchée et au titre ou diplôme préparé par l'apprenti.

Ces contrats ouvrent droit à une indemnité compensatrice forfaitaire (qui n'est pas applicable au secteur public) composée d'une indemnité au titre de soutien à l'embauche (6.000 francs) et d'une indemnité de soutien à l'effort de formation (10.000 francs ou 12.000 francs par an avec majorations possibles). A compter du 1 er janvier 19699, l'indemnité au titre de l'aide à l'embauche n'est plus versée que si, à la conclusion du contrat, le jeune n'est titulaire d'aucun diplôme sanctionnant le second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel, à l'exception du certificat d'aptitude professionnelle (CAP), du brevet d'études professionnelles (BEP) ou d'un diplôme ou titre homologué de niveau équivalent.

Tous les employeurs, y compris les employeurs du secteur public non industriel et commercial, peuvent conclure un contrat d'apprentissage sur la base d'une déclaration en vue de la formation d'apprentis. Selon leur taille et leur activité (artisans et employeurs de moins de 11 salariés, employeurs de plus de 10 salariés), les entreprises bénéficient de deux régimes différents d'exonération de charges sociales. L'employeur s'engage à verser un salaire et à assurer une formation au jeune qui s'oblige en retour à travailler et à suivre la formation dispensée en centre de formation d'apprentis et en entreprise. L'apprenti perçoit un salaire calculé en fonction de son âge et de son ancienneté dans la mesure. Il varie de 25 % du SMIC Pour les 16/17 ans au cours de la première année de leur contrat, à 78 % du SMIC (ou du salaire minimum conventionnel correspondant à l'emploi occupé s'il est plus favorable) pour les plus de 20 ans à partir de la troisième année.

Source : DARES

Le financement de l'apprentissage, même si sa mise en oeuvre est de la compétence des régions depuis 1983, repose encore largement sur les crédits budgétaires.

L'Etat assure en effet le financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire -qui se compose d'une aide à l'embauche et d'une aide à la formation- et compense les exonérations de charges sociales dont bénéficient les employeurs d'apprentis.

Crédits budgétaires en faveur de l'apprentissage

(en millions de francs)

LFI 2000

PLF 2001

Evolution
en %

Primes

4.114

4.440

+ 7,9 %

Exonération de cotisations sociales

4.721

5.260

+ 11,4 %

Total

8.835

9.700

+ 9,8 %

Le volume important des crédits budgétaires en faveur de l'apprentissage (près de 10 milliards de francs prévus pour 2001) ne doit cependant pas masquer le fait que l'Etat n'assure en définitive que moins de la moitié du financement de l'apprentissage.

Financement de l'apprentissage en 1999

2. Un nouveau " recentrage " regrettable des primes du contrat d'apprentissage

Pour autant, ni l'ampleur du financement budgétaire, ni la forte progression des crédits prévue en 2001 ne peuvent faire illusion. L'apprentissage ne constitue plus, pour le Gouvernement, une priorité pour laquelle il accepte de tirer des conclusions budgétaires.

Le projet de loi de finances pour 2001 en témoigne avec force, son article 57 prévoyant la poursuite du " recentrage " de la prime à l'embauche des apprentis.

Déjà, la loi de finances pour 1999 avait supprimé cette prime à l'embauche pour les employeurs d'apprentis d'un niveau de formation supérieur au niveau IV.

A l'époque, votre commission s'était opposée à une telle mesure, craignant qu'elle ne constitue en fait l'amorce d'un désengagement de l'Etat du financement de l'apprentissage. Votre rapporteur pour avis observait alors :

" On peut s'interroger sur les choix du Gouvernement : ne constitue-t-il pas l'ébauche d'un désengagement de l'Etat d'un dispositif passé dans le champ de compétences des régions alors même qu'il réinvestit par ailleurs la politique de l'emploi des jeunes à travers des dispositifs dont il est le maître d'oeuvre, le plan emplois-jeunes ? " 4 ( * ) .

Cette analyse semble aujourd'hui se confirmer.

L'article 57 du projet de loi de finances prévoit en effet la suppression de la prime à l'embauche des apprentis dans les entreprises de plus de 20 salariés afin d'économiser 83 millions.

Votre commission ne peut que déplorer ce nouveau " mauvais coup " porté à la prime d'apprentissage qui avait été instituée en 1993 justement pour favoriser le développement de l'apprentissage. Cela risque en effet d'amoindrir considérablement l'attrait de l'apprentissage dans les entreprises en question qui recrutent aujourd'hui pourtant près de 30 % des effectifs d'apprentis.

Votre commission considère que le bilan " coûts-avantages " d'une telle mesure risque de se révéler désastreux car, pour économiser 83 millions de francs -soit 0,8 % du coût budgétaire de l'apprentissage-, l'Etat prend le risque de fragiliser l'ensemble d'un dispositif que les gouvernements successifs s'étaient pourtant efforcés de promouvoir depuis 1987. Il s'agit là pour le moins d'une gestion budgétaire à " courte-vue ".

Au-delà de cette mesure, un autre indice témoigne de ce souci de désengagement financier. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit en effet un nouveau prélèvement de 150 millions de francs sur les disponibilités du COPACIF, ce prélèvement étant affecté au financement des primes pour l'apprentissage. Dès lors, le financement direct par l'Etat diminue d'autant.

Au total, que ce soit par de nouvelles mesures restrictives ou par des " tours de passe-passe " budgétaire, l'Etat se désengagera en 2001 à hauteur de 283 millions de francs du financement de l'apprentissage.

* 4 Avis n° 70, tome IV, 1998-1999.

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