b) La régulation portant sur les volumes
L'insuffisance de la voie conventionnelle à mettre en place des mécanismes de régulation efficaces fondés sur la définition d'objectifs quantitatifs a conduit l'ordonnance du 24 avril 1996 et son décret d'application à élaborer un nouveau système, fondé sur une responsabilisation accrue des médecins dont la convention devait fixer un objectif opposable englobant les honoraires et les prescriptions ainsi que déterminer les modalités de l'individualisation de la charge du reversement entre les médecins. Mais les mécanismes de reversement se sont révélés impossibles à mettre en oeuvre pour des raisons juridiques et pratiques.
Pour les professions de santé autres que les médecins de ville, la logique de l'ordonnance de 1996 rendait la négociation conventionnelle des objectifs subalterne puisqu'une régulation globale devait être assurée via l'objectif fixé aux médecins. Aucun accord n'a pu être trouvé en 1998 et 1999 sur la fixation des objectifs par profession (sauf pour les laboratoires d'analyse en 1998 et les infirmières en 1999).
Cette impossibilité de mettre en place une régulation quantitative efficace a entraîné une nouvelle réforme inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il s'agissait de rendre, pour chaque profession, l'objectif quantitatif en principe opposable. La régulation n'est plus recherchée par des reversements mais par des réajustements du tarif ou de la cotation des actes. Si les partenaires ne parviennent pas à s'entendre, les caisses d'assurance maladie sont autorisées à prendre unilatéralement les mesures nécessaires.
Toutefois, le constat de l'échec des mécanismes de régulation des volumes que fait la Cour des comptes est sans appel : " force est de constater que, pour aucune des professions, les mécanismes de régulation successivement tentés dans le cadre des conventions n'ont été véritablement efficaces, ce qui conduit à se demander si le conventionnement, tel qu'il a été pratiqué, peut contribuer efficacement à la régulation des volumes. ".
c) Le système de sanctions (article 31)
Des dispositifs de sanctions sont prévus par les conventions. Ils ont été conçus comme un élément de leur équilibre général et l'un des éléments de la maîtrise des dépenses. Mais l'ensemble des textes aboutit à un enchevêtrement des dispositifs d'origine légale ou réglementaire et d'origine conventionnelle, ce qui rend le système actuel des sanctions particulièrement opaque et complexe : de nombreux manquements relèvent aussi bien du dispositif conventionnel, du contentieux technique des juridictions ordinales, du contentieux disciplinaire, sans compter une possible action devant le juge pénal et/ou l'action en dommages intérêts devant la juridiction civile. Ce manque de clarté apparaît aussi dans la détermination de la faute : l'obligation peut trouver sa source uniquement dans la convention ou dans la loi et la convention. Dès lors, et c'est ce que souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2000 : " les dispositifs prévus sont cumulatifs, ce qui affecte leur lisibilité. La complexité de l'architecture générale des obligations et des sanctions est génératrice de contestations et de difficultés pratiques d'application par les caisses . ".
La privation des avantages conventionnels en cas de non respect de la convention par le professionnel est considérée comme une sanction. Or, les dispositifs de sanctions conventionnelles ne comportent pas de barème précis des pénalités. Des différences existent entre professions de santé alors qu'elles sont, quant à leurs relations avec l'assurance maladie, dans une même situation. Ces dispositifs sont donc fragiles juridiquement.
En outre l'efficacité même des dispositifs est limitée. Les invalidations contentieuses fréquentes privent de base légale toutes les procédures de sanctions mises en oeuvre. Le dispositif de sanctions s'appuie sur des organes paritaires souvent créés par les conventions, qu'il faut donc mettre en place et dont le fonctionnement est perturbé par les remous de la vie conventionnelle.
Les conclusions de la Cour des comptes à propos du système des sanctions étaient les suivantes : " il serait opportun d'engager une réflexion conduisant à revoir tant l'architecture des dispositifs de sanctions que les mécanismes procéduraux. Une réflexion serait utile sur la qualification retenue en cas de privation des avantages conventionnels liée à l'inexécution de ses obligations par le professionnel de santé. (...) A la notion de sanction devrait se substituer celle de rupture du contrat, ce qui serait d'ailleurs plus conforme à la logique d'un véritable système conventionnel . "
L'article 31 du projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2001, supprimé par l'Assemblée nationale, visait à une refonte des mécanismes de règlement des litiges entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie. Cet article, qui avait été conçu sans aucune concertation des professionnels de santé, prévoyait :
- l'instauration d'une possibilité de conciliation préalable, dont l'échec aurait dû autoriser les caisses à prendre des mesures immédiatement exécutoires allant jusqu'à la suspension du conventionnement pour une durée maximale de trois mois ;
- la dévolution aux seules sections des assurances sociales de l'ensemble du contentieux des sanctions des professionnels de santé, actuellement éclaté en plusieurs instances comme il a déjà été souligné.
En outre cet article avait également pour objet d'inclure dans le système de sanctions le non-respect des dispositions conventionnelles, rendues obligatoires par leur approbation, les conventions ne pouvant dès lors plus introduire de sanctions.
Votre rapporteur pour avis reconnaît bien sûr l'inefficacité du système actuel de sanctions, son caractère complexe et illisible pour les professionnels de santé et donc la nécessité de le réformer, mais il désapprouve entièrement la méthode avec laquelle procède le gouvernement. On ne peut instaurer un nouveau dispositif de sanctions sans même se concerter avec les professionnels de santé qui sont les premiers concernés par ce dispositif. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis se félicite de la suppression de cet article par l'Assemblée nationale.
De manière générale, les mécanismes de régulation sont donc aujourd'hui en perte de vitesse. Leur échec ne constitue d'ailleurs qu'un des éléments de la disparition progressive de toute forme de système conventionnel.