b) L'injustice
Les promoteurs de la mesure initiale et les pères de son élargissement à l'Assemblée nationale les justifient par un souci de justice fiscale : l'exonération permettrait d'introduire une dose de progressivité dans la CRDS et d'en exonérer les plus bas revenus.
Si l'argument peut valoir politiquement, sa mise en oeuvre technique dans le texte est fortement douteuse.
D'abord, parce que la mesure risque d'engendrer les mêmes distorsions que celles que pourrait causer la ristourne dégressive sur la CSG (voir infra ). En effet, le projet de loi raisonne en termes cédulaires, c'est-à-dire par revenu, la CRDS étant prélevée à la source. Mais, combiné aux différents seuils, ceci est source d'inégalités fortes : le titulaire de deux emplois qui bénéficie de deux revenus inférieurs, chacun, aux seuils sera exonéré sur ces deux revenus, alors que celui qui gagne un seul revenu égal aux deux précédents ne le sera pas. De même, une famille où le père et la mère occupent un emploi payé au SMIC en bénéficiera deux fois, alors que celle où seul l'un d'entre eux travaille, pour un salaire égal à deux SMIC, n'aura aucune exonération. Il s'agit d'une distorsion trop forte pour être écartée d'un revers de main.
Ensuite parce que suite à l'élargissement de la mesure, l'exonération bénéficiera aux chômeurs et retraités jusqu'à un SMIC, mais aux actifs salariés jusqu'à 1,4 SMIC : un retraité smicard serait donc moins pauvre qu'un salarié gagnant plus que le SMIC ?
Enfin, parce que l'existence de ces seuils risque d'accentuer les phénomènes de trappes à bas salaires, voire, pour les chômeurs, de trappe à inactivité. La mesure devait accentuer l'écart de revenus entre ceux qui occupent un emploi et ceux qui en recherchent un ; voilà qu'après le passage à l'Assemblée nationale cet objectif ne peut plus être poursuivi.
Belle mesure de justice fiscale donc que cette exonération qui accentue les effets de seuil et crée des inégalités majeures, tout en fragilisant la CADES. Il s'agit bien d'une mauvaise mesure.