7. L'enquête et les propositions du Sénat
Le tournant politique de 1997 et l'actualisation des exigences communautaires remettaient largement en cause le modèle autoroutier français. Cette situation n'a pas été sans inquiéter le Sénat qui, dès l'automne 1997, a constitué une commission d'enquête " chargée d'examiner les conditions dans lesquelles semblaient remis en cause certains choix stratégiques concernant les infrastructures de communication, et les incidences qu'une telle remise en cause pouvait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français, notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne ".
Cette commission d'enquête, dont le rapporteur était notre collègue Gérard Larcher, fut présidée par le président de notre Commission des Affaires économiques, M. Jean François-Poncet. Notre collègue Jacques Oudin en fut un membre actif et participa plus particulièrement à la partie de l'enquête consacrée aux routes.
Au mois de juin 1998, cette commission d'enquête présentait un certain nombre de conclusions.
Trois séries de mesures étaient notamment préconisées :
- la création d'une véritable procédure de programmation des investissements ;
- la rénovation en profondeur du système de financement des autoroutes ;
- l'application " raisonnée " des directives.
La première réforme souhaitée devait notamment réaffirmer l'utilité d'un schéma autoroutier et créer un véritable cadre de décision pour le développement routier et autoroutier.
S'agissant de la rénovation du système de financement , la commission d'enquête a souhaité :
- établir le principe de l'autoroute à péages ;
- poursuivre le regroupement de sociétés d'économie mixte ;
- rechercher des outils de financement adaptés.
A cet égard, il a été recommandé :
- de prolonger les concessions actuelles jusque vers 2035/2040 pour garantir l'équilibre du système par des durées correspondent à l'amortissement des ouvrages ;
- d'allonger la durée des financements ;
- de doter les SEMCA de véritables fonds propres.
Enfin, la commission d'enquête du Sénat a demandé une bonne application des directives européennes :
- la directive n° 93-89 du 25 octobre 1993 sur les péages (cette directive a été actualisée par la directive 1999/62/CE évoquée par le projet de loi d'habilitation), qui précise que : " les taux des péages sont liés aux coûts de construction, d'exploitation et de développement du réseau d'infrastructures concerné " et remet en cause les prélèvements de nature diverse sur les péages ;
- la sixième directive TVA sur l'application de la TVA aux sociétés concessionnaires. Rappelons que les sociétés d'autoroutes françaises ne sont pas assujetties à la TVA. Les péages ne sont pas non plus soumis à la TVA. En contrepartie, les sociétés ne peuvent récupérer la TVA sur leurs investissements.
La commission d'enquête du Sénat en a profité pour appeler de ses voeux un alignement du statut juridique, financier et comptable des SEMCA sur le droit commun et préconisé un prélèvement sur leurs résultats d'exploitation qui resterait neutre pour les finances publiques.
" Il serait possible -soulignait-elle- de substituer à l'ensemble des prélèvements actuels, qui ne tiennent pas compte de la situation financière des sociétés, un impôt sur le résultat d'exploitation associé au versement de dividendes. Couplé à l'allongement des concessions, ce système serait d'un rendement supérieur aux prélèvements actuels pour l'Etat ".
- la directive 84/440/CEE du 18 juillet 1989 actualisée par la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 sur les marchés publics de travaux.
A cet égard, la commission d'enquête s'est interrogée sur la possibilité de maintenir le système français de " l'adossement " qui consiste à permettre le financement partiel d'une section d'autoroute par un allongement de la concession sur les sections existantes.
La commission d'enquête avait, sur cette question, privilégié la thèse selon laquelle la transparence des aides de l'Etat aux attributaires de concessions pouvait se traduire soit par des subventions directes soit par l'allongement des concessions existantes sur le réseau exploité.
Dans son avis rendu le 16 septembre 1999, le Conseil d'Etat a exprimé une position contraire en jugeant explicitement que " la pratique actuelle de l'adossement consistant à financer le déficit de la concession d'une section non rentable d'autoroute par la conclusion d'un avenant portant prolongation de la durée initiale d'une concession déjà attribuée et exploitée contrevient aux dispositions de la directive travaux et à celles de la loi n° 93-122 du 29 janvier1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ".
La controverse sur la question de l'adossement devrait donc être considérée comme achevée.