N° 405

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 1999

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,

sur la proposition de treizième directive du Parlement européen et du Conseil en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition (n° E-598) ;

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réglementation des offres publiques d'acquisition fait aujourd'hui l'objet de nombreuses réformes que ce soit en France avec le nouveau titre du règlement du Conseil des marchés financiers relatif aux offres publiques, aux Etats-Unis avec les projets de réforme lancés par la Securities and Exchange Commission (SEC), ou encore dans l'Union européenne avec les travaux d'harmonisation des réglementations nationales relatives aux offres publiques d'acquisition, dans le cadre d'une nouvelle directive sur le droit des sociétés.

En mars 1996, le Gouvernement a saisi le Parlement, en application de l'article 88 alinéa 4, sous le numéro E 598, de cette proposition de directive. Il s'agit de la treizième directive sur le droit des sociétés. Elle concerne l'harmonisation de la réglementation sur les offres publiques d'acquisition.

Cette proposition de directive qui relève d'une procédure de codécision, est actuellement en attente de position commune. Elle devrait être transmise dans les semaines prochaines au Conseil des ministres pour adoption.

Depuis son examen par la délégation du Sénat pour l'Union européenne sous forme de procédure écrite le 2 avril 1996, cette proposition de directive a été profondément remaniée et allégée.

I. LA NÉCESSAIRE HARMONISATION DES RÉGLEMENTATIONS RELATIVES AUX OFFRES PUBLIQUES D'ACQUISITION DANS LE CADRE DE L'UNION EUROPÉENNE

Les réglementations des différents Etats-membres relatives aux offres publiques d'acquisition sont aujourd'hui très diverses. En premier lieu, tous les pays européens n'ont pas encore adopté de réglementation spécifique sur les offres publiques. Ensuite, bien souvent, lorsque ces réglementations existent, elles sont très différentes d'un pays à l'autre.

La multiplication des offres publiques d'acquisition transfrontalières et l'apparition de sociétés qui ne sont pas cotées dans l'Etat membre où elles ont leur siège, peut conduire à des conflits de compétence entre autorités de contrôle et des chevauchements de réglementations peuvent apparaître. Cette situation est contraire aux principes de sécurité juridique et de transparence des marchés boursiers dans l'Union européenne, et donc préjudiciable au bon déroulement de ces opérations d'offres publiques d'acquisition. Il semble aujourd'hui indispensable de donner des moyens juridiques clairs et efficaces aux entreprises européennes pour agir dans la compétition mondiale.

En outre, il est nécessaire de définir un niveau minimal de protection de l'actionnaire minoritaire dans l'ensemble de l'Union européenne.

La nécessité d'adopter une directive relative à la réglementation des offres publiques d'acquisition est donc évidente .

II. LE CHOIX RAISONNABLE D'UNE DIRECTIVE-CADRE

Toutefois, l'harmonisation des réglementations nationales s'est révélé être une tâche difficile. Une proposition de treizième directive sur le droit des sociétés a été présentée au Conseil en 1989. Mais, en raison de ses dispositions jugées par les Etats-membres trop détaillées et contraignantes, la négociation sur ce texte a été bloquée au niveau du Conseil dès 1991.

En 1993, la Commission a repris ses travaux et a élaboré une « directive-cadre » laissant une plus grande place à la subsidiarité. Cette proposition de directive ne fixe donc que des orientations minimales.

Dans certains cas des marges de manoeuvre sont reconnues au profit des Etats, en vertu du principe de subsidiarité ; la Commission reconnaît que « la directive-cadre fournit une structure qui permet le maintien des différences nationales, à condition que celles-ci ne soient pas de nature à remettre en cause les principes communs et les objectifs à atteindre définis par la directive au niveau communautaire ». En particulier, il appartient aux Etats-membres de définir la notion de « contrôle » en termes de pourcentage de droits de vote. De même, il revient aux Etats-membres de déterminer la manière dont la transparence du déroulement de l'offre sera assurée.

Sur d'autres points, les différences nationales existantes ont été prises en compte. Ainsi, il est reconnu un principe de reconnaissance mutuelle du document d'offre lorsque celui-ci est approuvé par l'autorité territorialement compétente ; cette disposition laisse donc à part le cas du Take-over panel qui, en Grande-Bretagne, n'a pas la compétence d'approuver ces documents.

Il convient donc de souligner que la démarche adoptée par la Commission est une démarche pragmatique qui permettra vraisemblablement au Conseil d'aboutir à un accord sur ce sujet.

Les principales dispositions - cadres de cette proposition de directive sont les suivantes :

1- obligation de lancer une offre d'acquisition portant sur 100 % des titres de capital avec droit de vote dès qu'une personne vient à acquérir, par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, le « contrôle » de la société visée ; cette offre obligatoire, qui peut comporter une proposition d'échange de titres, doit toutefois obligatoirement comporter une alternative de paiement en espèces ;

2- toutefois, la protection des actionnaires minoritaires pourra aussi être assurée, pendant une période de deux ans après l'adoption de la directive, par tout autre moyen considéré comme équivalent (système d'indemnisation judiciaire, clause statutaire de sortie, etc.) ;

3- égalité de traitement pour tous les détenteurs de titres de la société visée qui se trouvent dans une situation identique ;

4- caractère suffisant des délais et des informations dont doivent disposer les personnes auxquelles l'offre est adressée ;

5- détermination de l'autorité compétente et du droit applicable, notamment lorsque la société visée n'est pas cotée sur le marché du pays où elle a son siège social ;

6- encadrement des mécanismes de défense de l'organe d'administration de la société visée (ainsi le conseil d'administration ne pourra pas prendre de mesures anti-OPA en période d'offre sans convoquer une assemblée générale). Ces dispositions sont relativement proches de ce qui existe aujourd'hui en droit français.

Ces prescriptions semblent devoir appeler plus particulièrement quatre remarques.

Tout d'abord, l'alternative obligatoire d'un paiement en espèces , même si elle ne concerne que les offres obligatoires déclenchées par un franchissement de seuil, n'en constitue pas moins une contrainte forte. Toutefois, elle aura l'avantage d'assurer une meilleure protection des actionnaires minoritaires en limitant l'inflation des émissions de titres. Ce dispositif peut limiter l'apparition de « bulles financières ».

Ensuite, la reconnaissance des « moyens supplémentaires » de protection des actionnaires minoritaires, même si elle est justifiée dans le cadre d'une harmonisation minimale des réglementations, peut paraître contraire au principe de libre circulation des capitaux dans la mesure où ces moyens renchérissent le coût des offres publiques d'acquisition et entravent donc le libre jeu de ces offres. Il serait donc utile de réaffirmer dans le texte de la directive le principe de libre circulation des capitaux.

La reconnaissance de « moyens réputés équivalents » à une offre obligatoire pour assurer la protection des actionnaires minoritaires, moyens qui seront admis pendant une période de deux ans après le délai limite de transposition de la directive, devrait également être clairement encadrée.

Enfin, la relative complexité des règles relatives à la détermination des autorités de contrôle compétentes semble démontrer la nécessité de s'acheminer vers une plus grande coopération et coordination des systèmes de supervision à l'échelle européenne et d'envisager à moyen terme des institutions communes.

III. POUR UNE ADOPTION RAPIDE DE CETTE PROPOSITION DE DIRECTIVE PAR LE CONSEIL DES MINISTRES

Cette directive trouve son origine dans le « Livre Blanc sur l'achèvement du marché intérieur » de 1985, dans lequel la Commission annonçait son intention de soumettre aux Etats-membres une proposition de directive sur l'harmonisation des législations en matière d'offres publiques d'acquisition. Depuis, cette proposition de directive s'est heurtée à de nombreux obstacles. Aujourd'hui, grâce à la relance de la négociation sur de nouvelles propositions de la Commission, elle semble proche d'être adoptée.

L'harmonisation proposée demeure compatible avec le maintien de certaines pratiques nationales au nom du principe de subsidiarité. Mais il faut espérer que ce texte jouera un rôle moteur dans le sens d'un rapprochement futur des réglementations et des autorités de contrôle.

Cet effet d'entraînement serait également bénéfique concernant les autres directives sur le droit des sociétés qui n'ont pas encore été adoptées. Il faudra toutefois veiller à la concordance des dispositions prévues par ces différents textes, en particulier avec la cinquième directive sur la société européenne et la dixième directive sur les fusions transnationales.

* *

*

C'est en fonction de ces observations qu'il vous est suggéré d'adopter, Mesdames, Messieurs, la proposition de résolution qui suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de treizième directive du Parlement européen et du Conseil en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition (n° E-598) ;

Considérant la nécessité d'adopter une directive d'harmonisation des réglementations en matière d'offres publiques d'acquisition afin d'assurer une transparence des marchés boursiers européens et d'offrir aux actionnaires minoritaires des garanties comparables dans chacun des Etats-membres ;

Considérant que les propositions de la Commission en ce sens sont équilibrées ;

Considérant toutefois que la reconnaissance des « moyens supplémentaires » de protection des actionnaires minoritaires risque d'entraver le libre jeu des offres dans certains Etats-membres ;

Considérant que la reconnaissance de « moyens réputés équivalents » à une offre obligatoire pour assurer la protection des actionnaires minoritaires ne doit pas conduire à vider de son sens l'application de la directive dans certains pays ;

Considérant qu'il convient d'envisager d'ores et déjà une coopération approfondie entre autorités de contrôle à l'échelle européenne ;

Considérant qu'un accord satisfaisant sur ce sujet peut être trouvé dans les prochaines semaines ;

Demande au gouvernement :

- de s'assurer que le texte final de la directive réaffirme le principe de la libre circulation des capitaux afin que la législation des Etats-membres n'entrave pas le libre jeu des offres publiques d'acquisition ;

- de s'assurer que la reconnaissance de « moyens réputés équivalents » à une offre obligatoire ne pourra pas être utilisée par certains pays dans le seul but de se soustraire aux prescriptions de la présente directive ;

- de favoriser l'approfondissement de la coopération et de la coordination des systèmes de supervision européens et d'envisager l'instauration d'un système commun à l'échelle européenne ;

- de favoriser l'adoption de la directive par le Conseil dans les meilleurs délais.

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