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N°306

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1992 - 1993

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 mai 1993.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de règlement (CEE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2052/88 concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants et sur la proposition de règlement (CEE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents Fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part, (n° E-71),

Par M. Jacques GENTON,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Communautés européennes - Fonds structurels -Banque européenne d'investissement (BEI),

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil des ministres de la CEE sera vraisemblablement amené à se prononcer vers la fin du mois de juin sur la réforme des fonds structurels. Ces fonds représentent près de 30 % du budget de la Communauté et leur importance pour l'aménagement du territoire et la cohésion économique et sociale de la Communauté n'est pas à souligner. Important contributeur, la France se doit de veiller à l'utilisation optimale de ces dépenses qui devraient atteindre -compte non tenu du fonds de cohésion dont la création a été décidée lors des négociations du traité de Maastricht et confirmée lors du sommet d'Édimbourg- près de 20 milliards d'écus en 1993, et progresser jusqu'en 1999 pour atteindre alors 27,4 milliards d'écus en monnaie constante.

C'est dans ce cadre que le gouvernement a soumis au Sénat, en application de l'article 88-4 de la Constitution, la proposition d'acte communautaire n° E-71. Celle-ci contient deux propositions, intimement liées, de règlement du Conseil qui regroupent les principaux aspects des propositions de la Commission sur la réforme des fonds structurels.

La première, dite proposition de «règlement cadre», modifie le règlement (CEE) n° 2052/88 qui définit notamment les missions des fonds structurels ; la seconde, dite proposition de «règlement coordination», porte sur la coordination entre les interventions des différents fonds structurels.

1. Le règlement cadre

En ce qui concerne le «règlement cadre», la réforme proposée par la Commission apporte, sur le plan des principes, deux principaux changements au régime en vigueur : d'une part, une redéfinition des missions du Fonds social européen (FSE), et d'autre part, la création d'un instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP), s'accompagnant d'une prise en compte des zones dépendantes de la pêche. Par ailleurs, s'agissant de la mise en oeuvre des principes, la réforme modifie la liste des zones éligibles au titre de l'objectif 1 (développement et ajustement structurel des régions en retard de développement).


• Au sujet des missions du FSE, la réforme introduit un nouvel objectif 3 qui reprend les anciens objectifs 3 (combattre le chômage de longue durée) et 4 (faciliter l'insertion professionnelle des jeunes) en élargissant ce dernier aux «personnes exposées à l'exclusion sociale». Parallèlement, un nouvel objectif 4 est défini, qui découle de l'article 123 du traité de Maastricht et consiste à «faciliter l'adaptation des travailleurs aux mutations industrielles et à l'évolution des systèmes de production».


• La prise en compte des zones dépendantes de la pêche s'exprime par leur intégration aux objectifs 2 (reconversion des régions affectées par le déclin industriel) et 5b (ajustement structurel des zones rurales). Quant à l'IFOP, il est destiné à regrouper les moyens affectés aux actions communautaires pour l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture ; sa création doit entraîner le remplacement, par un nouveau «règlement de base» unique, des deux règlements en vigueur (4028/86 et 4042/89) concernant le volet structurel de la politique commune de la pêche.


• La liste des zones éligibles à l'objectif 1 comprend, comme par le passé, les régions dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, ainsi que des régions dont le PIB dépasse ce pourcentage, mais pour lesquelles il existe des «raisons particulières» de prise en compte au titre de l'objectif 1. Dans le cas de la France, les régions retenues sont la Corse et les départements d'Outre-mer.

2. Le règlement coordination

En ce qui concerne le «règlement coordination», la réforme introduit les adaptations rendues nécessaires par la création de l'IFOP et précise les conditions d'application du principe d'additionnalité, selon lequel les crédits des fonds structurels ne peuvent se substituer aux dépenses structurelles, publiques ou assimilables, de l'État membre bénéficiaire pour les territoires éligibles au titre d'un des objectifs.

Par ailleurs, la procédure d'utilisation des fonds structurels est modifiée sur plusieurs points :

- les États membres pourront présenter simultanément des plans et des demandes de concours, et la Commission pourra par une seule décision adopter un cadre communautaire d'appui et octroyer un concours ;

- les interventions entreprises à l'initiative de la Commission au titre des objectifs 1, 2 et 5b pourront concerner, exceptionnellement, des zones autres que celles éligibles au titre de ces objectifs ;

- des délais sont précisés sur le paiement du concours financier par la Commission à l'État membre et par l'État membre aux bénéficiaires finals ;

- les concours communautaires pour les projets faisant l'objet d'un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes seront mentionnés dans la publication.

* *

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Les réformes contenues dans la proposition d'acte communautaire n° E-71 peuvent soulever, sur quelques points, des interrogations.

1. La premier concerne l'application des décisions du Conseil européen d'Édimbourg. La déclaration d'Édimbourg lie l'augmentation du montant des fonds structurels et la rationalisation de leur emploi, en précisant les orientations suivantes :

«Des procédures transparentes assorties de critères objectifs seront fixées dans le règlement de mise en oeuvre des fonds structurels. Ces critères seront pondérés de manière appropriée lors de l'affectation des ressources. Il sera davantage tenu compte de la prospérité nationale dans les décisions sur les taux de cofinancement communautaire.

Les principes de base fixés en 1988 (concentration, programmation, partenariat et complémentarité) devraient continuer à guider la mise en oeuvre des fonds structurels. Les procédures décisionnelles et leur transparence devraient être améliorées. Les procédures administratives devraient être simplifiées. Le contrôle financier sera renforcé et une plus grande attention accordée à l'estimation ex ante, ainsi qu'au contrôle et à l'évaluation ex post. Les aides seront octroyées lorsque l'estimation aura démontré les avantages socio-économiques à en retirer à moyen terme eu égard aux ressources mobilisées. Les opérations devraient être adaptées en fonction des résultats du contrôle et de l'évaluation.»

Or la réforme proposée par la Commission ne semble pas répondre pleinement à toutes ces exigences :

- les critères pour la répartition des enveloppes par objectif et par État membre ne sont pas précisés d'une manière sensiblement plus claire que dans les textes en vigueur ;

- les dispositions concernant la programmation et les circuits financiers n'apportent pas de réelle simplification.

2. La définition des zones éligibles à l'objectif 1 peut susciter certaines difficultés. L'inclusion du Hainaut belge peut, en particulier, entraîner des distorsions de concurrence au détriment de la région française voisine du Nord-Pas de Calais, elle-même confrontée à de douloureuses reconversions industrielles. Les aides communautaires par habitant et par an seront en effet, pour le Hainaut belge, approximativement cinq fois supérieures aux aides perçues de l'autre côté de la frontière.

3. La réforme proposée ne conduit pas à mieux respecter le principe de subsidiarité. Ainsi, la procédure de définition du zonage pour l'objectif 2 laisse une marge de manoeuvre importante à la Commission, alors qu'il serait sans doute souhaitable, en application du principe de subsidiarité, que la définition du zonage national soit effectuée par l'État membre intéressé. D'une manière générale, les modalités retenues pour la gestion des fonds structurels n'associent pas suffisamment les comités spécialisés où sont représentés les États membres. C'est pourtant là la condition pour que les décisions soient exactement adaptées aux besoins nationaux et locaux.

4. La création de l'IFOP amène également certaines questions. La nécessité d'introduire un fonds supplémentaire dans une procédure d'ensemble déjà bien lourde n'apparaît pas avec évidence ; on peut craindre au contraire une difficulté accrue pour coordonner les décisions et assurer un contrôle financier efficace. En outre, on peut se demander si la création de l'IFOP n'aboutira pas à une redistribution des dépenses qui, sans augmenter pour autant l'effort communautaire en faveur de la restructuration du secteur de la pêche, conduirait à réduire les dépenses consenties en faveur de l'adaptation des structures agricoles.

5. Enfin, la réforme proposée ne paraît pas devoir entraîner des progrès substantiels dans la voie de la coordination et du regroupement des fonds structurels.

L'Acte unique européen, qui consacrait l'objectif de cohésion économique et sociale, visait également à renforcer l'efficacité de l'action structurelle de la Communauté. Aussi, était-il prévu que les fonds à finalité structurelle, qui s'étaient développés sans plan d'ensemble, au fur et à mesure de la prise en charge de nouveaux besoins, feraient l'objet d'une réforme visant à leur apporter «les modifications qui seraient nécessaires pour préciser et rationaliser leurs missions» ainsi qu'à «renforcer leur efficacité et coordonner leurs interventions entre elles et avec elles des instruments financier existants». La réforme adoptée en 1988 a permis un progrès en ce sens ; cependant, il apparaît, à la lecture notamment des observations de la Cour des Comptes des Communautés européennes, que cette coordination et plus généralement la cohérence des interventions structurelles de la Communauté sont encore à perfectionner. C'est pourquoi le traité sur l'Union européenne donne une nouvelle rédaction de l'article 130 D qui prévoit une nouvelle réforme devant redéfinir «les missions, les objectifs prioritaires et l'organisation des fonds à finalité structurelle, ce qui peut comporter le regroupement des fonds». La réforme devra également définir de nouvelles dispositions «pour assurer leur efficacité et la coordination des fonds entre eux et les autres instruments financiers existants».

Or, on peut se demander si la réforme proposée répond de manière satisfaisante à ces objectifs, qui constituent une impérieuse nécessité en période de difficultés budgétaires dans tous les États membres. Les mesures avancées ne semblent en effet pas garantir un progrès décisif dans l'efficacité de la coordination, et surtout la réforme ne s'engage pas sur la voie du regroupement suggéré par le traité de Maastricht.

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C'est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu la proposition d'acte communautaire n° E-71 qui lui est soumise en application de l'article 88-4 de la Constitution,

Considérant que cette proposition tend à modifier les règlements en vigueur concernant les missions des Fonds à finalité structurelles («règlement cadre») et la coordination entre les interventions de ces Fonds («règlement coordination») ; qu'elle prévoit la création d'un instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) ; qu'elle établit la liste des zones éligibles au titre de l'objectif 1 (promotion des régions en retard de développement) ;

Invite le Gouvernement :

- à veiller à ce que la réforme des fonds structurels garantisse pleinement le respect des principes de transparence des procédures de décision et d'objectivité des critères de répartition des dépenses, conformément aux conclusions du sommet d'Édimbourg ;

- à proposer des mesures pour améliorer le contrôle financier et l'évaluation de l'efficacité des interventions ;

- à demander une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité dans la procédure de définition des zones éligibles à l'objectif 2, et une association plus étroite à la gestion des fonds structurels des comités composés de représentants des États membres, visés à l'article 17 du «règlement cadre» et aux articles 27, 28 et 29 du «règlement coordination» ;

- à proposer des mesures correctrices pour que l'inclusion du Hainaut belge dans la liste des zones éligibles à l'objectif 1 n'aboutisse pas à des distorsions de concurrence excessives au détriment de la région française frontalière ;

- à s'opposer à la création de l'IFOP si celle-ci n'est pas accompagnée de mesures garantissant qu'elle n'aboutira pas à alourdir et à opacifier les procédures de décision, et qu'elle ne conduira pas à une réduction des efforts communautaires en faveur de la restructuration du secteur de la pêche et de l'adaptation des structures agricoles ;

- à proposer, dans l'esprit de la nouvelle rédaction de l'article 130 D du traité de Rome introduite par le traité de Maastricht, un renforcement de la coordination des fonds, voire un regroupement de ceux-ci, afin de simplifier les procédures et d'améliorer l'efficacité des interventions communautaires.

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