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N°36
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SÉNAT
PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1992-1993 |
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 1992.. |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l 'article 88-4 de la Constitution sur les résolutions européennes,
PRÉSENTÉE
Par M. Jacques LARCHÉ,
Sénateur.
(Renvoyée a la commission des Lois constitutionnelles, du législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Parlement - Communautés européennes - Constitution - Règlement du Sénat,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les débats liés à la révision constitutionnelle préalable à la ratification du Traité de Maastricht, puis la campagne référendaire ont mis en relief la nécessité de combler le déficit démocratique dans la construction européenne, en associant plus étroitement le Parlement au processus de décision communautaire.
À cette fin, l'Assemblée nationale a pris l'initiative, en première lecture, d'introduire dans le projet de révision un nouvel article 88-4 instituant une procédure de transmission pour avis aux assemblées parlementaires des propositions d'acte communautaire de nature législative ; une loi organique devait définir la procédure selon laquelle les assemblées émettraient cet avis, soit en séance publique, soit au sein de délégations spécialement constituées à cet effet, c'est-à-dire, en pratique, au sein des délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les Communautés européennes.
Le Sénat a apporté à ce dispositif plusieurs modifications qui ont été retenues par l'Assemblée nationale, à l'occasion de la seconde lecture.
Considérant que la technique de l'avis était peu appropriée à des assemblées élues au suffrage universel, mais plutôt réservée à des organes purement consultatifs, comme le Conseil économique et social ou le Conseil d'État, le Sénat a estimé préférable de prévoir le vote de résolutions qui, sans avoir un effet impératif, auraient une valeur plus qu'indicative pour le Gouvernement.
Sur l'instant, la procédure des résolutions n'a pas été sans susciter quelques craintes ou objections, à la vérité peu fondées. Loin d'empiéter sur la compétence naturelle de l'exécutif en matière de négociation internationale, l'adoption de résolutions devrait permettre au Parlement d'exprimer sa position sur des sujets qui ressortissent normalement au domaine de la loi, d'autant que la transposition d'une directive dans le droit interne nécessitera, en fin de procédure, le vote d'une loi.
Cette procédure permettra par ailleurs d'opérer un contrôle plus vigilant et surtout plus permanent sur le respect du principe de subsidiarité, puisque saisies d'une proposition d'acte communautaire, les assemblées parlementaires seront à même de vérifier si elle entre effectivement dans un des domaines relevant de la compétence des Communautés, tels qu'ils sont définis par les traités constitutifs.
Le Sénat a ensuite prévu que ces résolutions pourraient être adoptées « pendant les sessions ou en dehors d'elles », de manière à éviter toute discontinuité dans l'exercice des compétences prévues par l'article 88-4 et, le cas échéant, à faire face à l'afflux de propositions d'acte communautaire urgentes ou soumises pendant l'intersession. Il résulte clairement des travaux préparatoires que cette précision a pour finalité d'autoriser le vote de résolutions sans nécessairement passer par la séance publique, soit que le sujet ne justifie pas un examen en séance plénière, soit que la résolution doive être adoptée pendant l'intersession.
Il faut également faire observer que l'article 88-4 institue, non une obligation, mais une simple faculté, les assemblées demeurant libres de voter des résolutions européennes sur les seuls sujets dont l'importance le justifierait.
Enfin, dans le souci de préserver l'autonomie de l'Assemblée nationale et du Sénat, celui-ci a décidé que la procédure d'examen et d'adoption des résolutions européennes serait déterminée dans le Règlement de chaque assemblée.
Il convient donc aujourd'hui de compléter le Règlement du Sénat de façon à définir, dans le respect des principes posés par le Constituant, les conditions de mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution.
C'est ainsi que les propositions d'acte communautaire soumises au Sénat par le Gouvernement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution seraient déposées sur le Bureau du Sénat. Ces propositions seraient imprimées et distribuées.
Il faut observer que la sélection des propositions d'acte communautaire entrant dans le domaine de la loi relèvera de la seule responsabilité du Gouvernement, le cas échéant après avis du Conseil d'État. Ce point n'est pas du domaine du Règlement du Sénat, aussi la présente proposition de résolution ne comporte-t-elle aucune disposition à ce sujet. Il est toutefois fort probable que le Sénat sera amené à exercer un contrôle vigilant sur la manière dont le Gouvernement interprétera le domaine de la loi, tel qu'il est défini par l'article 34 de la Constitution.
Par ailleurs, et compte tenu des contraintes d'ordre du jour auxquelles le Gouvernement doit parfois faire face lors des négociations au sein du Conseil des ministres de la Communauté, il paraît opportun de déterminer dans le Règlement un délai maximum au terme duquel le Gouvernement pourrait considérer que le Sénat n'a pas jugé utile de statuer sur une proposition d'acte communautaire. En raison du rythme constitutionnel des sessions, ce délai pourrait être fixé à un minimum de quatre mois, de manière à permettre, dans l'hypothèse d'une proposition soumise autour de la fin d'une session ordinaire, l'examen en séance publique de ladite proposition au début de la session suivante. Ce délai ne serait toutefois opposable au Sénat qu'à la demande du Gouvernement, dûment formulée lors du dépôt de la proposition d'acte communautaire.
Dans ce délai, il appartiendrait à chaque sénateur, s'il le juge utile, de déposer dans les conditions de droit commun une proposition de résolution sur les propositions d'acte communautaire. Dans cette hypothèse, les propositions de résolution seraient logiquement renvoyées à la commission compétente qui désignerait son rapporteur, examinerait la proposition de résolution européenne et adopterait sur cette base le texte d'une résolution. Par ailleurs, la commission aurait la faculté d'élaborer de sa propre initiative une proposition de résolution.
Un point de la présente proposition de résolution déroge cependant au droit commun : conformément au voeu du Constituant, - largement explicité sur ce point par les travaux préparatoires lors de la dernière révision constitutionnelle -, il y a lieu en effet d'organiser une procédure permettant le vote en commission de résolutions européennes sans faire intervenir l'assemblée plénière.
À cette fin, il est proposé que le texte élaboré par la commission devienne résolution au terme d'un délai de quinze jours francs suivant la date de sa distribution, sauf si dans ce délai, le Président du Sénat, le président d'un groupe politique, le président d'une commission ou de la délégation pour les Communautés européennes ou le Gouvernement demandait que ce texte soit examiné par le Sénat en séance plénière. Dans ce cas, la Conférence des Présidents serait appelée à statuer sur son inscription à l'ordre du jour du Sénat ; si une telle décision n'intervenait pas dans les dix jours francs suivant la publication au Journal officiel de la demande, la résolution deviendrait définitive et serait transmise au Gouvernement par les soins de la présidence du Sénat.
Conformément à sa vocation naturelle qui est de régler les travaux du Sénat, il reviendrait ainsi à la Conférence des Présidents de procéder à une sorte de tri pour déterminer souverainement les textes de résolutions européennes qui, en raison de leur importance, appelleraient un passage en séance publique.
Ce dispositif simple et pragmatique est également destiné à résoudre le problème des résolutions qui, en raison de l'urgence, seraient votées en commission pendant une intersession. Dans une telle hypothèse, la commission saisie se réunirait pour adopter le texte d'une résolution qui deviendrait définitif à l'expiration du délai réglementaire, sans attendre l'ouverture de la prochaine session ordinaire, à moins qu'entre temps, la Conférence des Présidents ne décide son inscription à l'ordre du jour du Sénat.
S'agissant de la délégation du Sénat pour les Communautés européennes, il n'est pas inutile de rappeler que ses pouvoirs ont été élargis par la loi du 10 mai 1990, laquelle a modifié et complété de manière substantielle l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
La mission impartie aux deux délégations pour les Communautés européennes est, en effet, de « suivre les travaux conduits par les institutions des Communautés européennes... afin d'assurer l'information de leur assemblée respective sur le déroulement du processus communautaire.
« À cet effet, le Gouvernement leur communique, dès leur transmission au Conseil des communautés, les projets de directive et de règlement et autres actes communautaires ainsi que tout document nécessaire établi par les différentes institutions des Communautés européennes.
« Le Gouvernement les tient informées des négociations en cours ».
Ainsi, l'obligation de transmission pesant sur le Gouvernement s'étend à l'ensemble des projets d'acte communautaire, que leurs dispositions entrent ou non dans le domaine de la loi.
La dernière révision constitutionnelle n'a pas eu pour effet de rendre ces dispositions caduques car une distinction doit s'opérer entre la procédure de soumission dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution et le mécanisme de transmission des textes communautaires, tel qu'il est organisé par l'ordonnance de 1958.
La procédure constitutionnelle de soumission des projets d'acte communautaire entrant dans le domaine de la loi s'inscrira le plus souvent en amont de l'examen d'un projet de loi de transposition du droit communautaire. Quant à la procédure plus générale de transmission de tous les projets d'acte communautaire, elle permet d'assurer, pour l'information du Sénat, le contrôle et le suivi de l'activité du Gouvernement au sein des instances communautaires. Cette procédure offrirait désormais une garantie supplémentaire d'exacte application par le Gouvernement de l'article 88-4 de la Constitution, puisque la délégation pourra en amont attirer l'attention du Sénat sur l'existence de dispositions communautaires entrant dans le domaine de la loi et qui, comme telles, devront le moment venu être soumises aux assemblées.
Pour conférer plus d'effectivité à ce dispositif, il semble souhaitable que la délégation pour les communautés européennes soit dotée de droits nouveaux qui lui permettent d'être étroitement associée au processus d'élaboration des résolutions européennes.
À cette fin, il vous est proposé que la délégation puisse faire part de son avis ou de ses conclusions sur les projets d'acte communautaire entrant dans le domaine de la loi ou de ses amendements sur les propositions de résolution correspondantes ; à ce titre, le dispositif proposé prévoit que le Président de la délégation ou son représentant serait de droit invité à participer aux travaux de la commission consacrés à l'examen d'une proposition de résolution européenne, comme peut le faire - mais seulement à titre consultatif - le rapporteur pour avis d'un projet ou d'une proposition de loi en vertu de l'article 17, alinéa 3 du Règlement du Sénat.
Le président de la délégation pourrait également demander l'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'une proposition de résolution européenne adoptée par la commission compétente, s'il estimait préférable que la résolution en cause soit examinée par l'assemblée plénière.
Il paraîtrait enfin logique que le président de la délégation - qui participe déjà aux travaux de la Conférence des présidents lorsque celle-ci doit décider l'inscription à l'ordre du jour des questions orales européennes - devienne désormais membre à titre permanent de cette Conférence, puisqu'elle sera régulièrement appelée à statuer sur des demandes d'inscription à l'ordre du jour du Sénat de propositions de résolution relatives à des propositions d'acte communautaire.
En tout état de cause, il semble nécessaire de modifier le Règlement du Sénat dès la présente session ordinaire, de façon à permettre la mise en oeuvre des droits accordés au Sénat par l'article 88-4 de la Constitution et l'ordonnance de 1958, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 8 mai 1990.
En rendant effective cette modalité nouvelle de l'association du Parlement au processus communautaire, la modification proposée répondrait aux attentes clairement exprimées lors de la récente révision constitutionnelle et introduirait plus de démocratie dans la construction européenne.
Tels sont les motifs de la présente proposition de résolution, que son auteur vous demande de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article premier
Après l'article 73 du Règlement du Sénat, il est inséré un chapitre nouveau ainsi rédigé :
« Chapitre XI bis
« Résolutions sur les propositions d'acte communautaire
« Art. 73 bis. - 1. - Les propositions d'acte communautaire soumises au Sénat par le Gouvernement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution sont déposées sur le Bureau du Sénat. Elle sont imprimées et distribuées. Lors du dépôt d'une proposition d'acte communautaire, le Gouvernement peut demander au Sénat de l'examiner dans un délai maximum qui ne peut être inférieur à quatre mois.
« 2. - Les propositions de résolution déposées en vertu du présent article sont soumises aux règles de droit commun, sans préjudice des dispositions du présent article. La commission compétente peut de sa propre initiative élaborer une proposition de résolution.
« 3. - Le texte rapporté par la commission est transmis au Président du Sénat, imprimé et distribué. Le Président de la délégation ou son représentant a le droit de participer aux travaux de la commission consacrés à l'examen du texte.
« 4. - Les conclusions de la commission deviennent une résolution au terme d'un délai de quinze jours francs suivant la date de leur distribution, sauf si dans ce délai le Président du Sénat, le président d'un groupe politique, d'une commission ou de la délégation pour les communautés européennes ou le Gouvernement demande qu'elles soient examinées par le Sénat. Si, dans les dix jours francs qui suivent la publication de cette demande, la conférence des Présidents ou le Sénat ne décide pas leur inscription à l'ordre du jour, les conclusions de la commission deviennent une résolution.
« 5. - Les résolutions adoptées par la commission ou en séance publique sont transmises au Gouvernement. ».
Art. 2
La première phrase du cinquième alinéa (c) du paragraphe 6 de l'article 42 du Règlement du Sénat est ainsi rédigée :
« c) sur le texte rapporté par la commission compétente en ce qui concerne les propositions de loi présentées par les sénateurs ou les propositions de résolution. ».
Art. 3
I. Dans la première phrase du premier paragraphe (1) de l'article 29 du Règlement du Sénat entre les mots : « les présidents des commissions spéciales intéressées, » et les mots : « le rapporteur général de la commission des Finances » sont insérés les mots : « le président de la délégation du Sénat pour les Communautés européennes, ».
II. En conséquence, la dernière phrase de ce paragraphe est supprimée.